Deux décisions du Conseil d’État (CE, 7 octobre 2022, Association En toute Franchise, n°452959 et CE, 7 octobre 2022, société Entrepôt Nîmes, n°450615) viennent apporter des précisions sur le contentieux relatif à l’aménagement commercial.

Ces décisions sont l’occasion de revenir sur le régime des autorisations d’exploitation commerciale et l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) ou de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC).

Pour en savoir plus sur le rôle de la CDAC, les projets soumis à une autorisation d’exploitation commerciale (AEC), les projets qui en sont exclus, le contenu de la demande d’AEC (dossier et étude d’impact) ou encore le délai d’instruction, retrouvez notre article Procédure d’autorisation d’exploitation commerciale.

L’ouverture d’un commerce, d’un ensemble commercial (par exemple, un centre commercial) ou encore d’un drive, nécessite en principe la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale par la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC).

Si le projet commercial nécessite la délivrance d’un permis de construire, alors l’autorisation est délivrée par l’intermédiaire du permis de construire, lequel permis de construire vaut alors autorisation d’exploitation commerciale (PCAEC).

Quelles sont les conditions d’examen de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale ?

La CDAC dispose d’un délai de 2 mois à compter de sa saisine pour prendre sa décision (Article L. 752-14 du Code de commerce) ; à défaut, sa décision est réputée favorable.

La CDAC examine la demande d’autorisation d’exploitation commerciale au regard d’un certain nombre d’éléments énumérés à l’article L. 752-6 du Code de commerce, comme par exemple la localisation du projet, la consommation économe de l’espace, la contribution du projet à la préservation ou la revitalisation du tissu commercial du centre-ville, la qualité environnementale du projet, l’insertion paysagère et architecturale du projet ou encore son accessibilité.

L’autorisation d’exploitation commerciale doit être compatible avec les documents d’urbanisme en particulier le SCOT et le PLU.

Attention : Depuis la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, dite Climat et résilience, l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols comme le prévoit l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme, sauf exception prévue à l’article L. 752-6 du Code de commerce.

La CDAC autorise ou refuse les projets dans leur totalité (Article L. 752-22 du Code de commerce).

Que faire si le projet évolue en cours d’instruction ?

Si en cours d’instruction de la demande ou lors de la réalisation du projet, celui-ci subit des modifications substantielles du fait du titulaire, une nouvelle demande est nécessaire (Article L. 752-15 du Code de commerce).

Le caractère substantiel de la modification s’apprécie au regard des critères énumérés à l’article L. 752-6 du Code de commerce.

Par exemple, la transformation d’un centre automobile en magasin de bricolage constitue une modification substantielle. Ce n’est en revanche pas le cas de la création d’un espace de parapharmacie dont la surface est limitée (CE, 3 septembre 2009, n°318980) ou le remplacement d’une cellule alimentaire par un drive (CAA Douai, 28 septembre 2017, n°15DA01562).

Par ailleurs, lorsqu’elle devient définitive, l’autorisation de modifier substantiellement le projet se substitue à la précédente autorisation d’exploitation commerciale accordée pour le projet.

Comment contester l’avis ou la décision de la CDAC ?

L’avis ou la décision de la CDAC peut être contesté devant la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) (Article L. 752-17 I du Code de commerce).

Le recours devant la CNAC est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux.

En particulier, le pétitionnaire qui souhaite contester un refus de permis de construire en raison d’un avis défavorable de la CDAC doit dans un premier temps contester cet avis devant la CNAC.

Sur ce point, dans sa décision du 7 octobre 2022, le Conseil d’État rappelle que le recours formé auprès du CNAC contre l’avis de la CDAC est « un préalable obligatoire à l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l’autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation commerciale » (CE, 7 octobre 2022, Association En toute Franchise, n°452959)

En revanche, le préfet ou le maire n’ont pas cette obligation lorsqu’ils entendent contester un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (Article L. 752-17 du Code de commerce).

Qui peut contester l’avis ou la décision de la CDAC ?

Peuvent contester un avis ou une décision de la CDAC devant la CNAC :

  • Le demandeur (pétitionnaire) ;
  • Le préfet ;
  • Le maire ;
  • Les membres de la CDAC ;
  • Tout professionnel qui exerce son activité dans la zone de chalandise du projet est susceptible d’être affecté par le projet (Voir par exemple : CE, 26 septembre 2018, n°402275) ;
  • Toute association représentant ces professionnels.

Dans sa décision du 7 octobre 2022, le Conseil d’État a reconnu le double intérêt à agir d’une association qui peut se prévaloir d’un intérêt à la fois commercial et urbanistique afin de contester un permis de construire qui tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale à la fois en tant qu’il vaut autorisation de construire et en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, à condition que cette association justifie d’un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations (CE, 7 octobre 2022, Association En toute Franchise, n°452959)

Dans quel délai contester l’avis ou la décision de la CDAC ?

L’avis ou la décision de la CDAC doit impérativement être contesté dans un délai d’un mois (Article L. 752-17 II du Code de commerce).

Le délai de recours commence à courir (Article R. 752-30 du Code de commerce) :

  • Pour le demandeur à compter de la notification de l’avis ou de la décision ;
  • Pour le préfet à compter de la réunion de la CDAC (ou en l’absence de réunion à la date à laquelle l’avis ou la décision est tacite) ;
  • Pour un membre de la CDAC à compter de la réunion de la CDAC (ou en l’absence de réunion à la date à laquelle l’avis ou la décision est tacite) ;

Pour les autres tiers à compter de la plus tardive des dates suivantes : soit la date de publication au recueil des actes administratifs de la préfecture ; soit la date de publication de l’avis ou de la décision favorable dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département (Article R. 752-19 du Code de l’urbanisme).

Quelles sont les formalités liées au recours contre l’avis ou la décision de la CDAC ?

Le recours doit être motivé et accompagné des documents permettant d’établir que le requérant a qualité pour agir (Article R. 752-31 du Code de commerce).

Il doit être adressé au président de la CNAC par tout moyen sécurisé.

Attention à la notification du recours pour les tiers : en effet, le recours dont n’est pas l’auteur le demandeur doit obligatoirement être notifié au demandeur, dans un délai de 5 jours suivant la saisine de la CNAC (Article R. 752-32 du Code de commerce). Cette notification doit notamment se faire en LRAR.

Dans quel délai la CNAC rend sa décision ou son avis à la suite de sa saisine ?

La Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC)doit rendre sa décision ou son avis dans un délai de 4 mois ; à défaut, la décision ou l’avis initial de la CDAC est réputé confirmé.

La décision ou l’avis rendu par la CNAC se substitue à la décision ou l’avis de la CDAC.

La décision ou l’avis rendu par la CNAC est notifié au requérant, au demandeur (s’il est distinct du requérant), au préfet voire à l’autorité qui a délivré le permis de construire.

Cette décision ou cet avis est également publié au recueil des actes administratifs.

Peut-on présenter une nouvelle demande devant la CNAC ?

L’avis ou la décision rendu par la CNAC peut mentionner la possibilité pour le demandeur de la saisir directement d’une nouvelle demande d’autorisation.

En ce sens, l’article L. 752-24 du Code de commerce prévoit qu’un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la CNAC ne peut pas déposer une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale sur un même terrain, sauf s’il a pris en compte les motivations de la décision ou de l’avis de la CNAC.

À cet égard, le pétitionnaire doit justifier que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l’avis antérieur de la CNAC

Dans ce cadre, il appartient à la CNAC à nouveau saisie du projet de vérifier que cette condition préalable (des modifications « en lien » avec) est satisfaite et, uniquement si cette condition est satisfaite, de procéder au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce, y compris, s’agissant des exigences de fond, de celles dont il avait été antérieurement estimé qu’elles avaient été méconnues ou dont il n’avait pas été fait mention dans l’avis (CE, 7 octobre 2022, société Entrepôt Nîmes, n°450615).

Comment contester les décisions de la CNAC ?

La décision prise par la CNAC à la suite d’un recours contre une décision de la CDAC relève de la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel (Article R 311-3 du code de justice administrative).

Il en va de même concernant la décision relative à un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (Article L. 600-10 du Code de l’urbanisme).

Le délai pour saisir la cour administrative d’appel est de 2 mois à compter de la notification ou de la publication de la décision contestée.

En cas d’annulation de la décision, le CNAC se retrouve saisi de la demande d’autorisation initiale.

L’approche de NOVLAW Avocats

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Recours contre le refus d’une autorisation d’exploitation commerciale

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