Qu’est-ce qu’une conciliation en procédures collectives ?

Baptiste Robelin, avocat spécialisé en droit des procédures collectives, rappelle les règles de la conciliation dans le traitement des entreprises en difficultés : conditions d’ouverture, étapes, suivez nos conseils pas à pas.

Avec la réforme du 26 juillet 2005, la procédure de conciliation est venue remplacer la procédure de règlement amiable, son objectif étant de parvenir à un accord entre les créanciers et le débiteur, accord de nature à remédier aux difficultés que rencontre l’entreprise. Ce mécanisme de la conciliation a vocation à intervenir dès la survenance des premières difficultés que rencontrerait l’entreprise, l’objectif étant alors de traiter les difficultés le plus tôt possible pour éviter une aggravation de la situation et la mise en place d’une procédure de traitement des difficultés beaucoup plus lourde de conséquences (redressement ou liquidation judiciaire).

Le domaine de la procédure de conciliation

La procédure de conciliation bénéficie d’un large champ d’application, elle concerne toutes les personnes morales de droit privé (commerçantes ou non) ainsi que « les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut particulier » (Art. L.611-5 C.com.).
L’entreprise concernée devra rencontrer des difficultés juridiques, économiques ou financières avérées ou prévisibles et ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours (Art. L.611-4 C.com.).

Le débiteur est seul compétent pour demander l’ouverture d’une conciliation, il devra formuler sa requête auprès du président du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire selon la nature de son activité, le tribunal compétent sera celui dans le ressort duquel se situe cette activité. Le président du tribunal n’est pas dans l’obligation de faire droit à cette demande, il pourra aussi bien la rejeter s’il estime qu’elle est inopportune et décider de l’ouverture en lieu et place d’une procédure judiciaire s’il s’avère que la cessation des paiements est antérieure à 45 jours. Cette décision sera prise par voie d’ordonnance dans les 10 jours suivants sa notification.

L’accès à la conciliation est limité aux principaux créanciers du débiteur, il s’agira donc de ses principaux partenaires contractuels, mais également assez fréquemment de créanciers publics, détenteurs de créances fiscales ou sociales (Art. L.611-7 C.com.).

À noter toutefois qu’un débiteur ayant déjà bénéficié d’une mesure de conciliation ne pourra demander l’ouverture d’une nouvelle procédure après l’écoulement d’un délai de carence de 3 mois (Art. L.611-6 C.com.).

La mission du conciliateur

La nomination du conciliateur relève de la compétence du président du tribunal, son choix est libre, mais certaines incompatibilités sont cependant envisagées dans un souci de moralisation des accords amiables (Art. L.611-13 C.com.).

La mission du conciliateur ne pourra excéder 4 mois avec simplement une prorogation possible d’un mois sur décision motivée.

Le conciliateur doit être un intermédiaire entre les parties à la négociation afin d’obtenir d’eux des concessions, il pourra également proposer des solutions pour remédier aux difficultés de l’entreprise (Art. L.611-7 C.com.). De par son immixtion dans les affaires de l’entreprise, le conciliateur sera également tenu à une obligation de confidentialité en toute hypothèse.

Depuis l’apport de l’ordonnance du 12 mars 2014, le conciliateur peut être chargé par le président du tribunal, à la demande du débiteur, de mettre en place un « prepack session ». Ce mécanisme consiste en la cession totale ou partielle de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre le cas échéant dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. La transmission de l’entreprise est ainsi facilitée, l’opération bénéficiant du cadre confidentiel de la conciliation.

La conclusion d’un accord amiable

La formation de l’accord amiable

L’obtention d’un accord nécessite bien souvent des efforts consentis par chacune des parties. Ainsi, le débiteur pourra s’engager à effectuer certaines restructurations, à développer une nouvelle activité. De même, lorsque le débiteur est une société, le ou les associé(s) seront appelés à participer à cet effort, notamment par le biais d’un apport en compte courant ou d’une augmentation de capital social.

Les créanciers, quant à eux, auront la possibilité d’octroyer des délais de paiement, de consentir à des remises de dettes, d’injecter de l’argent frais dans l’entreprise ou bien encore de renégocier certaines conditions contractuelles.

En principe, l’accord obtenu fait l’objet d’une procédure de constatation judiciaire par le président du tribunal afin de lui conférer force exécutoire. Cette certification exige une attestation de la part du débiteur indiquant qu’il ne se trouve pas en cessation de paiement ou que l’accord a justement permit d’y mettre fin (Art. L611-8 C.com.). Cet accord certifié ne sera pas publié, lui permettant ainsi de conserver son caractère confidentiel.

Cependant, il est également possible que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le tribunal. Cela suppose qu’il n’y ait pas d’état de cessation des paiements ou que cet accord y mette fin, que les termes de l’accord soient de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise et que cet accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires. Son contenu fera l’objet d’une vérification approfondie par le juge et fera par la suite l’objet d’une publication au BODACC.

Qu’est-ce qu’une conciliation en procédures collectives ?

Les effets de l’accord amiable

Inévitablement, dans un objectif de sécurité juridique évident, la conclusion d’un accord entraine l’interdiction des poursuites de la part des créanciers à l’encontre du débiteur. Ceux-ci seront tenus de respecter les nouvelles échéances fixées dans celui-ci. À ce titre, les garants et Co obligés de ces dettes bénéficient de ce nouveau calendrier d’échéances, ils ne peuvent donc pas être poursuivis par les créanciers.

En cas d’inexécution de l’accord, l’un des signataires pourra saisir le président du tribunal pour la faire reconnaitre judiciairement. Les délais et remises constatés dans l’accord seront alors caducs, la rupture de cet accord se traduisant alors généralement par l’ouverture d’une procédure collective.

Cependant, lorsqu’un accord homologué a été conclu, des garanties supplémentaires sont octroyées aux créanciers. Ainsi, ces derniers pourront notamment bénéficier d’un privilège de conciliation dans l’hypothèse où leur concours a consisté en un apport en trésorerie ou en la fourniture d’un nouveau bien ou service au débiteur, et ce afin d’assurer la poursuite de l’activité de ce dernier (Art. L.611-11 C.com.). Ce privilège permet à ceux qui en bénéficient de disposer d’un rang favorable dans la répartition des actifs du débiteur si l’accord n’a pas suffi et qu’il se voit contraint de cesser son activité.

De même, le créancier bénéficiaire d’une conciliation homologuée serait dans l’impossibilité de se voir imposer des délais de paiement dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire (Art. L.626-20 C.com.).

Enfin, toujours dans l’optique de se prémunir d’un échec dans l’application de l’accord de conciliation, l’homologation de l’accord va permettre de limiter un éventuel report de la date de cessation des paiements au jour du jugement de l’homologation en cas d’ouverture d’une procédure collective. Ceci est un gage de sûreté non négligeable pour les participants à l’accord homologué.

L’échec de la conciliation

Dans l’hypothèse où aucun accord n’est possible entre les parties, le débiteur aura la possibilité de demander une sauvegarde s’il ne se trouve pas en état de cessation des paiements. Dans le cas contraire, il pourra alors demander l’ouverture d’une procédure de redressement voire de liquidation judiciaire. Depuis 2010, l’échec de la conciliation permet également l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée prévue aux articles L628-1 et suivants C.com.

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