Sommaire
- Résiliation pour motif d’intérêt général d’un marché en raison de l’évolution des besoins des utilisateurs
- La seule présence deux anciens salariés de la société attributaire au sein de la maîtrise d’œuvre ne constitue pas une situation de conflit d’intérêts
- Mission d’AMO : pas d’avocat obligatoire lorsque les prestations juridiques sont accessoires
- Un marché passé en gré à gré ne remet pas en cause le caractère non contestable d’une créance, eu égard l’exigence de loyauté des relations contractuelles
- Le sous-traitant ne peut se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du CCAG Travaux par le maître d’ouvrage
- Le résultat de recherches sur internet ne peut pas se substituer au contenu de l’offre
- Illustration de la modulation par le juge du montant excessif des pénalités
- Responsabilité de l’acheteur en raison de la conclusion d’avenants illicites
- Conséquences de l’absence de communication du marché de substitution au titulaire défaillant
- Irrecevabilité d’un mémoire en réclamation ne respectant pas les formalités prévues au CCAG
- Irrégularité de l’offre ne respectant pas l’obligation de recourir à Chorus Pro
- Effet du décompte général devenu définitif sur la contestation de l’imputation des pénalités à un groupement
- Irrecevabilité d’une lettre de réclamation ne précisant pas les modalités de calcul de la somme réclamée (CCAG-TIC)
- Désordres d’ampleur ne relevant pas de la garantie décennale

Marché Public : Revue de jurisprudence de novembre 2024
Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois de novembre 2024 en matière de marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public
Résiliation pour motif d’intérêt général d’un marché en raison de l’évolution des besoins des utilisateurs
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que la décision par laquelle le SGAMI Sud-Ouest a résilié pour motif d’intérêt général un marché de travaux était fondée.
Ainsi, il est relevé par la Cour que l’abandon du projet était justifié par des difficultés techniques rencontrées en cours d’exécution de la phase réalisation et d’une évolution des besoins des services utilisateurs en termes de sécurité des installations qui n’entrait pas dans les prescriptions techniques du contrat, contrairement à ce que soutenait le titulaire du marché résilié.
D’ailleurs, la Cour observe que le titulaire n’a pas contesté que la poursuite du marché modifié aurait conduit à une modification substantielle des prestations par rapport aux besoins exprimés lors de la consultation.
Le titulaire du marché résilié peut néanmoins prétendre à une indemnisation en raison du préjudice subi consécutivement à cette décision de résiliation.
La seule présence deux anciens salariés de la société attributaire au sein de la maîtrise d’œuvre ne constitue pas une situation de conflit d’intérêts
Un candidat évincé soutenait que l’acheteur avait méconnu les principes d’impartialité et d’égalité de traitement des candidats dans la mesure où deux salariés chargés d’affaires de la société en charge de la maîtrise d’œuvre de l’opération en cause sont d’anciens employés de la société attributaire.
Cependant, le juge des référés précontractuels relève que les deux salariés en question ont exercé des fonctions au sein de la société attributaire plus de 6 ans avant le lancement de la procédure.
En outre, il n’est pas démontré l’implication de ces salariés dans la procédure de passation ni leur niveau de responsabilité dans ce cadre.
En définitive, la seule présence des deux salariés au sein de la maîtrise d’œuvre n’est pas de nature à faire naître un doute légitime sur l’impartialité de l’acheteur.
Mission d’AMO : pas d’avocat obligatoire lorsque les prestations juridiques sont accessoires
Dans cette affaire, une ville avait lancé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché public d’assistance à la passation d’un contrat de concession de service public pour la restauration collective, incluant donc des prestations juridiques.
Un groupement évincé, composé d’un cabinet de conseil et d’un cabinet d’avocats, a contesté l’attribution de ce marché à un cabinet de conseil au motif que l’offre de ce dernier était irrégulière.
Le groupement évincé considérait ainsi que l’attributaire n’était pas habilité à exercer le droit à titre principal et qu’il ne pouvait pas valablement exécuter les prestations juridiques prescrites dans le CCAP, dès lors qu’il n’avait pas présenté sa candidature en groupement avec un cabinet d’avocats ou un professionnel de droit agréé.
Le juge du référé précontractuel rejette ce moyen, relevant que les prestations juridiques attendues aux termes du marché ne nécessitaient pas qu’elles soient exécutées uniquement par un cabinet d’avocats ou un professionnel de droit agréé.
Ainsi, « le marché en litige, dont au demeurant les missions sont parfaitement détaillées, ne consiste pas à titre principal à réaliser des prestations juridiques de conseil et de rédaction d’actes sous seing privé, mais à assurer une assistance à maîtrise d’ouvrage pour la passation d’un marché de restauration collective ».
Un marché passé en gré à gré ne remet pas en cause le caractère non contestable d’une créance, eu égard l’exigence de loyauté des relations contractuelles
Dans cette affaire, le tribunal administratif avait considéré que la créance du prestataire d’une commune était sérieusement contestable dès lors que la convention liant les parties avait été signée en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence, le juge s’interrogeant notamment sur l’intention de la commune de favoriser ce prestataire.
La Cour rejette ces considérations.
En effet, s’il est établi que la conclusion de la convention n’a été précédée d’aucune formalité, un tel vice, dont il ne résulte pas de l’instruction qu’il révèlerait une intention de la commune de favoriser ce prestataire, ne saurait être regardé, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige ne puisse être réglé sur le fondement de ce contrat.
En outre, l’absence de qualité d’un agent de la commune pour solliciter les services de ce prestataire ne constitue pas non plus un vice d’une particulière gravité.
Dès lors, pour la Cour, il y a lieu de faire application du contrat et de considérer que la créance fondée sur l’exécution de celui-ci n’est pas sérieusement contestable.
Le sous-traitant ne peut se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du CCAG Travaux par le maître d’ouvrage
La Cour administrative d’appel rappelle ici que le CCAG applicable aux marchés de travaux fait partie des pièces contractuelles régissant les relations entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal.
Partant, ses stipulations ne peuvent, dès lors, être invoquées par le sous-traitant qui n’est pas partie à ce contrat (Voir notre article : FAQ Sous-traitance et marché public).
Le résultat de recherches sur internet ne peut pas se substituer au contenu de l’offre
Dans cette affaire, une commune avait lancé une procédure de passation d’un marché public portant sur des prestations de fourniture et d’installation d’écrans numériques interactifs.
Parmi les prescriptions du marché figurait celle que l’ordinateur intégrable à l’écran devait être muni du système d’exploitation « Windows 11 professionnel ».
La société évincée mentionnait expressément dans son offre qu’elle respectait cette exigence.
Pourtant, après des « recherches » sur internet, la commune a estimé que cette société ne respectait pas cette exigence.
Le juge du référé précontractuel considère alors que la commune avait dénaturé l’offre de cette société.
Illustration de la modulation par le juge du montant excessif des pénalités
Pour rappel, lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat.
Cependant, il peut, à titre exceptionnel, être saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclut les subventions versées par l’autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l’inexécution constatée (Voir en ce sens notamment CE, 12 octobre 2020, n°431903).
Dans cette espèce, le juge relève que, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment de l’inexécution seulement partielle et ponctuelle de ses obligations contractuelles par le titulaire, les pénalités infligées par la commune, à hauteur de 397 200 euros, représentant près de 66 % du montant total du marché sur trois ans, doivent être regardées comme atteignant un montant manifestement excessif.
Le juge réduit (modestement) alors le montant des pénalités à hauteur de 36 000 euros, soit 6 % du montant total du marché.
Responsabilité de l’acheteur en raison de la conclusion d’avenants illicites
La conclusion par la commune de plusieurs avenants illicites engage par principe sa responsabilité à l’égard du titulaire.
Toutefois, la responsabilité de la commune peut être atténuée par le fait que son cocontractant a également commis une faute en signant de tels avenants dont il ne pouvait exclure, compte tenu notamment de son expérience et de l’importance du groupe auquel il appartient, qu’ils étaient susceptibles d’être regardés comme constituant un nouveau contrat.
Conséquences de l’absence de communication du marché de substitution au titulaire défaillant
Pour mémoire, le titulaire défaillant doit être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par l’administration en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur étant à sa charge.
En l’espèce, le maître d’ouvrage n’avait pas notifié ce marché, de sorte que le titulaire défaillant n’a pas pu suivre l’exécution du marché.
La Cour considère que par voie de conséquence, le titulaire défaillant ne peut pas être tenu de supporter les conséquences découlant des surcoûts supportés par l’administration lors de la conclusion du marché de substitution.
Néanmoins, la Cour précise que les conséquences attachées à un défaut de communication du marché de substitution au titulaire du marché résilié résident uniquement, dans l’impossibilité pour le maître d’ouvrage de mettre à la charge du titulaire initial les suppléments de dépense résultant de la passation de ce marché de substitution, conformément au CCAG Travaux.
Dès lors, les éventuels surcoûts liés à la passation de ce marché ne peuvent pas être mis à la charge du titulaire défaillant.
Irrecevabilité d’un mémoire en réclamation ne respectant pas les formalités prévues au CCAG
Chaque mois est l’occasion de nouvelles décisions illustrant le soin particulier qu’il convient d’apporter à la rédaction du mémoire en réclamation.
Ici, la lettre du titulaire qui exprime des réserves sur le décompte, en faisant référence à de précédents courriers, et sollicitant une modification du décompte ne peut pas être regardée comme un mémoire en réclamation en vertu des dispositions du CCAG Travaux.
A fortiori, une copie de cette lettre n’avait pas été envoyée au maître d’œuvre.
À défaut de mémoire en réclamation, la demande du titulaire est donc irrecevable.
Irrégularité de l’offre ne respectant pas l’obligation de recourir à Chorus Pro
Est irrégulière l’offre d’une société à défaut de prévoir une transmission des factures par le recours à Chorus Pro, ce qui est contraire à l’article R. 2192-3 du code de la commande publique.
Si la société évincée faisait valoir que les documents de la consultation étaient imprécis sur ce point, le juge des référés relève que le CCAP mentionnait que la transmission des factures s’effectue conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Effet du décompte général devenu définitif sur la contestation de l’imputation des pénalités à un groupement
Il incombe au maître de l’ouvrage de liquider le montant global des pénalités de retard dues par l’ensemble des entreprises d’un groupement.
Il appartient alors au seul mandataire commun de répartir entre les entreprises les pénalités dont il fait l’avance jusqu’à ce qu’il ait fourni les indications nécessaires à leur répartition.
Et en cas d’inaction du mandataire commun le maître de l’ouvrage est tenu de lui imputer la totalité des pénalités.
Dans cette affaire, le mandataire du groupement n’avait apporté aucune indication au maître d’ouvrage quant à l’imputation des pénalités pour retard dans la levée des réserves qu’il entendait appliquer dans le décompte général.
Ce dernier devenu définitif imputait au mandataire l’ensemble des pénalités, ce que celui-ci ne peut plus contester compte tenu du caractère intangible du décompte définitif.
Irrecevabilité d’une lettre de réclamation ne précisant pas les modalités de calcul de la somme réclamée (CCAG-TIC)
Après avoir relevé que la lettre adressée par le titulaire d’un marché portant sur l’acquisition et la mise en œuvre d’un environnement numérique de travail, comportait d’un différend, l’exposé des chefs de celui-ci et le montant dont il exige le paiement et la référence à l’unité d’œuvre à laquelle se rattache la prestation facturée, la Cour observe néanmoins que cette lettre ne mentionne à aucun moment les bases de calcul de la somme réclamée.
Cette lettre ne peut alors présenter le caractère d’une lettre de réclamation au sens des stipulations du CCAG – TIC.
Désordres d’ampleur ne relevant pas de la garantie décennale
En dépit de l’ampleur du désordre, qui tient au décollement de l’enduit de façade, le maître d’ouvrage ne justifie d’aucun risque pour la sécurité des passants ou des patients, ni d’aucune atteinte à la solidité structurelle de l’ouvrage.

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
Cet article vous a plu ?
Besoin d'un avocat ?
Réservez dès maintenant votre rendez-vous en ligne
Vous recherchez un conseil ?
Affaires
Compliance
Immobilier
Social
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Formmulaire de Contact
Novlaw Avocats - Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République - 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Novlaw Avocats – Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République – 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Formulaire de contact