
BEFA et marché public de travaux
Les conditions de conclusion d’un bail à construction sur le domaine public
Le bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) présente l’intérêt pour la personne publique qu’elle peut louer et exploiter un ouvrage qui sera adapté à ses besoins, sans pour autant assumer son financement lors de sa construction.
Mais le risque principal du recours au BEFA est que ce contrat puisse être regardé comme un marché public de travaux, et sa conclusion aurait dû être soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables.
Deux critères permettent d’apprécier si le BEFA constitue un marché public de travaux.
Précisons que le critère relatif à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage qui constituait auparavant un critère de qualification en marché public de travaux n’en est plus un.
BEFA et marché public de travaux
BEFA et marché public de travaux
Le critère de l’objet du contrat
Le 1° de l’article L. 2512-5 du Code de la commande publique prévoit déjà que les marchés publics de « services d’acquisition ou de location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles, ou qui concernent d’autres droits sur ces biens » ne sont pas soumis aux règles posées par le Code de la commande publique, particulièrement en matière de publicité et de mise en concurrence préalables.
Le BEFA portant à la fois sur la réalisation d’un ouvrage et sur la mise à disposition de cet ouvrage, il est nécessaire d’apprécier l’objet principal du contrat, dans l’hypothèse où ces deux éléments ne seraient pas divisibles.
Partant, si l’objet principal du contrat est la réalisation de travaux alors le BEFA pourrait être considéré comme un marché public de travaux.
À l’inverse, si l’objet principal du contrat est la mise à disposition de l’ouvrage et/ou sa location, alors le BEFA pourrait être qualifié de marché de services au sens de l’article L. 2512-5 du Code de la commande publique.
La Cour de justice de l’Union européenne a plusieurs fois été amenée à requalifier des contrats de BEFA (ou ayant une forme similaire) en marché public de travaux, en jugeant que l’objet principal était la réalisation de travaux, dans la mesure où à la date de conclusion du contrat, la construction des ouvrages loués n’avait pas été entamée.
Par exemple, dans un arrêt en date du 29 octobre 2009, la CJUE, constatant que « la construction des ouvrages en question n’avait même pas été entamée », elle a considéré que « [le] contrat ne pouvait pas avoir comme objectif immédiat la location d’immeubles dont la construction n’avait pas encore commencé », de sorte que « l’objectif prioritaire de ce contrat ne pouvait logiquement être que la construction desdits ouvrages, qui devraient par la suite être mis à la disposition de la ville de Cologne par le biais d’une relation contractuelle qualifiée de contrat de location » (CJUE, 29 octobre 2009, République fédérale d’Allemagne, n°C-536/07).
Dans un autre arrêt en date du 10 juillet 2014, la CJUE a jugé qu’un contrat de BEFA devait être considéré comme ayant principalement pour objet la réalisation d’un ouvrage dès lors que « la réalisation de l’ouvrage concerné par ce contrat n’avait pas encore été entamée » lors de sa conclusion, de sorte que « l’objet principal dudit contrat réside dans cette réalisation, que présuppose, en effet, nécessairement la mise en location ultérieure de cet ouvrage » (CJUE, 10 juillet 2014, Commune de Bari, n°C-213/13).
À l’inverse, il pourrait être considéré que dans la mesure où le contrat serait conclu alors que les travaux ont été « entamés », l’objet du contrat porterait alors principalement sur la location de l’ouvrage (étant précisé que la notion de réalisation ou de construction « entamée » n’est aujourd’hui pas définie).
Plusieurs auteurs ont néanmoins précisé qu’une construction pouvait être considérée comme « entamée » lorsque la réalisation de l’ouvrage n’avait pas matériellement commencé, l’un des indices de ce commencement étant le dépôt d’un permis de construire (E. Fatôme, L. Richer, « Contrats à objet immobilier et de travaux : le critère de l’objet principal, critère second », AJDA 2015, p. 1577).
Ainsi, le fait que le permis de construire était antérieur à la date de signature d’un contrat de VEFA par une personne publique, a été dernièrement pris en compte par le juge administratif afin d’écarter la qualification de marché public de travaux (CAA Nancy 15 avril 2021, req. n° 15NC02073).
La CJUE, dans un arrêt en date du 22 avril 2021, semble infléchir (positivement) la portée de l’indice relatif à l’objet du contrat.
La CJUE considère en effet « selon une pratique commerciale courante, les projets architecturaux de grande ampleur sont mis en location bien avant la finalisation des plans de construction détaillés, de telle sorte que le propriétaire du site ou le maître d’ouvrage n’entame la procédure formelle d’obtention d’un permis de construire que lorsqu’il dispose d’engagements de la part de locataires futurs pour une partie importante des surfaces du bâtiment projeté » (CJUE, 22 avril 2021, Commission c/ Autriche, aff. C-537/19).
Autrement dit, le fait que le permis de construire n’a été demandé et délivré qu’après la date de la conclusion du contrat de location ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être considéré que l’ouvrage, à la date de conclusion du contrat, est déjà planifié et prêt à être réalisé.
La CJUE en conclut que « conformément aux pratiques et aux habitudes du marché, un projet architectural complet n’est pas un préalable à l’engagement des locataires potentiels », ajoutant que « par ailleurs, l’exercice d’une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage concerné ne saurait résulter de l’absence d’un tel projet architectural complet ».
De fait, c’est bien ce critère de l’influence déterminante qui apparaît prédominant pour qualifier un contrat de marché public de travaux.

Le critère de l’influence de la personne publique sur la nature ou la conception de l’ouvrage
L’un des intérêts du BEFA est justement que le preneur puisse en amont définir les caractéristiques de l’ouvrage à réaliser, afin qu’il réponde au mieux à son besoin.
Partant, un contrat de BEFA pourrait être considéré comme un marché public de travaux dès lors que l’ouvrage, objet du bail, répond aux exigences fixées par la personne publique, laquelle exerce une influence sur la nature ou la conception de l’ouvrage.
Néanmoins, c’est généralement une affaire d’espèce.
Par exemple, la CJUE, dans son arrêt précité du 29 octobre 2009, a requalifié un montage de type BEFA aux motifs que « les ouvrages concernés ont été réalisés conformément aux spécifications très détaillées explicitées » par la personne publique (CJUE, 29 octobre 2009, Commission c/ Allemagne, aff. C-536/07).
Dans cette affaire, le contrat comportait en effet un descriptif précis des bâtiments à construire, de leur qualité et de leurs équipements, ce qui allait « bien au-delà des exigences habituelles d’un locataire à l’égard d’un nouvel immeuble d’une certaine envergure ».
Le juge administratif a également été conduit à requalifier un BEFA en marché public de travaux constatant que, si le contrat portait sur la location d’un bien immobilier, il comprenait également des travaux de construction et d’aménagement destinés à répondre aux besoins définis par la personne publique, selon un programme fonctionnel établi par la personne publique (CAA Nancy 18 novembre 2020, req. n° 20NC02103).
À l’inverse, le juge administratif a considéré que le programme immobilier de bureaux préexistait aux démarches de la collectivité territoriale visant à acquérir en VEFA son futur siège, que le programme avait déjà été proposé auparavant à d’autres opérateurs, ou encore que les aménagements de bureaux ne comportaient pas des caractéristiques particulières qui auraient eu pour objet de répondre aux besoins de la collectivité.
La Cour administrative d’appel en a conclu que la personne publique n’avait pas exercé d’influence sur la nature ou la conception de l’ouvrage en question.
On relèvera que le juge fait preuve de pragmatisme, en s’appuyant sur plusieurs indices (historique du projet, initiative de la personne publique, rôle pendant la conception).
Sur ce point, la CJUE, dans son arrêt en date du 22 avril 2021, a assoupli ses positions antérieures et a apporté des précisions importantes quant aux « indices » permettant de caractériser l’influence de la personne publique.
Tout d’abord, elle souligne qu’une influence déterminante sur la conception d’un ouvrage peut être identifiée s’il peut être démontré que cette influence est exercée sur la structure architecturale de celui-ci, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs.
Mais, a contrario, des demandes du preneur qui concerneraient des aménagements intérieurs « ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » de simples aménagements.
L’influence de la personne publique doit donc s’apprécier par rapport à l’ouvrage lui-même, et non pas par rapport à des demandes d’aménagement qui sont d’une importance relative.
Sur ce point, la CJUE relève qu’ « il est usuel qu’une entreprise, qu’elle soit privée ou publique, qui cherche à louer un immeuble de bureaux, fasse préciser certains souhaits quant aux caractéristiques que ce site devrait, dans la mesure du possible, réunir, qu’il s’agisse d’un bâtiment encore à construire ou d’un changement de locataire à l’occasion duquel des travaux de remise à niveau sont effectués », précisant que « de telles démarches ne permettent pas de requalifier un contrat de location en marché de travaux ».
L’absence de délivrance d’un permis de construire avant la signature du contrat ne constitue pas un indice que le preneur aurait exercé une influence sur la conception de l’ouvrage.
La CJUE relève également qu’il n’est pas inhabituel que le preneur, futur locataire, prenne des mesures afin de s’assurer de l’effectivité de l’aménagement des locaux, dans les temps (contrôle des délais, du respect de certaines normes, recours à un tiers spécialisé).
Ces « indices » permettent donc de caractériser le degré d’influence que peut exercer la personne publique.
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