Par un arrêt du 10 décembre 2020, le Conseil d’État a rappelé les règles régissant le devoir de conseil du maître d’œuvre durant l’exécution d’un marché public de travaux (CE, 10 décembre 2020, commune de Biache-Saint-Vaast, n°432783).

Dans cette affaire, la commune de Biache-Saint-Vaast avait conclu un marché public de maitrise d’œuvre avec un architecte dans le cadre de la construction d’une salle municipale polyvalente à vocation principalement festive.

Après la réception de l’ouvrage, il a été constaté que l’ouvrage ne respectait pas les normes d’isolation acoustique en vigueur, ce qui est particulièrement problématique au vu de sa destination.

Dans ce cadre, la responsabilité du maître d’œuvre peut être engagée en raison de son manquement à son devoir de conseil s’agissant de ces normes.

Marché public de travaux et devoir de conseil du maître d’oeuvre

Marché public de travaux et devoir de conseil du maître d’oeuvre

Le maître d’œuvre est soumis à un devoir de conseil du maître d’ouvrage

Le maître d’œuvre peut voir sa responsabilité contractuelle engagée en cas de manquement à son devoir de conseil, c’est-à-dire lorsqu’il n’a pas porté à l’attention du maître d’ouvrage des désordres dont il pouvait avoir connaissance, et cela que les désordres ou vices en cause soient apparents ou non :

« la responsabilité des maîtres d’œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ; qu’il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d’œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier » (CE, 28 janvier 2011, Société Cabinet d’études Marc Merlin, n°330693).

Plus généralement, rappelons que la responsabilité du maître d’œuvre peut être recherchée également en raison de désordres résultant de défauts de conception de sa part ou d’un défaut de contrôle et de surveillance des travaux (CAA Nantes, 7 juin 2017, société Sogeti Ingenierie, req. n°16NT00429)

Toutefois, notons que la responsabilité du maître d’œuvre ne pourra pas être engagée sur ce fondement si le maître de l’ouvrage avait été informé, avant la réception, par un tiers, notamment un maître d’ouvrage délégué, de l’existence des désordres en question (CAA Marseille, SMABTP, 3 octobre 2016, n°14MA05228).

Devoir de conseil du maître d’œuvre sur la réglementation applicable

Dans l’affaire concernant la commune de Biache-Saint-Vaast, le Conseil d’État vient préciser ce qu’implique le devoir de conseil du maître d’œuvre.

Ainsi, le devoir de conseil « implique que le maître d’œuvre signale au maître d’ouvrage l’entrée en vigueur, au cours de l’exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à l’ouvrage, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage » (CE, 10 décembre 2020, commune de Biache-Saint-Vaast, n°432783).

Partant, informer le maître d’ouvrage des réglementations en vigueur et applicables à la construction, fait partie des obligations incluses dans le devoir de conseil du maître d’œuvre.

En conséquence, la responsabilité du maître d’œuvre / architecte peut être engagée par le maître d’ouvrage / la commune, dès lors que le maître d’œuvre avait appliqué des normes qui n’étaient plus à jour lors de la construction.

En revanche, toujours dans cette affaire, le Conseil d’État a limité l’étendue de la responsabilité du maître d’œuvre puisqu’il a estimé que le maître d’ouvrage avait, lui-même, commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle, en ne se tenant pas au fait des nouvelles règlementations.

La faute commise par le maître d’ouvrage est une cause d’exonération partielle de la responsabilité du maître d’œuvre.