Le fonds de commerce désigne l’ensemble des éléments corporels (outillage, matériel …) et incorporels (nom commercial, clientèle, droit de propriété industrielle, contrats …) qui sont affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle par un commerçant.

Les différents contrats conclus par le commerçant participent à la valeur de son fonds de commerce. Il est donc très important de savoir ce que deviennent ces contrats en cas de vente, leur sort pouvant impacter la valeur, voire l’existence même du fonds de commerce.

En principe, le repreneur n’est jamais tenu de reprendre les contrats passés par le vendeur, sauf exception (notamment concernant le bail commercial et les contrats de travail).

Certains contrats sont considérés comme essentiels et inhérents au fonds de commerce, et sont ainsi obligatoirement repris par l’acquéreur du fonds.

C’est notamment le cas du bail commercial : on considère qu’il conditionne l’existence même du fonds de commerce et qu’il est par conséquent nécessairement repris. L’article L. 145-16 du Code de commerce prohibe notamment la présence de clauses interdisant la cession du bail commercial à l’acquéreur du fonds de commerce. Certes, le bailleur doit être informé de cette transmission du bail, puisqu’il change de locataire, sans pouvoir cependant s’opposer à la cession.

Il est en revanche admis que les clauses restreignant la liberté de cession du fonds de commerce sont considérées comme licites, dès lors qu’elles reposent sur des critères objectifs (notamment la solidité financière du repreneur) et à condition que le bailleur ne les invoque pas de manière abusive (en particulier sans motiver son opposition à la cession).

Les contrats de travail sont également automatiquement transférés à l’acquéreur du fonds de commerce, comme prévu par l’article L1224-1 du Code du travail. Le transfert des contrats se fait avec l’ensemble des droits acquis par le salarié (notamment en matière d’ancienneté et de congés payés).

Cela n’exclut pas en revanche la possibilité pour le vendeur du fonds et ses salariés de s’entendre pour une rupture amiable (rupture conventionnelle) avant la cession du fonds, à condition que le salarié soit pleinement informé de ses droits et que son départ soit bien volontaire et non contraint. À défaut, le salarié injustement évincé, voire « poussé à la démission », peut saisir les tribunaux afin de solliciter réparation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demander des dommages-intérêts aussi bien au vendeur du fonds qu’à son acquéreur, s’il démontre l’existence d’une collusion frauduleuse entre les parties à la cession.

Autre point s’agissant de la reprise automatique des contrats en cas de cession de fonds de commerce : les contrats d’assurance de dommages aux biens (et non de personnes) sont également transférés de plein droit lors de la cession, sauf clause contraire.

Il en est de même des licences de brevet d’invention et licences d’exploitation (licence III, Licence IV notamment) sauf, encore une fois, à ce que les parties aient convenu autre chose. C’est d’ailleurs la différence notable avec les contrats de travail : en principe, les parties à la vente n’ont aucune option, leur transfert étant automatique et obligatoire (les dispositions du Code du travail sont d’ordre public sur ce point).

Les contrats dont le transfert doit être prévu dans l’acte de cession de fonds de commerce :

Certains contrats ne sont pas transmis automatiquement avec le fonds de commerce, les parties étant tenues de négocier pour déterminer leur sort et les conditions de leur éventuel transfert. Il s’agit notamment des contrats de distribution (gaz, internet, électrique …), des contrats de prestation de services (location de terminal de caisse, contrats d’entretien des locaux, etc.).

Les négociations peuvent être complexes, notamment lorsque les parties ont des intérêts divergents. C’est notamment le cas si l’acquéreur ne souhaite pas reprendre des contrats qu’il juge désavantageux, alors que le vendeur est exposé à une pénalité pour rupture anticipée.

Dans un arrêt en date du 19 octobre 2022, la Cour de cassation affirme en ce sens que la cession de fonds de commerce n’emporte pas automatiquement la cession du contrat de distribution, même lorsque celui-ci est essentiel à l’activité du fonds de commerce (21-16.169).

Cela implique dès lors un audit approfondi par les parties avant la vente : il s’agira de bien anticiper les conséquences d’une résiliation prématurée du contrat pour le vendeur (éventuelles pénalités) mais également les implications d’une reprise ou non par l’acquéreur.

Reste enfin la question des contrats dont la transmission ne dépend pas seulement de la volonté des parties, vendeur et acquéreur, mais également de l’accord du cocontractant cédé.

Les contrats dont la cession est conditionnée à l’accord du cocontractant

Lorsque des cocontractants s’engagent, ils peuvent inscrire dans le contrat une clause prévoyant l’interdiction de transférer le contrat en cas de cession de fonds de commerce. Les parties peuvent également insérer une clause d’agrément, ce qui signifie qu’en cas de cession de fonds de commerce, le cessionnaire (vendeur) devra obtenir l’agrément (accord) de son cocontractant afin de céder le contrat à l’acquéreur. C’est notamment le cas des contrats dits « intuitu personae » c’est-à-dire conclus en considération de la personne et des qualités du cocontractant.

Le cas particulier du contrat de franchise

Le contrat de franchise est un bon exemple de ce type de contrat dont le transfert implique souvent l’accord du cocontractant, en l’occurrence le franchiseur. Rappelons que par essence, si le franchiseur autorise le franchisé à exploiter sa marquée et son savoir-faire, c’est en considération des qualités et compétences, réelles ou supposées, que le franchiseur voit en la personne du franchisé. La plupart des réseaux de franchise structurés prévoient ainsi des conditions strictes pour intégrer le réseau, afin de protéger la réputation de la franchise. On sait qu’une liquidation d’un franchisé serait vécue le plus souvent comme une forme d’échec du réseau de franchise dans sa globalité, ce que les opérateurs économiques redoutent.

Dans ces conditions, le contrat de franchise renferme généralement des garde-fous et conditions importantes pour éviter que le transfert ne se fasse sans l’accord du franchiseur (ou à tout du moins sans que le franchiseur ne puisse le cas échéant préempter le fonds de commerce du franchisé en cas de cession). Vous pouvez sur ce point consulter notre article sur les conditions pour céder un contrat de franchise.

Le contrat de franchise est ainsi l’exemple le plus caractéristique du type de contrat dont le transfert, en cas de cession du fonds de commerce, est particulièrement encadré

Mais ce n’est pas le seul. On retrouve ainsi ce type de restriction dans la plupart des contrats de licence de marque ou de distribution exclusive, l’idée étant toujours la même : préserver l’identité et la cohérence du réseau en évitant que des membres puissent entrer ou sortir sans contrôle de la tête de réseau.

Pour tenter d’échapper à ces difficultés nombreuses (accord du bailleur le cas échéant, accord du franchisé, etc.) les parties peuvent être tentées de « déguiser » la cession du fonds de commerce en une cession de droit au bail, ou encore en une cession de titres (cession de société). Vous pouvez sur ce point consulter notre article sur la différence entre une cession de bail et une cession de fonds de commerce.

Mais là encore attention : outre qu’il est toujours possible pour un cocontractant dont les droits n’ont pas été préservés de solliciter la requalification de l’opération, la plupart des contrats prévoyant un accord du cocontractant pour la cession renferment également des clauses dites de « changement de contrôle ». L’idée est la même en définitive : prévoir qu’un changement capitalistique emportant le transfert de la société soit soumis à l’accord préalable du cocontractant.

Rappelons pour finir que si la cession de sociétés revêt un certain nombre d’attraits, elle pose également des difficultés supplémentaires pour l’acquéreur. Aussi contrairement à une cession de fonds de commerce qui n’est qu’une cession d’actifs (de manière globale), la cession de société emporte transfert du passif pour l’acquéreur. Il est donc vivement conseillé là encore de procéder à un audit approfondi de la « cible » (la société cédée) et de sa comptabilité. Une garantie d’actifs et de passifs est également recommandée, afin de faciliter la réparation financière de l’acquéreur qui n’aurait pas été informé de l’existence de passifs cachés.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires.

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