« L’enfer, c’est les autres »

Malheureusement, cette phrase de Huis Clos de Sartre peut se prêter à la situation des copropriétaires au sein d’une copropriété et notamment lorsque l’un d’eux ne règle plus ses charges, mettant en péril les comptes de la copropriété. Une réaction rapide du syndicat de copropriété, représenté par son syndic, est alors nécessaire, d’autant plus depuis que le délai de prescription pour l’action en recouvrement est ramené à cinq ans !

Mais quelle procédure lui est offerte afin d’obtenir le paiement des charges impayées ?

Plusieurs procédures sont envisageables pour le syndic afin de procéder au recouvrement des appels de fonds.

Actions de recouvrement des charges impayées par le syndic

Si certains propriétaires ne respectent par leur obligation de participer aux charges, le syndic doit procéder au recouvrement des appels de fonds et engager les démarches nécessaires pour percevoir les sommes impayées.

A.  Relance amiable de copropriétaire défaillant

Dans un premier temps, il est conseillé au syndic d’effectuer une relance amiable du copropriétaire débiteur, relance qui pourrait aboutir au paiement, ou bien à un accord sur des modalités d’échelonnement de la dette.

B.  Mise en demeure du copropriétaire défaillant

Si cette relance reste sans réponse, une mise en demeure devra être adressée au copropriétaire défaillant par le moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou par la délivrance d’une sommation de payer par huissier de justice.

Le copropriétaire disposera alors d’un délai de trente jours pour payer ses charges. À partir de la mise en demeure, il se verra également opposer des intérêts de retard au taux légal.-

L’ensemble des frais engagés par le syndic, y compris le recours à l’huissier de justice, est à la charge du copropriétaire défaillant.

Encore une fois, un accord sur des modalités d’échelonnement de la dette peut être trouvé afin de permettre la régularisation de la situation du copropriétaire défaillant.

C.  Recours au juge par le syndic

En cas d’inaction du copropriétaire défaillant dans les trente jours et sans accord amiable de remboursement de la dette, le syndic doit saisir les tribunaux. Il n’a pas à obtenir une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pour engager une action en recouvrement des charges impayées.

Plusieurs possibilités d’actions judiciaires sont envisageables pour le syndic.

Le syndic peut demander l’obtention d’un titre exécutoire de paiement par voie d’assignation devant le tribunal judiciaire mais également par voie de requête en injonction de payer.

  • Procédure classique de recouvrement des charges : assignation devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble

Le syndic peut assigner le copropriétaire devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble. Pour les demandes concernant des charges inférieures à 10 000 euros, le syndic saisira du tribunal de proximité territorialement compétent en fonction de la situation de l’immeuble. La représentation par avocat n’est alors pas obligatoire, bien que conseillée eu égard à la complexité de la matière.

Plusieurs éléments seront vérifiés par le juge, à savoir si le budget prévisionnel a effectivement été voté par l’assemblée générale, si la procédure de mise en demeure préalable a été respectée, ainsi que la preuve de la défaillance du copropriétaire des sommes réclamées.

Attention, par exemple, un simple décompte informatique des sommes impayées ne constitue pas un document avec une valeur probante pour justifier de la dette.

Les impayés de charges sont soumis à un délai de prescription de cinq ans.

Il est possible de saisir le tribunal judiciaire en référé, s’il y a urgence, afin d’obtenir une décision plus rapide. Cette possibilité concerne tout particulièrement le recouvrement des provisions du budget prévisionnel. Toutefois, aucune contestation sérieuse de la demande ne doit exister, au risque pour le syndic de voir le magistrat se déclarer incompétent.

Cette procédure dite classique détient un autre avantage, elle permet de demander au juge des saisies conservatoires afin d’empêcher le copropriétaire de faire disparaitre les biens susceptibles d’être saisis, par exemple en bloquant une somme d’argent sur le compte du débiteur.

  • Procédure de requête en injonction de payer déposée auprès du tribunal de judiciaire du ressort du lieu de situation de l’immeuble

Le syndic (ou bien un mandataire tel que l’huissier de justice) peut également saisir le juge par voie de requête en injonction de payer auprès du tribunal judiciaire du ressort du lieu de situation de l’immeuble. Cette procédure rapide permet d’obtenir un titre exécutoire par un jugement sans que les parties n’aient à comparaitre. Le recours a un avocat n’est pas obligatoire. Le juge rend sa décision sur la base des seuls éléments présentés par le syndic.

Le juge lorsqu’il estime la requête justifiée rend une ordonnance d’injonction de payer qui sera portée à la connaissance du copropriétaire débiteur par huissier de justice. Un délai d’un mois s’ouvre alors durant lequel le copropriétaire peut contester l’ordonnance. Une fois le délai passé, l’ordonnance équivaut à un jugement.

Dans l’hypothèse d’une contestation de l’ordonnance par le copropriétaire, le syndic sera informé par le greffe qui convoquera les parties à une audience devant le tribunal judiciaire et donc c’est le retour à une procédure classique.

  • La procédure accélérée au fond : le recouvrement accéléré des charges provisionnelles

La loi du 10 juillet 1965, modifiée par la loi ELAN du 23 novembre 2018, a prévu une nouvelle procédure accélérée à destination des copropriétés.

Celle-ci pourra être déclenchée en cas de non-paiement d’une somme due au titre des charges courantes prévisionnelles mais également au titre des travaux non compris dans le budget prévisionnel.

Une fois la mise en demeure adressée, sans réponse du copropriétaire pendant plus de trente jours, le syndic peut se prévaloir d’une déchéance et assigner dans le cadre d’une procédure accélérée au fond en réclamant à la fois l’exigibilité immédiate des charges déjà appelées mais également des provisions à venir déjà votées en AG correspondant aux trimestres suivants, alors même qu’elles ne sont pas exigibles de la part des autres copropriétaires.

Finalement, le copropriétaire défaillant sera appelé à régler les impayés de charge du budget prévisionnel, les impayés pour les travaux non compris dans le budget provisionnel, les cotisations de fonds de travaux et les arriérés de charges.

Il est possible de prendre un exemple. Une copropriété a voté son budget prévisionnel de Janvier à Décembre 2021. Après une mise en demeure envoyée en mars 2021 sans réponse trente jours plus tard, le Syndicat des copropriétaires pourra assigner le copropriétaire défaillant devant le tribunal judiciaire. Il pourra ainsi réclamer non seulement les charges déjà appelées mais également réclamer l’exigibilité des charges à venir jusque fin Décembre 2021.

Les règles de représentation sont les mêmes que dans la procédure classique évoquée ci-avant.

D.  Les voies d’exécution du titre exécutoire de paiement

Dès lors que le syndic a obtenu un titre exécutoire de paiement, il saisit un huissier de justice afin d’exécuter la décision prononcée par le juge. L’huissier de justice pourra lettre en œuvre des voies d’exécution forcée telles que la saisie du compte bancaire, la saisie-arrêt sur salaires, la saisie des meubles, ou encore la saisie immobilière du lot.

En effet, le syndic peut engager, avec l’autorisation de l’assemblée générale, une action aux fins d’aboutir à la saisie immobilière du lot de copropriétaire débiteur, c’est à dire une vente sur adjudication du lot devant le tribunal judiciaire.

E.  Mise en œuvre de garanties de paiement à la disposition du syndic

Le recouvrement des créances peut être renforcé par la mise en œuvre de garanties de paiement.

À cet effet, le syndic dispose de différents moyens telles que l’hypothèque légale,  l’opposition au prix de vente, ou encore la saisie conservatoire.

Inscription d’hypothèque légale sur le lot

À titre de garantie afin de prémunir en cas de vente, le syndic peut avoir intérêt à inscrire une hypothèque légale sur le lot du copropriétaire débiteur. Aucun accord préalable de l’assemblée générale ne doit être demandé. Une telle inscription au bureau des hypothèques pourra intervenir après une mise en demeure restée infructueuse de payer des charges exigibles.

Cette possibilité est toutefois limitée dans le temps. Aucune hypothèque ne pourra être inscrite pour des sommes dues depuis plus de cinq ans.

Cette hypothèque permet alors au syndicat de copropriété de bénéficier d’une garantie sur l’appartement du débiteur qui couvrira les paiements des créances.

Opposition au prix de vente

Dans l’hypothèse d’une vente du lot par le copropriétaire défaillant, le syndic aura la possibilité de recourir à une opposition sur le prix de vente délivrée par un huissier de justice.

En effet, dans une telle hypothèse, le vendeur d’un lot doit présenter au notaire chargé de la vente une attestation du syndic de moins d’un mois certifiant qu’il est libre de toute obligation envers le syndicat. S’il ne l’a pas remis, le notaire devra dans les quinze jours suivants le transfert de propriété, signifier au syndic de l’immeuble la vente du lot par lettre recommandée avec avis de réception. Le syndic dispose alors de quinze jours pour faire opposition au versement des fonds par l’intermédiaire d’un huissier de justice. La somme du montant des charges dues par le copropriétaire, et seulement celle-ci, est alors bloquée puis reversée au syndic.

Paiement des frais de recouvrement des charges impayées

Les frais de recouvrement des charges impayées engagés par le syndic doivent être supportés par le mauvais payeur. Ceux-ci comprennent notamment le coût des courriers de mise en demeure, les frais d’huissier ou encore une partie des honoraires particuliers du syndic qui peuvent être prévu au contrat pour la procédure de recouvrement d’impayés.

Les honoraires de l’avocat du syndicat restent à sa charge. Toutefois, une condamnation forfaitaire sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civil pourra entrainer leur remboursement en partie, si les demandes sont reçues.

Il est  à noter que le copropriétaire défaillant qui emporterait la procédure l’opposant au syndicat de copropriété sera dispensé du paiement des frais de procédure, qui seront alors répartis entre les autres copropriétaires.

Dans certains cas, le recours à un avocat spécialisé en droit immobilier avec une connaissance du droit de la copropriété est nécessaire. N’hésitez pas à contacter notre cabinet NovLaw Avocats !