Définition du bail emphytéotique

Le bail emphytéotique est régie par les articles L451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime issus de la loi du 25 juin 1902.

Le bail emphytéotique est un contrat entraînant le transfert, pendant une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, d’un droit réel de jouissance sur le bien immobilier objet du bail, au profit du preneur appelé « emphytéote », en contrepartie du paiement d’une redevance. Ce droit réel est librement cessible, saisissable et susceptible d’hypothèque.

Ayant autrefois pour objet le défrichement de plantation et la mise en culture, le bail emphytéotique tend aujourd’hui à la mise en valeur de l’immeuble loué. Ainsi, le bail met souvent à la charge de l’emphytéote d’améliorer le bien loué à travers des travaux d’amélioration, des constructions ou des plantations.

Il résulte de l’article L. 451-10 du Code rural et de la pêche maritime aux termes duquel « l’emphytéote profite du droit d’accession pendant toute la durée du bail » que le preneur à bail emphytéotique se voit conférer un droit de propriété temporaire sur les améliorations, constructions et plantations dont il est l’auteur, qui s’ajoute, à titre d’accessoire, au droit réel de jouissance portant sur l’immeuble loué.

Par ailleurs, des dispositions spéciales prévoient des régimes dérogatoires aux dispositions du Code rural et de la pêche maritime s’agissant, d’une part, de baux emphytéotiques consentis sur des immeubles appartenant à une collectivité territoriale et, d’autre part, de baux emphytéotiques consentis sur les biens immobiliers appartenant à l’État ou à ses établissements publics en vue de la réalisation de logements sociaux.

Rappelons tout d’abord les règles relatives au bail emphytéotique régi par les dispositions du Code rural et de la pêche, puis celles applicables aux baux emphytéotiques administratifs.

1. Bail emphytéotique : un bail spécifique de longue durée

Conditions de validité du bail emphytéotique

La validité du contrat de bail emphytéotique est subordonnée à la réunion de deux conditions tenant, d’une part, à la durée du bail qui doit être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans et, d’autre part, aux attributs du droit réel immobilier consenti.

Le preneur peut hypothéquer son droit au bail afin de faciliter une demande de crédit par exemple. En outre, le droit au bail est saisissable.

Enfin, ce bail peut être cédé librement par le preneur à toute autre personne sans que le bailleur ne puisse s’y opposer. La Cour de cassation disqualifie les baux emphytéotiques qui interdisent de céder le droit au bail (Civ. 3e, 15 mars 1983, n° 82-10.399).

La qualification de bail emphytéotique exclut l’application de tout autre statut. Ainsi, si l’immeuble loué est à usage commercial, industriel, ou artisanal, le statut des baux commerciaux est écarté, sauf en ce qui concerne la révision du loyer (article L. 145-3 du Code de commerce). De même si le bail porte sur des immeubles ruraux, aucune disposition régissant le statut du fermage et du métayage n’est applicable.

En raison de la nature du droit conféré et de l’importance de sa durée, le bail doit être établi par acte notarié afin d’être publié au service de la publicité foncière du lieu de situation de l’immeuble loué.

Droits et obligations de l’emphytéote dans le bail emphytéotique

Le bail emphytéotique reconnait à l’emphytéote le droit d’opérer toutes transformations aux bâtiments, tous changements de destination, de cultures qui augmentent la valeur du fonds.

Le preneur ne peut opérer dans le fonds aucun changement qui en diminue la valeur.

En contrepartie de la jouissance de l’immeuble, l’emphytéote doit payer au bailleur une redevance, appelée « canon emphytéotique » dont le montant est librement fixé par les parties. En outre, l’emphytéote assume toutes les contributions et charges de l’immeuble loué, notamment des réparations de toute nature.

Fin du bail emphytéotique

Le bail ne peut pas être prolongé par tacite reconduction (article L. 451 du Code rural et de la pêche maritime) mais les parties peuvent expressément prévoir sa reconduction dans la limite des quatre-vingt-dix-neuf ans.

Causes d’extinction du bail emphytéotique

Outre l’arrivée du terme fixé contractuellement qui ne peut excéder 99 ans, le bail peut être judiciairement résilié à l’initiative du bailleur dans plusieurs hypothèses : soit pour défaut de paiement de la redevance pendant deux années consécutives, soit pour inexécution des autres conditions du contrat, ou en cas de détériorations graves commises sur le bien loué par le preneur.

En revanche, le bail emphytéotique ne peut comporter de clause de résiliation de plein droit.

Reprise en fin de bail du bail emphytéotique

En fin du bail, le bailleur reprend le fonds qui était déjà le sien et devient propriétaire des améliorations et constructions réalisées sur son terrain par le preneur. Ce dernier ne peut ni détruire celles-ci, ni solliciter à cet égard une quelconque indemnisation (article L451-7 du Code rural et de la pêche maritime).

2. Baux emphytéotiques administratifs

À l’origine, le régime de protection du domaine public, au sommet duquel figure le principe d’inaliénabilité, s’opposait à ce que les personnes publiques puissent recourir au bail emphytéotique sur celui-ci, et elles ne pouvaient donc utiliser cette technique que sur leur domaine privé.

Dans un souci de meilleure valorisation du domaine public, le législateur l’a finalement admis en 1988 pour le domaine public des collectivités territoriales.

Une collectivité territoriale peut ainsi conclure un bail emphytéotique administratif confiant à l’emphytéote la réalisation d’une activité d’intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public (articles L. 1311-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales).

Plus tardivement, l’État qui s’est lui aussi vu reconnaître cette faculté pour des opérations spécifiques :

  • le BEA  » logements sociaux  » ou  » BEA HLM  » permet à l’État ou ses établissements publics d’octroyer sur son domaine public ou privé un bail emphytéotique en vue de la construction (et non la rénovation) de logements sociaux.
  • le  » BEA valorisation  » porte sur la restauration, la mise en valeur ou la réparation d’un bien immobilier de l’État

Spécificités du bail emphytéotique administratif

Ces baux emphytéotiques administratifs diffèrent profondément des baux emphytéotiques régis par les articles L. 451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.

Ainsi, la cession des droits résultant d’un bail emphytéotique administratif est subordonnée, à peine de nullité, à l’obtention de l’agrément de la personne publique sur la personne subrogée au preneur dans les droits et obligations découlant de ce bail. Cette personne doit notamment être subrogée dans les conventions non détachables conclues pour l’exécution du service public ou la réalisation de l’opération d’intérêt général, et dans le cas d’un bail emphytéotique consenti sur un bien appartenant à l’Etat ou un de ses établissements publics, pour la réalisation de l’opération de réalisation de logements sociaux.

En outre, la cession des droits résultant ne peuvent être cédés, à peine de nullité, que si les obligations de publicité, de mise en concurrence et de sélection préalables à la délivrance d’un titre, prévues à l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, ont été respectées.

Enfin, le droit réel conféré au titulaire du bail, de même que les ouvrages dont il est propriétaire ne sont susceptibles d’hypothèque que pour la garantie des emprunts contractés par le preneur en vue de financer la réalisation ou l’amélioration des ouvrages situés sur le bien loué. En outre, le contrat constituant l’hypothèque doit, à peine de nullité, être approuvé par la personne publique, et seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer des mesures conservatoires ou des mesures d’exécution sur les droits immobiliers résultant du bail.

Pour toute question supplémentaire sur le bail emphytéotique, n’hésitez pas à contacter nos avocats experts en droit immobilier.

Sarah Becquart, en collaboration avec Maître Baptiste Robelin, avocat associé du cabinet Novlaw

Baptiste

Par Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Droit des affaires Droit des sociétés  et Droit immobilier du cabinet Novlaw Avocats,

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