
Responsabilité des courtiers en énergie : quels recours pour les clients trompés ?
Les courtiers en énergie sont tenus, à l’égard de leurs clients, d’un devoir de conseil afin de leur proposer des offres tarifaires cohérentes par rapport aux prix pratiqués sur le marché de l’énergie et en adéquation avec leurs besoins.
Depuis 2022, l’Europe fait face à une volatilité historique des prix de l’énergie consécutive aux retombées de la guerre en Ukraine et à la reprise économique.
Dans ce contexte, les pratiques tarifaires des fournisseurs d’énergie sont souvent pointées du doigt par les consommateurs et professionnels qui subissent de plein fouet la charge financière de l’envolée des prix.
La problématique est accrue par le fait que les professionnels ne bénéficient pas, contrairement aux consommateurs, de la possibilité de changer de fournisseur sans attendre la fin de leur contrat et qu’en l’occurrence, les fournisseurs d’énergie leur proposent la plupart du temps des contrats avec engagement ferme sur plusieurs mois, voire années. Pour bloquer leurs clients, les fournisseurs d’énergie n’hésitent pas à imposer des pénalités lourdes en cas de non-respect de la durée prévue au contrat.
Nous avions déjà eu l’occasion de présenter les différents fondements pour permettre aux professionnels de tenter de changer de fournisseur d’électricité de manière anticipée (notamment en saisissant les tribunaux pour négocier les conditions d’une rupture accélérée et une annulation des pénalités). À ce sujet, contrairement aux annonces répétées du gouvernement et du ministre de l’Économie à ce sujet, force est de constater que la problématique perdure et que de nombreux professionnels continuent de rester liés par des contrats désastreux sur un plan économique.
Le rôle des courtiers en énergie et la protection dont bénéficient les professionnels recourant à leurs services sont, pour leur part, moins connus du public.
Les courtiers en énergie jouent pourtant un rôle clé en cette période de crise de l’énergie puisqu’ils sont censés analyser le marché de l’énergie et aider leurs clients à choisir le contrat le plus adapté à leurs besoins.
Ces intermédiaires, dont les actes constituent une activité commerciale selon l’article L.110-1, 7° du Code de commerce, sont investis d’un rôle décisif entre les clients et fournisseurs d’énergie.
S’ils ne sont pas signataires au contrat de fourniture d’énergie conclu entre le fournisseur et le client, leur rôle est de proposer aux clients les offres de différents fournisseurs de gaz ou d’électricité en fonction de leurs besoins. Le service du courtier est ainsi de nature à orienter sensiblement le choix du client pour un fournisseur d’énergie.
On comprend dès lors que sa responsabilité puisse être engagée en cas de manquement à leur devoir de conseil, et notamment s’ils ont manqué d’impartialité en proposant des contrats avantageux pour eux et non pour leurs clients.
La problématique n’est clairement pas théorique puisque bien souvent les courtiers en énergie sont rémunérés par les fournisseurs d’énergie eux-mêmes, en contrepartie de la signature du contrat. Cette situation est évidemment susceptible de générer un conflit d’intérêts, avec le risque que le courtier en énergie soit tenté de favoriser le fournisseur d’énergie proposant la meilleure rémunération pour lui, plutôt que celui offrant le contrat le plus adapté au client, que ce soit en termes de prix ou de durée d’engagement.
Dans cette hypothèse, le client floué disposerait de plusieurs recours afin d’engager la responsabilité du courtier en énergie, que ce soit sur le fondement du droit spécial de la consommation, ou du droit commun de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle en matière de pratiques commerciales trompeuses.
En effet, même si les dispositions du Code de la consommation ne sont en principe applicables qu’aux consommateurs-personne physique, il n’en demeure pas moins que certaines dispositions spécifiques peuvent être invoquées par les professionnels et entreprises.
Les clients trompés pourraient également se retourner contre le courtier en énergie fautif pour violation du Code de bonne conduite des courtiers.
La protection commune à tous les professionnels
Les pratiques commerciales trompeuses
Tout professionnel peut se prévaloir des articles L.121-1 à L.121-7 du Code de la consommation interdisant les pratiques commerciales trompeuses.
Aux termes de l’article L.121-2 du Code de la consommation, une pratique commerciale peut notamment être qualifiée de trompeuse lorsqu’elle repose sur de fausses indications ou de nature à induire en erreur quant à des éléments particuliers du produit ou service proposé au client, parmi lesquels :
« a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
- b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions “ fabriqué en France ” ou “ origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
- c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix notamment les réductions de prix au sens du I de l’article L. 112-1-1, les comparaisons de prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; »
À ce titre, et indépendamment de la conclusion effective d’un contrat entre le fournisseur d’énergie et le client, le contrat conclu sur la foi d’arguments trompeurs encourt la nullité sur le fondement des vices du consentement (articles 1130 et suivants du Code civil). La victime de pratiques commerciales trompeuses peut également obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice.
Les pratiques commerciales trompeuses étant constitutives d’un délit, leur auteur encourt quant à lui jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende (L.132-2 du Code de la consommation).
Les dispositions du droit commun des contrats invoquées contre les courtiers en énergie
Si le courtier en énergie n’est pas partie au contrat conclu entre le client et le fournisseur, il est néanmoins lié au client professionnel par des obligations issues du droit commun avant la conclusion d’un contrat de courtage stricto sensu, et à par ses obligations contractuelles dans l’exécution du contrat de courtage.
En tout état de cause, le courtier en énergie est tenu de négocier et d’exécuter la convention de courtage de bonne foi (article 1104 du Code civil).
Pendant la négociation du contrat de courtage, il est également tenu à l’obligation d’information de son client (article 1112-1 du Code civil), au risque pour lui d’engager sa responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil). Cette obligation d’information porte sur toute information déterminante du consentement de son futur cocontractant, en cela exclue l’estimation de la valeur de la prestation (article 1112-1, alinéa 2 du Code civil).
Pendant l’exécution du contrat de courtage à proprement parler, le courtier en énergie est soumis à un devoir de conseil à l’égard de son client. Le courtier en énergie a ainsi l’obligation d’orienter le choix de son client en considération des intérêts de ce dernier et de s’assurer de l’adéquation du contrat d’énergie proposé à ses besoins. Il s’agit d’une obligation de moyens, dont la violation est de nature à engager la responsabilité contractuelle du courtier en énergie sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
Au sens de la jurisprudence, ce devoir de conseil s’impose au vendeur professionnel vis-à-vis de l’acheteur professionnel qui n’est pas à même d’apprécier l’opportunité du contrat envisagé ainsi que les risques qu’il présente (voir notamment Cass, Civ. 1ère, 28 octobre 2010, n°09-16.913).
De la même manière, l’article L.441-1 du Code de commerce prévoit que « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable », au risque pour le vendeur de s’exposer à une amende administrative.
Les dispositions du Code de consommation applicables entre professionnels et donc aux relations avec les courtiers en énergie et fournisseurs d’énergie
En principe, les dispositions du Code de la consommation ne s’appliquent pas aux clients professionnels, définis à l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
Néanmoins, sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels hors établissement les dispositions relatives à l’obligation d’information précontractuelle (Articles L221-5 à L221-7 du Code de la consommation), aux contrats conclus hors établissement (Articles L221-8 à L221-10-1) ainsi qu’au droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement (Articles L221-18 à L221-28).
En outre, la Cour de cassation a étendu la protection contre les clauses abusives à la personne morale qui « conclut un contrat n’ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle », considérant qu’elle ne peut de ce fait être qualifiée de « professionnelle » au sens de la loi (Cass. Civ. 3ème, 17 octobre 2019, n°18-18.469). Ces clauses abusives sont, au sens de l’article L.212-1 du Code de la consommation, « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Le professionnel recourant aux services d’un courtier en énergie peut donc s’en prévaloir contre son fournisseur, mais également contre son courtier en énergie dans le cadre de l’exécution du contrat de courtage.
La protection garantie par le Code de bonne conduite du Syndicat des courtiers en énergie
Le Code de bonne conduite établi par le Syndicat des courtiers en énergie est applicable à toutes les sociétés de courtage en énergie membres et établies en France. À ce jour, huit entreprises parmi les principaux courtiers en énergie de France sont membres de ce syndicat, à l’exclusion de la société Selectra, actuellement leader du marché.
Celui-ci prévoit plusieurs obligations incombant au courtier quant à la proposition et la comparaison des offres (article 3), la vente (article 4), le personnel (article 5), la confidentialité (article 6), le traitement des réclamations des clients (article 7), la rémunération du courtier (article 8) ainsi que les relations entretenues avec le fournisseur d’énergie (article 9).
Le Code oblige par exemple le courtier en énergie à l’exacte transmission de l’ensemble des informations nécessaires à la prise de choix du client (article 3.1.3), à l’information du client sur les modalités d’évolution du prix en cours de contrat (article 3.2.1), ou encore à la bonne estimation de la consommation prévisionnelle du client telle que transmise au fournisseur (article 9).
Tout manquement à ces obligations expose le courtier à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’exclusion du syndicat (article 10).
Évidemment, les manquements par le courtier en énergie à son code de bonne conduite sont susceptibles de constituer une faute que le client floué pourrait invoquer pour rechercher la responsabilité du courtier. Le préjudice subi pourrait être déterminé par l’écart entre le prix prévu au contrat signé par le client et le prix que le client aurait dû payer s’il avait été correctement conseillé et orienté.

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires, en collaboration avec Pauline Lesbros, juriste
Cet article vous a plu ?
Besoin d'un avocat ?
Réservez dès maintenant votre rendez-vous en ligne
Vous recherchez un conseil ?
Affaires
Compliance
Immobilier
Social
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Formmulaire de Contact
Novlaw Avocats - Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République - 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Novlaw Avocats – Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République – 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Formulaire de contact