Le 22 mai 2024, le Sénat a transmis en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale la proposition de loi tendant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.

Adoptée dans un large consensus entre les différents groupes politiques, ce texte législatif tente d’apporter une solution juridique à la crise du logement que connaissent actuellement de nombreuses villes en France.

On sait qu’il est de plus en plus difficile pour les particuliers de trouver des résidences principales dans certaines communes. Il existerait ainsi près de 800 000 locaux meublés de tourisme en France sur un total de 38 millions de logements.

L’une des explications réside dans l’essor de la location de logements meublés touristiques, qui envahit les centres villes dans les zones les plus touristiques. Les bailleurs cherchent ainsi par ce type de location à maximiser leur rendement foncier, tout en évitant les aléas d’un bail d’habitation traditionnel (risques d’impayé, durée du bail, difficultés pour reprendre le logement, etc.).

La location saisonnière permet de surcroît d’échapper à la règlementation sur l’encadrement des loyers, adoptée par de nombreuses communes (celles-là mêmes qui connaissent d’ailleurs un engouement pour les locations saisonnières…).

Selon les rapporteurs du texte, les députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, députés du Finistère et des Pyrénées-Atlantiques, le logement est devenu un outil d’optimisation fiscale et de rendement permettant une exonération exagérée de l’impôt et diminuant l’accès au logement pour les ménages, surtout les plus fragiles.

La proposition de loi envisage ainsi un renforcement de la règlementation applicable à la location saisonnière, notamment grâce aux leviers suivants :

  1. L’uniformisation des normes énergétiques applicables aux locations touristiques ;
  2. La modification du régime fiscal « micro-BIC » des locations touristiques ;
  3. Le contrôle accru de l’exécutif local sur le marché locatif.

Afin de limiter les passoires thermiques, la proposition de loi vise à appliquer les mêmes normes de décence énergétique aux locations touristiques qu’aux locations d’habitation.

En effet, comme pour les logements classiques, la loi prévoit d’interdire à la location les meublés touristiques classés G au 1er janvier 2025, classés F au 1er janvier 2028 et classés E au 1er janvier 2034 au regard du diagnostic de performance énergétique (DPE).

Un délai de dix ans est donc laissé pour que les meublés touristiques soient au moins classées D pour être disponibles à la location.

Le maire pourra demander à tout moment au propriétaire d’un meublé de tourisme de lui transmettre dans un délai de deux mois le DPE en cours de validité, sous peine de lui opposer une astreinte de cent euros par jour recouvrée au profit de la commune.

Le non-respect du niveau de performance énergétique prévu entraînera une amende maximum de cinq mille euros par local concerné, également recouvrée au bénéfice de la commune.

La modification du régime fiscal « micro-BIC » des locations touristiques

L’autre principal objectif de cette loi est de limiter ce que les sénateurs appellent « la niche fiscale Airbnb ».

En l’état, le régime fiscal applicable aux locations meublées touristiques est très avantageux pour les loueurs. Ce régime a incité au fil des années de plus en plus de personnes à mettre en location touristique leur logement.

Surtout, les investisseurs ont utilisé Airbnb comme un véritable levier d’optimisation de leurs rendements fonciers, n’hésitant pas à acheter des biens en série dans le but de les mettre en location saisonnière uniquement (petits studios au centre de Paris, Lyon, Lille…).

Ce phénomène a, au fil des années, contribué à vider les centres villes des communes emblématiques et touristiques de leurs logements traditionnels, accentuant ainsi la crise du logement.

Afin de contrôler cette attractivité, l’abattement consenti aux meublés non classés serait ramené à 30% du chiffre d’affaires au lieu de 71%, dans un plafond de 23.000 euros. Ces règles s’appliqueraient aux revenus perçus à partir du 1er janvier 2025.

Un contrôle accru de l’exécutif local sur le marché locatif

Selon la loi, toute personne souhaitant mettre son logement en location meublée de tourisme doit procéder à une déclaration préalable (article D324-1-1, I Code du tourisme).

Toutefois, des numéros d’enregistrement ne sont pas toujours attribués à ces logements, ce qui empêche les maires d’avoir une bonne vision du parc locatif touristique. La proposition de loi contribue donc à généraliser cette procédure d’enregistrement à toute déclaration préalable de mise en location d’un meublé de tourisme.

Ce service permet aux maires de demander des pièces justificatives au loueur. Par exemple, lorsque le loueur effectue sa demande d’enregistrement, il devra joindre un certain nombre de justificatifs pour prouver qu’il s’agit bien de sa résidence principale et que l’hébergement respecte les normes de sécurité.

Ce dispositif sera applicable au plus tard début 2026.

En cas de doute sur l’authenticité des informations transmises par le loueur, le maire disposera de la faculté de suspendre la validité du numéro d’enregistrement.

Les maires pourront sanctionner le défaut d’enregistrement de ces logements par des amendes administratives. Elles sont de 5000 euros maximum en cas de défaut d’enregistrement d’un meublé de tourisme et de 15 000 euros maximum en cas d’utilisation d’un faux numéro d’enregistrement.

En outre, pour les résidences principales, les communes pourront abaisser le nombre maximal de jours de mise en location touristique pour les résidences principales, de 120 jours à 90 jours par an.

Finalement, par la proposition de loi, les communes vont pouvoir instituer des quotas d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée et de délimiter, dans leur plan local d’urbanisme (PLU), des secteurs où seules des résidences principales seront autorisées.

Cette capacité sera ouverte à quelque 9 300 communes : celles qui comptent plus de 15% de résidences secondaires et celles où la taxe annuelle sur les logements vacants est applicable.

Il sera intéressant de voir si le dispositif atteindra sa cible et sera de nature à restreindre, sur le long terme, les locations touristiques (on sait qu’actuellement seul le règlement de copropriété constitue une parade efficace contre la location-saisonnière type Airbnb, dès lors qu’il renferme une clause d’habitation bourgeoise).

En attendant, les bailleurs non éligibles à la location saisonnière peuvent toujours privilégier le bail mobilité comme alternative au bail d’habitation, autre possibilité pour parer, dans une certaine mesure, les règles applicables en matière d’encadrement des loyers dans les grandes villes.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires, en collaboration avec Pauline Lesbros, juriste

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