Novlaw concurrence anti-contractuelle et concurrence déloyale distinction

Concurrence anti-contractuelle et concurrence déloyale : comment les distinguer ?

Dans un système d’économie de marché, le principe de libre concurrence est indispensable à la sauvegarde de la liberté du commerce et de l’industrie. Paradoxalement, la garantie d’une libre concurrence concourant à l’équilibre du marché semble dépendre d’un contrôle efficace des actes de concurrence par le droit.

En cette matière, le droit français opère une distinction entre la concurrence anti-contractuelle (1) et la concurrence déloyale (2). Différents en leur principe, ces manquements obéissent à deux régimes distincts.

La concurrence anti-contractuelle ou violation d’une clause de non-concurrence

L’existence d’un intérêt légitime du créancier

La clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes du créancier, c’est-à-dire la protection de sa clientèle (Com. 1er mars 2011, n°10-13.795).

Les juges apprécient cette condition à l’aune d’un critère de proportionnalité, l’objectif étant que la clause de non-concurrence ne fasse pas office d’instrument punitif pour le débiteur. À cet égard, la Cour de cassation a pu infirmer la décision d’une cour d’appel au motif que cette dernière n’avait pas recherché si la clause de non-concurrence litigieuse était proportionnée à l’objet du contrat (Com., 4 janvier 1994, n°92-14.121).

La limitation de la clause dans le temps et l’espace

Pour qu’une clause de non-concurrence soit valide, ses effets doivent également être limités dans le temps et l’espace. Cela signifie qu’une clause doit indiquer expressément la durée et l’étendue géographique de son application.

À nouveau, la jurisprudence apprécie ce critère en tenant compte de la proportionnalité de la clause à l’objet du contrat ainsi que sa mise en œuvre concrète. Par exemple, la limitation de la clause de non-concurrence à une durée de 99 ans équivaut, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, à une absence totale de limitation dans le temps, puisqu’en pratique, un siècle dépasse évidemment toute mesure raisonnable de l’activité professionnelle d’un individu (Soc. 31 mars 1981, n°79-41.405).

La garantie d’emploi du destinataire de la clause

La clause de non-concurrence ne doit pas faire obstacle à la possibilité concrète pour le débiteur de retrouver un emploi dans son domaine de spécialité (voir notamment Com., 29 mai 1980, n°79-10.323). La raison en est que la clause de non-concurrence doit avoir pour strict objectif d’empêcher le débiteur d’entraver l’activité de son ancien employeur, sans toutefois l’empêcher d’exercer une activité professionnelle.

La contrepartie financière versée au débiteur

La clause de non-concurrence doit enfin indiquer l’obligation incombant à l’employeur de verser au travailleur une contrepartie financière qui ne peut être dérisoire, à défaut de quoi la clause est nulle et sans effet. Néanmoins, le caractère dérisoire de la clause équivalant à une absence de contrepartie ne permet pas au juge de se substituer aux parties pour apprécier le montant de la contrepartie à attribuer au débiteur. (Soc. 16 mai 2012, n°11-10.760).

Quant aux sanctions encourues, la violation d’une clause de non-concurrence peut engager la responsabilité contractuelle de son débiteur sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.

Il incombe dès lors au créancier de la clause de rapporter la preuve d’un préjudice certain, direct, légitime et personnel causé par l’inexécution de la clause par son débiteur. À cet égard, le simple fait de se livrer à des actes de concurrence est constitutif d’une inexécution, peu importe les moyens déployés à cette fin, et peu importe l’intention maligne ou non du débiteur de la clause.

Dans le cadre de la responsabilité contractuelle, le débiteur agissant en violation de la clause peut être condamné au paiement de dommages et intérêts. Alternativement, le juge peut ordonner en référé l’interdiction de l’activité exercée par le débiteur contrevenant à la clause (Civ. 1ère, 29 nov. 1989, n° 87-11.473).

En outre, le juge peut, à titre exceptionnel, restreindre l’application de la clause de non-concurrence contenue dans un contrat si elle fait obstacle à l’exercice par le débiteur d’une activité « conforme à sa formation et à son expérience professionnelle » (Soc., 18 sept. 2002 n° 99-46.136 et Soc., 2 décembre 2015, n°14-19.029).

Enfin, la clause de non-concurrence peut continuer de produire ses effets postérieurement à la cessation par le créancier de son activité professionnelle, la concurrence directe exercée contre lui affectant directement la valeur de son fonds de commerce (Soc. 21 janv. 2015, n°13-26.374).

La concurrence déloyale ou violation d’une obligation générale de loyauté

La concurrence déloyale consiste en une violation de l’obligation générale de loyauté, en dehors de toute relation contractuelle entre les parties. L’action en concurrence déloyale est donc naturellement fondée sur la responsabilité civile délictuelle régie par l’article 1240 du Code civil.

Elle diffère de la concurrence anti-contractuelle en ce que la déloyauté ne réside pas dans l’exercice même de la concurrence, mais bien dans le caractère déloyal des moyens employés par la partie qui se livre à des actes de concurrence. En ce sens, l’appréciation de la déloyauté concurrentielle échappe à la volonté des parties, et obéit davantage à des considérations morales que l’appréciation de la violation de la clause de non-concurrence.

Aux termes de l’article 1240 du Code civil, l’établissement de la responsabilité délictuelle est soumis à la preuve d’un fait générateur de responsabilité à l’origine d’un préjudice.

En matière de concurrence déloyale, le fait générateur de responsabilité est constitué par une faute du débiteur de l’obligation générale de loyauté. La caractérisation de cette faute est souvent épineuse en pratique, puisqu’elle n’est pas définie par la loi, et ne peut en tout état de cause trouver sa source dans un contrat.

La jurisprudence, qui définissait autrefois la concurrence déloyale comme un acte « contraire aux usages honnêtes » (article 10bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883), en donne aujourd’hui une définition qui excède la relation bilatérale entre les sociétés concurrentes.

Par exemple, « constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci » (Com. 7 déc. 2022, n° 21-19.860). Est également déloyale la pratique commerciale « contraire aux exigences de la diligence professionnelle et (qui) altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. » (Com. 12 janv. 2022, n° 20-11.139).

Plus particulièrement, la concurrence déloyale peut prendre la forme d’un acte de dénigrement (voy. notamment Com., 4 mars 2020, n° 18-15.651 et Com. 9 janv. 2019, n° 17-18.350), de confusion (voy. notamment Com., 11 janvier 2023, n° 21-20.437), de désorganisation (voy. notamment Com., 13 avril 2023, n° 22-12.808) ou de parasitisme (voy notamment Com., 28 juin 2023, n° 22-10.759).

Dans la pratique, le préjudice subi correspond généralement au préjudice matériel de perte de clientèle ou de perte de chance de développer une clientèle.

Quant aux sanctions encourues, le débiteur ayant agi en violation de l’obligation de loyauté engage sa responsabilité délictuelle, et peut à ce titre être condamné au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice et, si besoin, à la cessation des actes déloyaux. La victime des actes déloyaux peut également agir en référé et demander au juge de faire cesser le trouble illicite (article 835 du Code de procédure civile) et éventuellement prononcer des mesures d’instruction (article 145 du Code de procédure civile).

Conformément au principe de non-cumul des responsabilités, ces deux régimes sont mutuellement exclusifs. Néanmoins, la jurisprudence permet au tiers au contrat d’invoquer un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle s’il rapporte la preuve qu’un préjudice lui a été causé à cette occasion (Civ. 3ème, 13 juill. 2010, n°09-67.516).

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires, en collaboration avec Pauline Lesbros, juriste

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