Faut-il reprendre les salariés avec un fonds de commerce ?
La question revient à pratiquement chaque cession de fonds de commerce : L’acheteur du fonds de commerce est-il contraint de reprendre les salariés du vendeur ?
Les salariés sont automatiquement repris par l’acquéreur dans le cadre d’une cession de fonds de commerce
En effet, la loi prévoit une reprise obligatoire et automatique des salariés en cas de cession du fonds de commerce. C’est l’article L. 1224-1 du Code du travail qui trouve à s’appliquer et qui dispose d’un transfert automatique des contrats de travail.
Il s’agit d’une disposition impérative à laquelle les parties ne peuvent pas déroger.
Pire : il est formellement déconseillé au vendeur et à l’acquéreur du fonds de commerce de tenter de pousser les salariés à la démission. Il s’agirait clairement d’une fraude au droit du travail et les deux parties, tant le cédant que le cessionnaire du fonds de commerce sont susceptibles d’engager leur responsabilité. Il existe de nombreux contentieux aux prud’hommes ayant pour origine ce type de pratique frauduleuse.
Aussi, plutôt que de tenter d’imaginer des schémas pour tenter de se séparer des salariés liés au fond, il est plutôt conseillé au repreneur de commencer à réfléchir au plus vite aux conditions dans lesquelles il fera cette reprise des employés :
Par ailleurs, on pense trop souvent à l’aspect négatif de la reprise des contrats de travail. Mais parfois, c’est le contraire : il faudra se prémunir des conséquences d’une perte de certains salariés. C’est particulièrement vrai pour certains salariés qui sont des « hommes clés » de l’entreprise, comme un chef étoilé par exemple. S’ils démissionnent, ces salariés feront perdre de la valeur au fonds de commerce.
On peut se prémunir de telles conséquences en prévoyant par exemple une clause de réduction du prix de vente du fonds de commerce en cas de départ de certains salariés (puisqu’il n’est pas possible d’empêcher la démission d’un salarié contre son gré…).
Pour les congés payés : le vendeur du fonds de commerce doit-il rembourser les congés payés à l’acquéreur du fonds ?
La problématique des congés payés dans une cession de fonds de commerce est la suivante :
- Les droits à congés payés sont souvent acquis par les salariés avant la signature de la promesse ;
- Mais ils seront payés de manière effective après la cession
Se pose donc la question de savoir qui devrait payer ces congés payés : le vendeur, puisque les salariés ont acquis ces droits lorsqu’il exploitait le fonds ? Ou bien l’acquéreur, puisque c’est lui qui est le nouvel employeur lorsque survient la date de règlement de ces congés payés ?
En réalité, la question du remboursement des congés payés par le cédant au cessionnaire dans le cadre d’une vente de fonds de commerce dépend de ce qui a été prévu dans l’acte.
En général, les droits à congés payés acquis par les salariés au jour de la cession sont dus par le cédant, le vendeur donc, sauf accord contraire dans l’acte de vente. C’est assez logique, puisque jusqu’à la cession effective, les salariés ont travaillé pour le compte du cédant. En conséquence, si l’acquéreur doit régler des congés payés aux salariés pour la période antérieure à la cession (avant l’acte de cession), le vendeur doit en principe rembourser ces sommes à l’acquéreur.
En général donc, lors de la signature de la cession de fonds de commerce, le vendeur remet à l’acquéreur du fonds de commerce un chèque de remboursement des sommes correspondant aux congés payés acquis par les salariés avant la date de signature de l’acte.
Il s’agit d’un remboursement en prévision de ce que l’acquéreur du fonds devra payer plus tard aux salariés pour ces congés payés acquis avant la cession.

Attention à l’obligation d’information des salariés en cas de cession d’un fonds de commerce
Si l’acheteur du fonds de commerce doit anticiper au plus tôt la reprise des salariés du fonds (puisqu’elle est obligatoire), le vendeur du fonds de commerce doit de son côté veiller à respecter le droit d’information des salariés en cas de vente du fonds de commerce.
La loi impose en effet aux entreprises d’ informer leurs salariés de leur intention de vendre et les dispositions sont très larges, s’appliquant sont non seulement aux PME mais également aux TPE :
Ainsi, dans toutes les entreprises de moins de 50 ou 250 salariés, l’employeur est tenu à une obligation d’information des salariés dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce ou d’une participation majoritaire, c’est-à-dire la cession de parts sociales ou actions de la société.
L’objectif est de permettre aux salariés de présenter le cas échéant une offre d’achat du fonds, des parts sociales ou des actions, dont la vente est projetée.
Les salariés doivent ainsi être informés au plus tard deux mois avant la réalisation de la cession de l’entreprise, par écrit ou à l’oral. On conseille toutefois de prévoir un écrit pour se ménager la preuve de que cette information a bien été délivrée. En principe, il existe des modèles d’attestation à faire signer aux salariés, par lesquels ils vont pouvoir indiquer renoncer à présenter une offre de reprise.
Notez que si les salariés disposent d’un droit à l’information, il ne s’agit pas cependant d’un droit de préemption. Les salariés n’ont pas la possibilité de passer devant l’acquéreur, en priorité, s’ils entendent faire une offre de reprise. C’est pourquoi certains s’interrogent parfois sur l’utilité du dispositif…
On peut d’autant plus d’interroger sur son efficacité, qu’il n’y a plus à proprement parler de sanction efficace en cas de défaut d’information des salariés. À l’époque de l’entrée en vigueur de la loi, en 2004, la sanction prévue en cas de défaut d’information était la nullité de la vente.
Depuis, le législateur est venu réformer le système en prévoyant que le cédant qui ne se conformerait pas au droit d’information encourt simplement une amende civile, dont le montant ne peut excéder 2% de prix de vente du fonds de commerce. Quand on sait que le prix moyen des cessions de fonds oscille généralement entre 100.000 et 300.000 euros, ce n’est pas particulièrement dissuasif.
Toutefois, vaut mieux ne courir aucun risque et bien s’acquitter de son obligation d’information des salariés avant la vente.
On peut même prévoir une condition suspensive au stade du compromis de vente, indiquant que la vente n’aura lieu qu’à la condition que le vendeur justifie avoir préalablement informé les salariés du projet de cession.
Pas de reprise des salariés en cas de cession de droit au bail
Il n’existe pas à proprement parler d’ « exception » à la reprise des salariés en cas de cession de fonds de commerce, dès lors que cette reprise est automatique et d’ordre public.
Toutefois, il faut rappeler qu’il n’y a pas de reprise des salariés en cas de cession de bail : en effet, dans cette hypothèse, le repreneur reprend uniquement le bail, et non pas l’activité du vendeur (il ne reprend pas la clientèle, l’enseigne, etc.). Puisque le repreneur s’apprête à exercer une nouvelle activité dans les lieux, il était logique de ne pas imposer une reprise des salariés : imaginez un commerce de chaussures transformées en restaurant, on n’allait pas obliger les employés de l’ancien commerce, spécialisés en mode vestimentaire, à s’improviser du jour au lendemain sommelier ou cuisinier. Bref, pas de reprise des salariés en cas de cession de droit au bail.
Attention encore une fois aux tentations de fraudes : les parties qui tenteraient de déguiser une cession de fonds de commerce en cession de droit au bail pour se séparer des salariés, se rendraient complices d’une faute et engageraient leur responsabilité en cas de prud’homme des salariés. Il est en pratique assez simple de démontrer qu’il s’agissait en réalité d’une cession de fonds de commerce, et pas d’une cession de bail, en particulier si le repreneur exerce la même activité que son vendeur préalablement.
Pas de reprise des salariés en cas de « vente de fonds de commerce aux enchères » c’est-à-dire en redressement ou liquidation judiciaire
Deux hypothèses doivent être distinguées : acquisition d’un fonds de commerce en redressement judiciaire et acquisition de fonds de commerce en liquidation judiciaire. On appelle parfois improprement ce type de reprise une « vente aux enchères » ou une « reprise à la barre du tribunal ».
En réalité, ce sont des cas de cessions spécifiques prévus par le Code de commerce qui s’appliquent aux entreprises en difficulté. Les cessions en liquidation ou redressement font ainsi partie du droit des procédures collectives. Là encore, des dispositions spécifiques sont prévues s’agissant des salariés.
En ce cas de cession de l’entreprise en redressement judiciaire, le repreneur a le choix de reprendre ou non les contrats de travail. Il l’indiquera dans son offre de reprise au tribunal. Attention : généralement, pour avoir des chances d’être désigné par le tribunal, le repreneur d’un fonds de commerce en redressement judiciaire a intérêt à reprendre un maximum de contrats de travail, puisqu’il s’agit d’un des critères de sélection prévu par la loi et retenu par le tribunal lorsqu’il statue sur les différentes offres de reprise. C’est donc une manière de se distinguer des autres candidats repreneurs.
En cas de reprise de fonds de commerce en liquidation judiciaire, l’activité a déjà cessé puisque l’entreprise a été liquidée. Le repreneur ne reprend donc pas les contrats de travail.
Attention toutefois : le Code du travail prévoit un principe de priorité de réembauchage des salariés ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique, en cas de reprise du fonds par un repreneur. Ainsi, les candidats à la reprise d’un fonds de commerce en liquidation judiciaire doivent être prudents, et anticiper éventuellement une reprise des salariés en cas d’acquisition
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