DAZN peut-elle obliger un bar à souscrire un abonnement professionnel pour diffuser les matchs de foot de ligue 1

DAZN peut-elle obliger un bar à souscrire un abonnement professionnel pour diffuser les matchs de foot de ligue 1 ?

Tribune libre : L’un de mes clients, exploitant d’un bar, restaurant à Paris, a récemment reçu une lettre de la plateforme britannique DAZN (par l’intermédiaire d’un cabinet de conseil en propriété intellectuelle) l’accusant d’avoir diffusé un match de ligue 1 sans être titulaire d’un abonnement DAZN professionnel.

Sur le fond, il est indiscutable que, si les faits étaient établis et prouvés (ce que DAZN devrait d’ailleurs démontrer), l’exploitant restaurateur ayant diffusé des matchs de foot dans un espace destiné à recevoir du public se rendrait responsable d’une violation des droits de propriété intellectuelle et des droits exclusifs de distribution de DAZN.

L’article L. 216-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet clairement que : « Sont soumises à l’autorisation de l’entreprise de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur radiodiffusion ou télédiffusion, leur mise à disposition du public en ligne et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée ».

Ce qui, à notre sens, soulevait des difficultés dans le courrier de DAZN, ce sont les conséquences qu’elle tirait de cette supposée infraction.

En effet, la société DAZN indiquait clairement à mon client que, suite à cette diffusion (encore une fois, non démontrée par un quelconque constat d’huissier ou autre) elle n’offrait que deux alternatives pour mettre fin au différend.

Option 1 soit souscrire un abonnement DAZN professionnel tout en réglant à DAZN la somme forfaitaire de 1.500 euros et en publiant un communiqué de presse rappelant les droits de diffusion exclusifs de DAZN pour la diffusion des matchs de ligue 1 ;

Option 2 soit ne pas souscrire un abonnement DAZN mais tout en réglant à DAZN la somme correspondant à cet abonnement annuel professionnel (soit 2.388 euros HT) plus 7.000 euros à titre de dédommagement et le même communiqué de presse rappelant les droits exclusifs de diffusion de DAZN en France pour la ligue 1.

Comprenons bien le sens et la portée d’un tel courrier : il implique d’une certaine manière que l’exploitant qui se serait rendu responsable d’une diffusion interdite de match de ligue 1 n’aurait aucun autre choix que de souscrire, contraint et forcé, un abonnement DAZN (car, si l’on se réfère à l’option 2, qui pourrait intelligemment ne pas souscrire l’abonnement tout en réglant à la plateforme la somme correspondante ?) tout en versant des sommes forfaitaires définies de manière totalement arbitraire, sans aucune explication ni justification quant à leur montant.

Pour un juriste, cette démarche paraît triplement problématique

Sur le plan probatoire d’abord, DAZN n’explique pas quelle preuve irréfutable, elle serait en mesure d’apporter quant au fait qu’un match aurait été diffusé sans autorisation. DAZN n’étant qu’une personne privée, elle n’est évidemment pas assermentée et doit, si elle entend faire valoir des droits en justice, rapporter la preuve de ses prétentions (que ce soit par constat de commissaire de justice ou tout autre). Elle ne peut en revanche se limiter à affirmer sans élément corroborant ses prétentions.

Sur le plan de la responsabilité ensuite, si DAZN entend initier une procédure quelconque contre un exploitant ayant violé ses droits, elle devra judiciairement expliquer la teneur de son préjudice. À supposer qu’une diffusion ait pu avoir lieu un soir sans autorisation, elle ne saurait ainsi exiger arbitrairement le paiement de sommes qui ne correspondent à priori à rien (1.500, 7000 plus le coût de l’abonnement, comment DAZN a-t-elle fixé ces montants qui doivent, selon elle, être payés par l’intermédiaire de son cabinet de conseil en propriété intellectuelle) ?

Sur le plan des pratiques commerciales enfin, il paraît évident qu’un tel courrier (dont les fondements sont pour le moins discutables) a essentiellement pour but de tenter d’impressionner l’exploitant, et d’une certaine manière, par l’effet de la peur, de le pousser à souscrire un abonnement et à régler des sommes forfaitaires sans fondement à DAZN.

À notre sens, et sous réserve de l’interprétation qui pourrait être faite par un magistrat, ces pratiques pourraient relever de la qualification pénale de chantage (312-10 code pénal) et de pratiques commerciales trompeuses (article L.121-4 du Code de la consommation) incriminant notamment le fait de « De formuler des affirmations matériellement inexactes en ce qui concerne la nature et l’ampleur des risques auxquels s’expose le consommateur sur le plan de sa sécurité personnelle ou de celle de sa famille s’il n’achète pas le produit ou le service ».

Pour rappel sur les pratiques commerciales trompeuses :

« Les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L. 121-2 à L. 121-4 sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros.

Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit. Ce taux est porté à 80 % dans le cas des pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux b et e du 2° de l’article L. 121-2 lorsqu’elles reposent sur des allégations en matière environnementale.

Lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ».

Dans tous les cas, nous conseillons aux clients ayant reçu un tel courrier de ne pas régler les sommes exigées sans prendre conseil préalablement quant à ses conséquences et sans s’interroger sur le bien-fondé juridique de la démarche de DAZN.

Baptiste

Par Maître Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Bail Commercial et Droit Immobilier du cabinet Novlaw Avocats,

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