Sommaire
- CCAG FCS : Mémoire en réclamation et décompte de liquidation
- Caractère définitif du décompte et absence de responsabilité contractuelle
- Qualification d’un BEFA en marché public de travaux
- Poursuite de l’exécution de la durée d’un marché d’assurance jusqu’à la passation d’un nouveau marché
- Conditions d’engagement de la garantie de parfait achèvement (GPA) et de la garantie décennale
- Concours de maîtrise d’œuvre et réduction du montant de la prime
- Insuffisance des études géotechniques et de responsabilité du maître d’œuvre
- Contrôle de la capacité des candidats par le juge administratif
- Reprise des relations contractuelles, expiration du marché et nullité du marché
- Indemnisation des travaux supplémentaires
- Créance sérieusement contestable en l’absence de décompte général définitif
- Appréciation des offres pour la tranche ferme et pour les tranches conditionnelles
- Indemnisation du candidat irrégulièrement évincé
- Absence de copie du projet de décompte général au maître d’œuvre
- Modification des caractéristiques substantielles de l’offre

Marché Public : Revue de jurisprudence d’avril 2024
Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois d’avril 2024 en matière principalement de marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent BIDAULT) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public
CCAG FCS : Mémoire en réclamation et décompte de liquidation
Pour rappel, en vertu de l’article 37 du CCAG Fournitures Courantes ou de Services (FCS), lorsqu’intervient, au cours de l’exécution d’un marché, un différend entre le titulaire et l’acheteur, le titulaire doit présenter, dans un délai de 2 mois, un mémoire de réclamation, avant toute saisine du juge.
Cependant, dans le cas où l’acheteur a résilié unilatéralement le marché, puis s’est abstenu d’arrêter le décompte de liquidation dans le délai qui lui était imparti, si le titulaire ne peut saisir le juge qu’à la condition d’avoir présenté au préalable un mémoire de réclamation et s’être heurté à une décision de rejet, les stipulations de l’article 37 relatives à la naissance du différend et au délai pour former une réclamation ne sauraient lui être opposées.
Autrement dit, le titulaire du marché résilié n’a pas à faire naître un différend avant d’adresser à l’acheteur son mémoire en réclamation, quand l’acheteur ne lui a pas adressé de décompte de liquidation.
En revanche, le titulaire du marché doit adresser son mémoire après que le délai laissé à l’acheteur pour notifier le décompte soit expiré.
Caractère définitif du décompte et absence de responsabilité contractuelle
Le caractère définitif du décompte général, sans que des réserves aient été formulées par le maître d’ouvrage, fait obstacle à ce que celui-ci puisse rechercher la responsabilité du maître d’œuvre.
La Cour précise en outre que la circonstance que les décomptes des marchés de travaux concernés ne seraient pas devenus définitifs ou encore qu’un des lots ait été assorti d’une réserve non levée, est sans incidence sur l’irrecevabilité pour le maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité du maître d’œuvre.
Qualification d’un BEFA en marché public de travaux
Cette affaire fait écho à plusieurs articles du cabinet sur la question de la (re)qualification d’un BEFA en marché public de travaux (Voir notamment : BEFA et marché public de travaux et Requalification d’un BEFA en marché public de travaux).
Le Conseil d’État considère que le BEFA conclu entre une SCI et un centre hospitalier devait être regardé comme un marché public de travaux dans la mesure où l’ouvrage en cause répondait aux besoins exprimés par le centre hospitalier, de sorte qu’il avait exercé une influence déterminante sur la conception de cet ouvrage.
Dès lors, le versement de loyers mensuels en contrepartie des travaux contrevient à l’interdiction de paiement différé dans les marchés publics.
Cette illégalité rejaillit sur l’ensemble du contrat, dans la mesure où cette clause n’étant pas détachable.
Poursuite de l’exécution de la durée d’un marché d’assurance jusqu’à la passation d’un nouveau marché
Dans cette affaire, le juge des référés fait droit à la demande de la métropole Toulon Provence Méditerranée d’enjoindre son assureur de poursuivre l’exécution d’un marché public d’assurance, malgré sa résiliation par l’assureur, pour une durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché d’assurance.
Le fait que la Commune n’était plus couverte en cas de sinistre constitue un motif d’intérêt général justifiant la poursuite temporaire de l’exécution du marché public d’assurance.
CE, 4 avril 2024, Toulon Provence Méditerranée, n°491068
Voir notre article : Prolongation d’un marché d’assurance pour la durée nécessaire à la passation d’un nouveau marché
Conditions d’engagement de la garantie de parfait achèvement (GPA) et de la garantie décennale
Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Nantes rejette les demandes du maître d’ouvrage quant à l’engagement de la GPA et de la garantie décennale.
Concernant l’engagement de la GPA, la Cour considère que les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage a entendu dénoncer les désordres constatés et interrompre le délai sont irrégulières.
En effet, elle relève que le courrier du maître d’ouvrage ne peut être regardé comme « une mise en demeure explicite de nature à interrompre » le délai de la GPA. De plus, rien ne prouve en l’espèce que l’entreprise a reçu ce courrier dans le délai d’un an.
Concernant la garantie décennale, la Cour rappelle le principe selon lequel le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui sont en quelque manière imputables.
En l’espèce, au regard des conclusions de l’expert, la Cour relève que les désordres ne lui sont pas imputables.
Concours de maîtrise d’œuvre et réduction du montant de la prime
La Cour administrative d’appel de Nantes juge qu’en application du règlement de la consultation, l’acheteur peut réduire de 50% la prime versée aux candidats à un concours de maîtrise d’œuvre, dès lors que la prestation remise ne répondait pas aux exigences minimales traduites dans le programme.
La circonstance que des modifications, en l’occurrence insuffisantes, ont été apportées par la suite pour répondre aux observations du jury, est sans incidence sur cette possibilité.
Insuffisance des études géotechniques et de responsabilité du maître d’œuvre
Nonobstant le fait que certaines études (ici l’étude géotechnique G2 Pro) aient été réalisées par des entreprises tierces, le maître d’œuvre demeure chargé de définir les choix constructifs et de fournir l’ensemble des études nécessaires au dimensionnement précis des ouvrages, et donc de s’assurer de la conformité de ces études.
Dès lors, en s’abstenant, dans le cadre de la préparation du projet, de solliciter la réalisation d’une étude géotechnique G2 PRO et en validant, dans le cadre de l’exécution des travaux, des solutions techniques qui n’étaient même pas conformes aux hypothèses esquissées dans l’étude G2 AVP, le maître d’œuvre a commis une faute.
Le contrôleur technique commet également une faute en donnant des avis favorables sans disposer de cette étude, avis qui étaient de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage.
Le maître d’ouvrage commet lui aussi une faute à cet égard en ne s’interrogeant pas sur la nécessité d’une telle étude.
Contrôle de la capacité des candidats par le juge administratif
Le juge administratif exerce un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’appréciation qui est portée par l’acheteur sur les garanties, capacités et références professionnelles des candidats.
Reprise des relations contractuelles, expiration du marché et nullité du marché
Cette affaire illustre à nouveau le rejet d’une demande de reprise des relations contractuelles à la suite de la résiliation d’un marché public, lorsque celui-ci est arrivé à son terme à la date à laquelle le juge se prononce.
De plus, la Cour, confirmant le jugement du Tribunal administratif, considère que le marché est nul en raison du fait qu’il est entaché d’un vice d’une particulière gravité dès lors que le consentement de l’acheteur a été vicié.
Plus précisément, le titulaire du marché s’était abstenu lors de la présentation de son offre d’informer l’acheteur que les prestations attendues seraient confiées à d’autres entreprises.
La demande indemnitaire du titulaire est rejetée à ce titre.
Indemnisation des travaux supplémentaires
Pour mémoire, le titulaire d’un marché à prix global et forfaitaire a droit au paiement par le maître d’ouvrage des prestations qui, non prévues par le marché initial, lui ont été commandées.
Mais également à l’indemnisation des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu’ils aient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
Dans cette affaire, la Cour relève que le titulaire a droit au paiement des travaux complémentaires et modificatifs qui ont été validés par ordre de service signé par le maître d’œuvre, quand bien même aucun avenant n’a été signé.
Créance sérieusement contestable en l’absence de décompte général définitif
Sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative, le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
C’est notamment le cas en matière de marché public lorsque la créance réside dans le solde du marché en cas de décompte général et définitif.
C’est également le cas lorsque le décompte général et définitif est intervenu tacitement.
Dans l’affaire en cause, il s’avérait que la réception des travaux n’avait pas été prononcée, de sorte que le délai dans lequel le titulaire doit communiqué son projet dé décompte final au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre n’avait pas commencé à courir.
Le titulaire ne pouvait donc pas se prévaloir de l’existence d’un DGD tacite et d’une créance non sérieusement contestable à cet égard.
Appréciation des offres pour la tranche ferme et pour les tranches conditionnelles
Dans le cas d’un marché à tranches, si aucun texte ne s’oppose par principe à ce que les critères de sélection des offres puissent n’être appliqués qu’à sa seule tranche ferme lorsque les caractéristiques des tranches conditionnelles au regard de l’ensemble des prestations du marché le justifie, cette circonstance, qui relève des conditions de mise en œuvre des critères de jugement des offres, doit, lorsque telle est l’intention de l’acheteur, être indiquée dans les documents de la consultation.
Dans cette affaire, aucune mention du RC n’indiquait expressément que le jugement des offres ne porterait que sur les prestations de la seule tranche ferme du marché, alors que celui-ci prévoyait également trois tranches conditionnelles.
En outre, certains documents de la consultation entrainaient une ambiguïté sur les conditions d’appréciation des offres des différentes tranches, en particulier sur le prix.
Partant, le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
Indemnisation du candidat irrégulièrement évincé
Cette affaire illustre à nouveau la possibilité qu’a le candidat évincé de se voir indemniser dans le cas où son offre aurait été irrégulièrement écartée.
Dans ce cadre, le juge apprécie les chances dont disposait le candidat d’obtenir le marché sans cette irrégularité pour déterminer son droit à indemnisation.
Voir notre article : Marché public : Indemnisation du candidat évincé
Dans cette affaire, il a été jugé que c’est à tort que la procédure de sélection était irrégulière dans la mesure où la société attributaire n’avait pas produit certaines des pièces exigées par le règlement de consultation.
Dès lors, le requérant dont l’offre avait été classée en deuxième position doit être regardé comme ayant perdu une chance sérieuse de remporter le marché et a droit à l’indemnisation de son manque à gagner.
Absence de copie du projet de décompte général au maître d’œuvre
Le titulaire d’un marché public doit toujours veiller à adresser son projet de décompte général simultanément au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre.
À défaut, toute la procédure d’établissement du décompte est faussée et le titulaire ne peut notamment pas se prévaloir in fine de la naissance tacitement d’un décompte général et définitif du marché.
Dans ce litige, le titulaire avait notifié son projet de décompte général au maître d’ouvrage, sans en adresser une copie au maître d’œuvre.
Par la suite, le maître d’ouvrage n’a pas adressé au titulaire de décompte général, de sorte qu’après une mise en demeure d’établir celui-ci adressé par le titulaire au maître d’ouvrage, le titulaire se prévalait d’un décompte général définitif tacite.
Mais faute d’avoir respecté la procédure d’établissement du décompte, aucun DGD n’est né.
Modification des caractéristiques substantielles de l’offre
Pour rappel, l’acheteur doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, sauf, le cas échéant, s’il a autorisé leur régularisation.
Cette régularisation ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l’offre.
Dans cette affaire, tout d’abord, le juge du référé précontractuel considère que l’absence d’un seul prix sur 74 postes au BPU doit être regardée comme une erreur matérielle et la régularisation de cette omission n’a pas substantiellement modifié l’offre.
En revanche, la demande de régularisation de deux références a été l’occasion pour le candidat de substituer des références de produits par rapport à ceux initialement proposés.
Cette correction a donc eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l’offre en cause.
En outre, il n’était pas démontré que certains produits proposés par l’attributaire étaient conformes aux exigences du marché.
L’offre retenue était donc irrégulière et aurait dû être éliminée, de sorte que la procédure est annulée.

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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