Le contrat de franchise est un contrat par lequel une entreprise, le « franchiseur », permet à des entreprises indépendantes, les « franchisés » le droit de réitérer son savoir-faire sous son enseigne en échange du versement de redevances.

Le modèle social de la franchise, apparu aux Etats-Unis pendant la seconde moitié du XIXe siècle, trouve sa raison d’être dans la nécessité pour une entreprise de commercialiser ses produits à grande échelle tout en préservant les techniques de création, production et commercialisation qui concourent à son succès.

Il doit aujourd’hui sa popularité à l’internationalisation des échanges et la globalisation croissante des entreprises qui ont transformé en profondeur la pratique du commerce.
Selon la Fédération Française de la Franchise, on comptait 2035 franchiseurs pour 92 132 entreprises franchisées sur le territoire français en 2023, générant un chiffre d’affaires de 88,48 milliards d’euros, un chiffre en hausse continue depuis 1991.

Les secteurs d’activité particulièrement concernés par le système de franchise sont l’équipement de la maison, l’équipement de la personne et l’industrie alimentaire.

On le comprend aisément, le succès de la franchise repose principalement sur la coopération étroite entre le franchiseur et ses franchisés, lesquels demeurent indépendants, et risquent à ce titre de subir les aléas de la vie commerciale en dehors de la santé de l’entreprise du franchiseur.

La franchise repose sur une relation de confiance mutuelle tenant aux qualités substantielles de chaque partie. Le franchisé de son côté accepte de s’engager parce qu’il croît au concept développé par son franchiseur. Le franchiseur accepte lui de s’engage parce qu’il croit en les capacités du franchisé à le développer et le porter. Il s’agit clairement d’un contrat intuitu personae.

Pour autant, pour des raisons économiques évidentes, il arrive régulièrement que les parties décident de céder cette relation contractuelle, que ce soit pour permettre au franchisé de céder son fonds de commerce avec les attributs attachés (comme le contrat de franchise) ou pour permettre au franchiseur de céder son concept et le réseau qu’il aura su développer.

Pour autant, on sait que la question de la cession du contrat et des obligations soulèvent un certain nombre de difficultés dès lors que la relation contractuelle a été nouée en considération des qualités (réelles ou supposées) du cocontractant, comme c’est le cas en l’espèce.

La question de la cession du contrat de franchise est donc au carrefour de nombreuses questions et problématiques juridiques, qui trouvent des réponses différentes selon que la cession est à l’initiative du franchiseur, ou du franchisé.

Le franchiseur doit-il informer le franchisé en cas de cession du contrat de franchise ?

Inversement, le franchisé doit-il obtenir l’autorisation du franchiseur pour céder son contrat ?

Quelles sont les conditions pour que la cession du contrat de franchise soit valablement réalisée ?

Le contrat de franchise est un contrat intuitu personae, c’est-à-dire conclu en considération de la personne du cocontractant. Sa cession suppose donc naturellement l’accord de la partie cédée (Cass. Com., 6 mai 1997, n°94-16.335), et doit, depuis la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, être constatée par écrit ad validitatem (article 1216 du Code civil) c’est-à-dire pour être valable.

Le consentement ainsi donné peut être exprès ou tacite et intervenir au moment de la cession, ou être compris dès l’origine dans une clause du contrat cédé, par clause d’agrément ou par une promesse unilatérale de cession. La clause d’agrément est souvent accompagnée d’une clause de préemption, pourvu que celle-ci soit conforme au principe de loyauté entre les parties au contrat (article 1104 du Code civil). Il s’agit en effet de prémunir la partie cédée contre l’abus de droit encouru par une clause de cession source de déséquilibre significatif entre les parties.

Dans l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure collective, la cession judiciaire de l’entreprise du franchiseur ou du franchisé est possible, conformément à l’article L. 642-7 du Code de commerce. Néanmoins, la jurisprudence ne fait pas état d’un consensus sur ce point, et les tribunaux exigent majoritairement que soit démontré l’accord de la partie cédée.

Quelles sont les conditions spécifiques à la cession du contrat de franchise à l’initiative du franchisé ?

Puisqu’il est conclu intuitu personae, le contrat de franchise ne peut pas, à proprement parler, être cédé par le franchisé. Le franchisé qui entend mettre fin au contrat de franchise de manière anticipée doit en réalité procéder à une rupture du contrat de franchise conclu avec le franchiseur, et peut être tenu de verser à ce dernier une indemnité de rupture. La cession de son fonds de commerce, en revanche, ne nécessite pas l’accord du franchiseur, le franchisé demeurant indépendant.

En tout état de cause, le franchiseur doit obligatoirement conclure un nouveau contrat de franchise avec le repreneur. Cela implique notamment que le franchiseur remette au nouveau franchisé un document d’information précontractuelle, dit DIP dans le jargon de la franchise (Rappr. Com. 21 févr. 2012, no 11-13.653).

Quelles sont les conditions spécifiques à la cession du contrat de franchise à l’initiative du franchiseur ?

Par dérogation à l’exigence de consentement du franchisé à la cession du contrat de franchise, l’accord du franchisé n’est pas requis si la personne morale et la substance du contrat cédé demeurent inchangées (Cass. Com., 8 janv. 2013, n°11-23.676).

Concrètement, cela signifie qu’en l’absence de stipulation contractuelle contraire, la convention est maintenue entre le franchiseur et le nouveau franchisé, sans qu’il ne soit porté atteinte au caractère intuitu personae du contrat.

La solution dégagée par la Cour de cassation n’a pas fait l’unanimité dans la jurisprudence (voir notamment arrêt de la Cour d’appel de Paris, 5 janv. 2022, n°20/00737). Est notamment pointée du doigt la différence de traitement opérée entre le franchiseur et le franchisé quant au droit de regard dont chacun dispose vis-à-vis de la cession du contrat à l’initiative de son cocontractant.

Quels sont les effets de la cession du contrat ?

La transmission du contrat, quelle que soit sa forme, n’en modifie pas la substance. Le contrat initial continue de se poursuivre avec une nouvelle partie, qui en accepte les clauses au même titre que les signataires originaux. À ce titre, le nouveau franchiseur ne peut pas modifier le contenu des contrats auxquels il se trouve partie par l’effet de la cession (Cass. Com., 3 janv. 1996, n°94-12.314 ).

Quant au sort des contrats de travail, leur cession est automatique pourvu que la société cédante reste inchangée et conserve la même activité.

Quid des relations entre le cédant, le cessionnaire et le cédé ?

Aux termes de l’article 1216-2 du Code civil, le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut en revanche lui opposer les exceptions personnelles au cédant pour s’exonérer de ses obligations, comme l’incapacité du cédant à s’acquitter de ses propres dettes.

Le cédé, lui, peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.

Quant aux rapports entre le cédant et le cessionnaire, l’article 1216 du Code civil prévoit que la cession libère le cédant pour l’avenir, pourvu que le cédé y ait expressément consenti, à défaut de quoi le cédant demeure tenu solidairement de l’exécution du contrat.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires, en collaboration avec Pauline Lesbros, juriste

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