Novlaw prolongation marche assurance marche public

Prolongation d’un marché d’assurance pour la durée nécessaire à la passation d’un nouveau marché

Aux termes d’une décision du 4 avril 2024 (CE, 4 avril 2024, Métropole Toulon Provence Méditerranée, n°491068), le Conseil d’État reconnait la possibilité pour l’acheteur de saisir le juge des référés afin que celui-ci enjoigne l’assureur de poursuivre l’exécution d’un marché public d’assurance pour la durée nécessaire à la passation d’un nouveau marché.

Le droit de l’assureur de résilier unilatéralement un marché public d’assurance se trouve ainsi encadré.

Résiliation du marché d’assurance par le titulaire et refus de poursuivre l’exécution

La métropole Toulon Provence Méditerranée avait conclu avec une société d’assurance un marché public d’assurance.

La société d’assurance avait décidé de résilier le marché, en vertu de l’article L. 113-12 qui prévoit la possibilité pour l’assureur (comme pour l’assuré) de résilier le marché tous les ans, avec un préavis.

La métropole s’est néanmoins opposée à cette résiliation et a mis en demeure la société d’assurance de poursuivre l’exécution du marché, ce qu’a refusé la société.

La métropole a alors saisi le tribunal administratif d’un référé « mesures utiles » (article L. 521-3 du Code de justice administrative) afin qu’il en enjoigne à la société d’assurance de poursuivre l’exécution de ses obligations contractuelles pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché d’assurance.

La métropole a donc formé un recours en cassation.

Possibilité de saisir le juge des référés pour enjoindre le titulaire à exécuter le marché

Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle que le juge administratif ne peut intervenir en principe dans l’exécution d’un marché public en faveur de la personne publique, en particulier en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec elle, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat (Voir récemment : CE, 15 janvier 2024, 489157).

Toutefois, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle.

Dans une telle hypothèse, le juge administratif est en droit de prononcer, à l’encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire.

En cas d’urgence, le juge des référés peut alors, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement (Voir en ce sens : CE, 1er mars 2012, n°354628 ; CE, 5 juillet 2013, n°367760).

Mais, il faut enfin que cette mesure remplisse les conditions posées par cet article, c’est-à-dire qu’elle soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Enfin, la décision obtenue dans ce cadre de la part du juge des référés, est une mesure provisoire.

Rappel sur la particularité d’un marché public d’assurance

Il convient de rappeler brièvement l’une des particularités du marché public d’assurance.

Le marché public d’assurance est notamment régi par les dispositions du Code des assurances.

En particulier, l’article L. 113-12 du code des assurances dispose que la durée du contrat et les conditions de résiliation, particulièrement le droit pour l’assureur – le titulaire du marché – et l’assuré – la personne publique – de résilier le contrat tous les ans, sont fixées par la police d’assurance.

En outre, l’assuré a le droit de résilier le contrat à l’expiration d’un délai d’un an, en adressant une notification dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 à l’assureur au moins deux mois avant la date d’échéance de ce contrat. Et lorsque l’assuré a souscrit un contrat à des fins professionnelles, l’assureur a aussi le droit de résilier le contrat dans les mêmes conditions.

Autrement dit, le titulaire du marché, l’assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois, étant précisé que le marché peut prévoir une durée de préavis plus longue lorsque l’assuré est une personne morale.

Concrètement, dans ce cadre, le titulaire d’un marché public d’assurance peut résilier unilatéralement celui-ci.

L’acheteur peut imposer à l’assureur la poursuite de l’exécution du marché d’assurance

Appliquant ces principes à la spécificité du marché public d’assurance, en particulier cette faculté de résiliation unilatérale du marché par l’assureur, le Conseil d’État encadre cette faculté en vertu de l’intérêt général.

En effet, le Conseil d’État relève qu’il résulte des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l’assureur entend résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d’assurance, alors la personne publique peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont elle a la charge, s’y opposer et lui imposer de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance.

En l’occurrence, dans cette affaire, ce motif d’intérêt général résidait dans le fait qu’en raison de la résiliation du marché public d’assurance, les biens de la métropole n’étaient plus couverts ; cette absence d’assurance serait alors de nature à compromettre l’exercice de certaines missions de service public en cas de sinistre majeur.

Cependant, cette durée ne peut en toute hypothèse excéder 12 mois, y compris lorsque la procédure de passation du nouveau marché public s’avère infructueuse.

Le Conseil d’État ajoute que l’assureur a la possibilité de contester la décision de poursuivre le contre devant le juge afin d’obtenir la résiliation du contrat.

La poursuite de l’exécution du marché d’assurance peut être imposée par le juge

Dès lors que les conditions susvisées sont remplies, la personne publique peut obtenir du juge des référés qu’il enjoigne l’assurer à poursuivre l’exécution du marché public d’assurance mais pour une durée provisoire, le temps nécessaire pour passer un nouveau marché.

C’est pour cette raison dans cette affaire que le Conseil d’État a censuré l’ordonnance du Tribunal administratif qui avait rejeté la demande de la métropole au motif que cette demande visait à obtenir une mesure définitive.

La mesure sollicitée par la métropole était en effet provisoire puisqu’il s’agissait de poursuivre l’exécution du marché public jusqu’au terme de la nouvelle procédure de passation du nouveau marché public d’assurance.

En pratique, la personne publique devra donc être particulièrement vigilante à encadrer les conditions de résiliation du marché public d’assurance (en l’espèce le préavis de 6 mois a été jugé insuffisant pour procéder à un appel d’offres ouvert) et à encadre la durée durant laquelle le marché a vocation à se poursuivre.

 

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

Cet article vous a plu ?

Urbanisme : Revue de jurisprudence mars 2024

Retrouvez tous nos articles sur le Blog du Cabinet Novlaw

Urbanisme : Revue de jurisprudence mars 2024

Besoin d'un avocat ?

Cet article vous a plus ? Partagez-le !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis