Définition du droit de préemption en cas de cession de fonds de commerce : le droit de préemption commercial est un droit légal reconnu à une collectivité publique, lui permettant d’acquérir en priorité les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux, lorsque leur propriétaire manifeste une intention de vendre.

Par une loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du Code de l’urbanisme, la législation française a instauré un droit légal de préemption urbain (le « DPU ») en faveur des communes, justifié notamment par l’intérêt public.

Ce droit de préemption urbain permet aux communes qui en ont fait le choix d’acquérir en priorité, sur certaines zones de leur territoire, un fonds de commerce, un fonds artisanal ou un bail commercial mis en vente par son propriétaire. Un droit similaire existe en matière de vente d’immeuble.

L’exercice de ce droit doit toutefois être justifié par un véritable projet d’intérêt général. En effet, conformément à l’article L.210-1 du Code de l’urbanisme, le droit de préemption urbain a pour objet la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs généraux de l’aménagement définis à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.

Par conséquent, ce droit ne peut être exercé par la commune que s’il répond à un projet d’intérêt général : la protection du commerce de proximité, la protection des espaces naturels, un projet urbain…

Depuis sa mise en place, et grâce à l’élargissement de son champ d’application, le DPU a connu un grand succès auprès des collectivités territoriales, devenu un instrument privilégié notamment pour la gestion d’aménagement urbain. Toutefois, cet élargissement a eu pour corollaire l’augmentation des contentieux devant le tribunal administratif. En effet, entre 2001 et 2004 le nombre de recours portés devant le juge administratif aurait plus que doublé.

L’instauration du DPU a conduit à la création du droit de préemption commerciale (le « DPC »), c’est-à-dire un droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux (L.214-1 à 214-3 du Code de l’urbanisme). Cet instrument vise à réguler les acquisitions de commerces de proximité qui animent les centres-villes menacés de disparition notamment par l’implantation grandissante des grandes enseignes et centres commerciaux.

Près de dix ans après sa création, des questions demeurent quant à certains aspects du dispositif. Sur le plan pratique, on peut notamment s’interroger sur la capacité des collectivités à garantir l’exploitation de fonds de commerce ou artisanal entre le moment de la préemption et la rétrocession, période qui peut durer deux (2) ans voir trois (3) en cas de location-gérance du fonds de commerce ou artisanal (L.214-2 du Code de l’urbanisme).

Aujourd’hui, il est fondamental de comprendre cet instrument juridique afin d’éviter un décalage entre le cadre juridique et la pratique, mais également pour assurer un meilleur équilibre entre les besoins des collectivités territoriales et les droits des acteurs privés.

2. Le droit de préemption en matière de vente de fonds de commerce justifié par la sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité

Ce droit de préemption commercial (le « DPC ») encadré par l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme a été mis en place par le décret n°2007-1827 du 26 décembre 2007, pris pour l’application de la loi n°2005-882 du 2 août 2005, en faveur des parties et moyennes entreprises.

Grâce à ce nouvel outil, les communes peuvent pérenniser la présence des commerces vitaux dans les centres-villes ou favoriser le développement d’autres activités artisanales et commerciales.

3. Champs d’application du droit de préemption dans les cessions de fonds de commerce

En application de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, au sein duquel les acquisitions des fonds artisanaux, fonds de commerce, baux commerciaux et terrains à usage commercial d’une surface de vente comprise entre 300 et 1000 m2 dans un délai de 5 ans à compter de leur aliénation (il doit s’agir de magasins de vente au détail ou de centres commerciaux au sens de l’article L.752-3 du code de commerce) sont soumises au droit de préemption de la commune.

Sont exclus du périmètre du DPC, les biens faisant l’objet d’un plan de sauvegarde (article L. 626-1 du code de commerce), d’un plan de cession d’entreprise au titre d’un redressement judiciaire (article L.631-11 du Code de commerce) ou d’une liquidation judiciaire (article L. 642-1 à 17 du Code de commerce).

4. Mise en œuvre du droit de préemption en cas de cessions de fonds de commerce

 

Les titulaires du droit de préemption commercial sont en principe les communes, toutefois, depuis la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE) du 18 juin 2014, elles ont la possibilité de déléguer tout ou partie de ce droit à l’EPCI dont elles sont membres et à la condition qu’il en ait vocation.

L’exercice du DPC est soumis à la mise en place préalable d’un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité. Par délibération motivée du conseil municipal, la commune délimite librement ce périmètre de sauvegarde au sein duquel le DPC s’applique. En général, il s’agit des rues économiques stratégiques pour la mairie tels que le centre-ville et les rues adjacentes. À noter toutefois que cette délimitation doit être motivée au regard du contexte local, et notamment par les menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale.

Récemment, le Conseil d’État est venu préciser que le DPC peut régulièrement être exercé que si la commune justifie quel projet elle entend poursuivre dans les locaux et veiller à ce que celui-ci réponde bien à un besoin dont l’intérêt général est avéré (CE, 15 décembre 2023, Société NM Market, req., n°470167).

Par conséquent, si une commune exerce son droit de préemption dans l’unique but de s’opposer à l’exploitation d’une activité commerciale non souhaitée, en cas de recours, sa décision de préempter pourrait être censurée en application de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État.

Lorsque la commune est couverte par un plan local d’urbanisme (PLU), la délimitation du périmètre de sauvegarde est indépendante du PLU, à la différence du droit de préemption urbain.

5. Comment purger le droit de préemption de la commune en cas de cession de fonds de commerce ?

En pratique, la mairie de la commune va être avertie de l’intention d’un propriétaire de céder son bien soumis au droit de préemption par la déclaration de cession d’un bien soumis au droit de préemption (CERFA n°13644°02) que celui-ci doit lui adresser, en 4 exemplaires par pli recommandé avec demande d’avis de réception. Certaines mairies acceptent que la déclaration soit transmise par courriel, toutefois il vaut mieux s’en assurer au préalable directement auprès de la mairie concernée. Le cédant doit effectuer cette déclaration, sous peine de nullité de la vente.

Dans cette déclaration, les informations suivantes doivent être communiquées : identité du propriétaire du fonds, du bail ou du terrain, coordonnées du bailleur, description du bien, modalités de la cession, le chiffre d’affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds commercial ou artisanal.

6. Quel est le délai permettant à la commune de faire savoir si elle entend préempter en cas de cession de fonds de commerce ?

 

Dès réception de cette déclaration, la collectivité territoriale dispose de deux mois pour notifier sa décision au cédant. À défaut de réponse dans le délai de deux mois, la collectivité territoriale est présumée avoir renoncé à son droit de préemption commercial

 

7. Que se passe-t-il si la commune décide de préempter en cas de cession de fonds de commerce ?

 

Si la commune décide de préempter, deux situations se dessinent. Dans la première, la mairie préempte aux prix et conditions fixés dans la déclaration de cession. Dans ce cas, la vente est parfaite et l’acte de vente peut être passé. Dans la seconde situation, la mairie peut proposer d’acquérir aux prix et conditions fixées par le juge de l’expropriation. Dans ce cas, le titulaire du droit de préemption saisit le juge compétent en matière d’expropriation en fixation judiciaire du prix dans les deux (2) mois suivant la réception de la déclaration de cession.

D’expérience, ce délai de deux (2) mois peut être long et cristalliser les étapes d’une cession de fonds de commerce. Il ne faut pas hésiter à contacter directement les Mairies en expliquant que vous avez besoin de vendre votre fonds rapidement.

En pratique, la mairie ne préempte pas pour son propre compte. En effet, elle n’a pas vocation à conserver le bien préempté, mais elle doit rétrocéder le fonds, le bail ou le terrain à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, en vue d’une exploitation destinée à pérenniser la présence de ces commerces dans les centres-villes ou favoriser le développement d’autres activités artisanales et commerciales.

À cette fin, le maire procède à un appel de candidatures en affichant en mairie pendant 15 jours un avis de rétrocession. Cet avis comporte un appel à candidatures, une description du fonds, du bail ou du terrain, le prix proposé, le délai dans lequel les candidatures doivent être présentées et précise que le cahier des charges peut être consulté en mairie. Lorsque la rétrocession porte sur un bail commercial, l’avis doit mentionner que la cession est conditionnée à l’accord préalable du bailleur.

8. Faut-il prendre un avocat dans le cas où la commune préempte un fonds de commerce ?

D’une manière générale, il est conseillé d’avoir recours à un avocat spécialisé en cession de fonds de commerce ou un avocat spécialisé en droit des affaires pour se défendre auprès de la commune en cas de cession de fonds de commerce. L’avocat pourra faire les formalités nécessaires pour purger le droit de préemption et défendre son client si la commune décidait de préempter. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations à ce sujet.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Droit des affaires Droit des sociétés  et Droit immobilier du cabinet Novlaw Avocats,

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