Par un arrêt en date du 11 janvier 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’un congé assorti d’une offre de renouvellement du bail commercial à des conditions nouvelles doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit pour le locataire sortant à une indemnité d’éviction.

En l’espèce, le litige opposait des époux locataires d’un local commercial et une communauté de communes, bailleresse, laquelle leur avait délivré un congé avec offre de renouvellement du bail commercial occupé. Or, cette offre était subordonnée à la modification de certaines clauses du bail relatives à l’indexation des loyers, la contenance des lieux loués et les obligations du preneur.

Arguant de l’absence de justification du congé notifié par la bailleresse, les locataires avaient alors manifesté leur souhait de renouveler le bail commercial. Cette demande étant restée sans réponse de la part de la bailleresse, ils l’avaient alors assignée en paiement d’une indemnité d’éviction, et avaient obtenu gain de cause en première instance, avant d’être déboutés de leurs demandes devant la cour d’appel de Bordeaux. Les juges du fond avaient notamment estimé que le congé, bien que nul, manifestait néanmoins sans ambiguïté la volonté de la bailleresse de renouveler le contrat, et que le maintien des preneurs dans les locaux avant leur départ volontaire sans en avertir la bailleresse faisait obstacle au versement d’une indemnité d’éviction.

La solution apportée par la Cour de cassation nous offre l’occasion de rappeler ici les principes régissant le congé lorsque celui-ci est émis par le bailleur commercial, ainsi que les conditions tenant au renouvellement du bail commercial.

En principe, la durée d’un bail est fixée par le contrat et le bailleur ne peut y mettre fin avant la date convenue entre les parties, conformément à l’article L. 145-4 du Code de commerce. Néanmoins, le bailleur peut y mettre fin par l’effet d’un congé (également appelé résiliation du bail commercial), défini par la Cour de cassation comme « un acte unilatéral qui met fin au bail par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a délivré »[1].

À défaut de congé donné par le bailleur, le contrat de bail est tacitement prolongé, permettant au locataire de se maintenir dans les lieux (C.com, L.145-9).

Toutefois, aux termes de l’article L.145-4, §2 du Code de commerce, le bailleur peut donner congé à son locataire de manière anticipée, sous réserve de certaines conditions énumérées à l’article 145-9.

Le congé doit ainsi être donné par acte extrajudiciaire, et, à peine de nullité relative, préciser les motifs pour lesquels il est donné. Il doit en outre indiquer que le locataire dispose de deux ans à partir de la date de la délivrance du congé pour saisir le tribunal compétent s’il souhaite contester l’acte ou demander le versement d’une indemnité d’éviction (L.145-9, §4 du Code de commerce).

[1] 3ème Civ, 6 mars 1973, pourvoi n° 71-14.747, Bull. n° 164 ; 3ème Civ., 12 juin 1996, pourvoi n° 94-16.701, Bull. n° 138 ; 3ème Civ, 11 janvier 2024, Cour de cassation, Pourvoi n° 22-20.872.

Conditions relatives au renouvellement demandé par le locataire

À l’expiration du contrat de bail, le preneur peut en demander le renouvellement aux conditions prévues à l’article L.145-8 du Code de commerce. Il ne peut être dérogé conventionnellement à ce droit, et toute clause, stipulation ou arrangement contraires est réputé non écrit (C.com, L.145-15).

En l’absence de délivrance d’un congé, si le preneur souhaite obtenir le renouvellement du bail, il doit en faire la demande par acte extrajudiciaire auprès du bailleur dans les six mois qui précèdent la date de fin du bail, ou à tout moment si celui-ci a été prolongé.
Le bailleur est alors en droit de refuser le renouvellement, à condition de faire connaître au demandeur les motifs de son refus par acte extrajudiciaire dans les trois mois suivant la notification de la demande. À défaut, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent (L.145-10).

En cas de refus, le bailleur devra en outre s’acquitter auprès du locataire évincé d’une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (C.com, L.145-14).

Il ne sera néanmoins tenu au paiement d’aucune indemnité si son refus est justifié par un motif grave et légitime à l’encontre du locataire, ou si l’immeuble ne peut plus être occupé ou doit être détruit en raison de son insalubrité ou des dangers qu’il présente (L.145-17).

Conditions relatives à l’acceptation conditionnelle du renouvellement par le bailleur

Une solution intermédiaire s’offre au bailleur qui ne s’oppose pas au principe du renouvellement, mais souhaite apporter des modifications au prix du loyer. Il doit alors en informer le locataire demandeur du renouvellement dans le congé qu’il lui délivre ou dans sa réponse à la demande de renouvellement (145-11).

C’est précisément sur ce point que la Cour statue dans l’arrêt d’espèce, considérant de manière intéressante que le congé assorti d’une offre de renouvellement dont les clauses et conditions sont différentes du bail précédent équivaut à un refus, hormis le prix du loyer qui peut être modifié. Le bailleur ne peut donc proposer de renouvellement du bail si celui-ci est assorti de modifications substantielles des obligations des preneurs des lieux et de la désignation des lieux loués.

Bien que la solution ne soit pas inédite, la loi limitant déjà les modifications du bail au seul loyer lors du renouvellement, l’originalité de l’arrêt de la Cour réside sans doute dans les termes de sa motivation, en ce qu’elle impose une interprétation stricte des conditions de modification du bail à renouveler.

Pour toute question supplémentaire sur le bail commercial, n’hésitez pas à contacter nos avocats experts en droit des affaires et droit immobilier.

Baptiste

Par Pauline Lesbros, en partenariat avec Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Droit des affaires , Droit des sociétés et Droit immobilier du cabinet Novlaw Avocats,

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