Aux termes de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé :

« 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;

2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »

Quant au bail commercial, l’article R145-35 du Code de commerce ajoute que les dépenses relatives aux grosses réparations et aux travaux y afférents, lorsqu’ils ont pour objet la mise en conformité ou la remédiation à la vétusté des locaux, ne peuvent pas être mises à la charge du locataire.

S’entendent notamment des grosses réparations celles portant sur la structure du local au sens de l’article 606 du Code civil, comme l’état des murs, des voûtes, des poutres et des couvertures entières.

Par une décision du 26 novembre 1999, la Cour d’appel de Paris avait par exemple jugé que « des travaux d’une ampleur telle qu’ils touchent à la structure même de l’immeuble, constituent des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil et doivent rester à la charge de la société bailleresse » (Cour d’appel de Paris, 26 novembre 1999, n°1999-04661).

Toutefois, en pratique, il arrive que le bailleur tente de se soustraire à ses obligations en ne réalisant pas les travaux coûteux dans le local commercial qu’il donne à bail.

Infiltrations et fuites dans les murs, affaissement de la toiture, vétusté de la charpente, défaillance structurale du plancher… Quelles solutions s’offrent au locataire ?

Oui, le locataire d’un bail commercial peut, sous réserve d’une mise en demeure préalable, demander la condamnation du bailleur à l’exécution forcée des travaux, conformément à l’article 1221 du Code civil, notamment si l’exploitation de son fonds de commerce lui est devenue impossible.

Néanmoins, l’article 1221 pose une limite à ce principe, puisque l’exécution forcée doit être écartée si elle est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

L’exigence de bonne foi, principe d’ordre public en (article 1104 du Code civil) et ajoutée à l’article 1221 par la loi de ratification de l’ordonnance de réforme du droit des contrats, s’applique de manière rétroactive aux baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 1er octobre 2016.

Alternativement, le locataire créancier de l’obligation de faire réaliser les travaux peut décider d’exécuter lui-même les travaux, et se retourner par la suite vers son débiteur (le bailleur) et lui demander le remboursement des frais engagés à cette occasion, pourvu qu’il délivre au bailleur une mise en demeure en bonne et due forme, dans un délai et pour un coût raisonnables (article 1222 du Code civil).

S’il souhaite obtenir la somme nécessaire aux travaux à réaliser, il peut également demander au juge d’ordonne au bailleur d’avancer les frais.

Attention néanmoins, à la date à laquelle a été conclu le contrat. En effet, ces dispositions s’appliquent aux seuls contrats conclus après le 1er octobre 2016.
Pour tous les contrats conclus avant cette date, le locataire doit s’assurer que le bailleur peut exécuter lui-même les travaux et lui délivrer ou lui faire délivrer une mise en demeure avant d’engager toute réparation spontanée.

Dans le cadre de l’exécution d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, il n’est donc pas possible pour le locataire de solliciter du juge qu’il prononce la substitution du locataire au bailleur sans mise en demeure préalable, sauf en cas d’urgence (voy. notamment Cass. Civ. 3ème n°15-18.306).

Constatant l’inertie du bailleur, le locataire peut-il refuser d’exécuter ses propres obligations, comme le paiement des loyers dus ?  :

Oui, le locataire peut refuser d’exécuter ses obligations dans cette hypothèse, comme le lui permet l’article 1219 du Code civil, à condition que l’inexécution soit suffisamment grave et qu’il puisse en rapporter la preuve. Il peut notamment se prévaloir de l’exception d’inexécution si le manquement du bailleur à ses obligations rend impossible ou difficile l’usage des lieux loués, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (voy. notamment Cass. Civ. 3ème, n°89-18.372 et Cass Civ. 2ème, n°14-24.612).

En pratique, toutefois, l’exception d’inexécution (c’est-à-dire le manquement du bailleur à son obligation de délivrance) est difficilement admise par la jurisprudence, le critère d’impossibilité de jouissance des lieux faisant l’objet d’une interprétation stricte par les juges du fond. L’exception d’inexécution doit donc être justifiée par un trouble d’une certaine gravité, et non un simple désagrément passager, aussi désagréable fût-il pour le locataire.

Quant aux travaux imposés par l’administration, leur inexécution par le bailleur fonde également le locataire à invoquer l’exception d’inexécution. Il s’agit le plus souvent de travaux tenant à la réglementation sanitaire, tels que l’installation d’une gaine d’extraction dans les cuisines d’un établissement de restauration, ou les opérations de désamiantage (voy. notamment Cass. Civ. 3ème, n°09-15.409).

Enfin, en invoquant l’article 1220 du Code civil, le locataire peut simplement suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette alternative à l’inexécution pure et simple par le locataire de ses propres obligations doit être notifiée au bailleur dans les meilleurs délais.

Elle est sans doute plus prudente pour le locataire souhaitant éviter la résiliation de son bail, laquelle peut être demandée par le bailleur qui estime que la réalisation des travaux incombe au locataire.

Une autre alternative à l’inexécution pure et simple du paiement des loyers est la réduction unilatérale du loyer après mise en demeure prévue à l’article 1223, alinéa 1er du Code civil. Cette réduction peut être notifiée au créancier qui n’a pas, ou partiellement exécuté son obligation.

Elle consiste plus précisément en une diminution du prix proportionnelle à l’inexécution, dont le montant est laissé à l’appréciation souveraine du juge.

Le bailleur engage-t-il sa responsabilité s’il n’effectue pas les travaux ?  :

Oui, le bailleur engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1231-1 s’il n’effectue pas les travaux qui s’imposent, pourvu qu’il ait préalablement été informé de l’existence des dégâts (Cass. Civ. 3ème, n°09-15.465) et que le locataire rapporte la preuve du dommage qui lui a été causé du fait de cette inexécution.

Quant aux sanctions encourues, le bailleur peut être condamné en justice à l’exécution forcée en nature de l’obligation, la réduction du prix ou la résolution du contrat de bail à ses torts exclusifs conformément aux dispositions de l’article 1217 du Code civil, et, cumulativement, au versement de dommages-intérêts au locataire, conformément aux dispositions de l’article 1231-1 du Code civil.

Attention toutefois à toujours veiller à mettre en demeure le bailleur de s’exécuter ! En effet, les dommages-intérêts ne sont dus que si le locataire a valablement mis en demeure son bailleur avant toute action, comme l’exige l’article 1231 du Code civil.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires, en collaboration avec Pauline Lesbros, juriste

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