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Contrôle anticorruption : L’avocat, une carte à jouer pour l’entité contrôlée par l’Agence française anticorruption

Il y a 7 ans, la loi Sapin II » instaurait l’Agence française anticorruption (« AFA ») qui exerce depuis lors des missions de conseil et d’assistance mais aussi, de contrôle. En effet, l’AFA a pour mission de contrôler l’existence et l’efficacité des dispositifs anticorruption mis place par les grandes entreprises et les groupes dont le siège social de la société mère est établi en France, réalisant plus de 100 M€ de chiffre d’affaires et employant plus de 500 salariés. Dans ce contexte, l’avocat joue un rôle clé d’accompagnement de l’entité assujettie à la loi Sapin II. Si, en amont, l’avocat aide l’entreprise à anticiper le contrôle, son rôle devient d’autant plus crucial lors des phases de contrôle sur pièces et sur place. Tout en garantissant que l’AFA puisse mener son contrôle de manière efficace, l’avocat veille à la conformité des réponses apportées, toujours guidé par la protection des droits et des intérêts de l’entité contrôlée.

Le périmètre du contrôle de l’AFA

Les entités sont responsabilisées dans la prévention et la détection du phénomène corruptif via la mise en place le programme de conformité anticorruption tel que prévu par la loi Sapin II. Ce dispositif doit être articulés autour de huit composantes :

  • une cartographie des risques de corruption,
  • des procédures d’évaluation des tiers (« due diligence »),
  • un dispositif de formation pour les dirigeants et les collaborateurs exposés à des risques d’atteintes à la probité,
  • un dispositif d’alerte interne,
  • un code de conduite,
  • des procédures de contrôles comptables internes et externes,
  • un régime disciplinaire permettant de sanctionner les collaborateurs qui violent le code de conduite et,
  • un dispositif de contrôle des mesures et de la méthode mise en œuvre.

Désireuse d’adapter ses modalités de contrôles au profil de risques des entités contrôlées, l’AFA a mis à jour sa charte des contrôles en juin 2022. Désormais les contrôles ouverts par l’AFA se déroulent en deux phases successives, une phase générale fondée sur le questionnaire et une seconde qui est plus ciblée sur des processus à risques ou identifiés comme plus faibles – la seconde n’étant pas systématique. Comme le précise l’AFA, « la première phase du contrôle a pour objectif de vérifier l’existence, la qualité et l’efficacité du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée au regard de son environnement de risque » tandis que « la seconde phase a pour objectif d’approfondir, si nécessaire, l’analyse du dispositif anticorruption de l’entité contrôlée par des questionnaires et des entretiens complémentaires ».

Contrôle sur pièces : vos réponses passées au tamis de l’avocat

Au moment où nous écrivons ces lignes, l’AFA a mené plus de 129 contrôles auprès des entreprises du secteur privé et « poursuivra, dans l’avenir, en toute indépendance, sa politique visant à engager des contrôles par secteur d’activité, articulant chaque fois que le domaine s’y prête, les contrôles des acteurs économiques et les contrôles des acteurs publics ». En effet, l’AFA dispose d’un pouvoir administratif lui permettant d’opérer ses contrôles de manière méthodique, par vagues sectorielles ; après les secteurs de l’automobile et du bâtiment, c’est au tour des secteurs de la santé, pénitentiaires ou encore de la manutention portuaire d’être dans le viseur de l’AFA.

Une fois l’entreprise ciblée, les dirigeants de l’entité sont informés par lettre recommandée avec accusé de réception du contrôle auquel l’entité va être soumise. Cet avis de contrôle indique l’objet, le périmètre ainsi que la composition de l’équipe chargé du contrôle. Les

dirigeants de l’entité contrôlée doivent alors désigner, par écrit, une personne pour les représenter. Le choix de cette personne est important en ce qu’il va être l’interlocuteur privilégié de l’AFA : « au cours de l’ensemble des opérations de contrôles » et que « la durée de cette première phase de contrôle sera fonction, notamment, de la fluidité des échanges avec l’entité contrôlée et de leur qualité ».

A cet avis est joint un questionnaire auquel l’entité doit répondre. Celui-ci demande une présentation non seulement de l’entité contrôlée, du service conformité ou tout autre responsable désigné, de l’engagement de l’instance dirigeante, mais également de la mise en œuvre des 8 mesures autour desquelles le dispositif de conformité de l’entité doit être articulé. Ainsi, le questionnaire, tel qu’il existait dans sa version du 23 juillet 2021, imposait aux entités contrôlées de répondre à un large éventail de questions mais aussi de fournir un nombre important de documents pour étayer leurs réponses.

A noter que, dans le but de rendre le processus plus fluide et de faciliter les échanges, l’AFA a annoncé, le 13 février 2025, une simplification de ce questionnaire. Dès lors, cette révision offre aux entreprises assujetties l’opportunité d’anticiper ce contrôle sur pièces en préparant, dès que possible, les réponses au questionnaire et en mettant à jours les documents produits en appuie. Cela est d’autant plus essentiel que l’entité ne dispose que d’un court délai d’un mois suivant la réception dudit questionnaire pour y répondre.

L’entité a dès lors tout intérêt de se faire accompagner par ses conseils qui peuvent la guider tant sur les modalités de réponse au questionnaire que sur la procédure de contrôle. En effet, lors de ses contrôles l’AFA recherche l’existence des trois piliers indissociables du dispositif anticorruption qui sont : d’abord, l’engagement de l’instance dirigeante en faveur d’un exercice des missions, compétences ou activités de l’organisation exempt d’atteintes à la probité, ensuite, la connaissance des risques d’atteintes à la probité auxquels l’entité est exposée, à

travers l’élaboration d’une cartographie de ses risques et, enfin, la gestion de ces risques. Les avocats, forts de leur connaissance approfondie des pratiques de cette autorité, sont les mieux placés pour conseiller efficacement l’entité en vue d’un tel contrôle. Ils peuvent ainsi effectuer une revue préliminaire des réponses apportées et des documents afin de ne sélectionner que ceux qui semblent pertinents au regard des exigences de l’AFA.

Cette préparation est importante car existe un réel risque d’auto-incrimination : si les documents révèlent des infractions, les agents de l’AFA doivent signaler ces informations au ministère public. Et, à l’inverse, le défaut de communication des documents demandés ou de réponses aux questions posées par l’AFA peut, en l’absence de toute justification, être considéré comme constitutif du délit d’entrave. Ainsi les entités doivent être vigilantes afin de limiter les risques juridiques et éviter toute implication dans des poursuites pénales.

Contrôle sur place : l’avocat, garant d’une communication fluide avec l’AFA

En complément du contrôle sur pièce, l’AFA effectue un contrôle sur place et conduit des entretiens avec tout collaborateur de l’entité. Lors des contrôles menés par AFA, la phase des entretiens est une étape cruciale où les collaborateurs peuvent être appelés à répondre individuellement ou collectivement aux questions des inspecteurs.

Et, si l’AFA considère qu’« aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit la possibilité pour ces personnes [ne figurant pas sur la liste des personnes avec lesquelles l’AFA souhaite d’entretenir jointe à l’avis de contrôle sur place] d’être assistées à l’occasion des entretien », elle admet qu’« à la demande de l’équipe de contrôle ou, avec son accord, à la demande de l’entité contrôlée, un entretien peut se dérouler avec plusieurs personnes à la fois [dont le ou les éventuels conseils de l’entité contrôlée], dès lors que la confidentialité des échanges est assurée ». S’agissant du représentant de l’entité contrôlée, aucune difficulté ne se pose

puisque son représentant légal ou la personne qu’il désigne « peut se faire assister par une personne de son choix pendant le contrôle sur place ».

Dans ce contexte, un accompagnement par un avocat est fortement recommandé et ce, avant même que ne débute cette phase d’entretiens. Et ce d’autant que, les agents de l’AFA s’attendent à ce que les personnes interrogées aient une bonne connaissance du programme anticorruption notamment en ce qui concerne leurs périmètres de compétences respectifs. Dès lors, l’avocat peut intervenir en amont, pour aider à la préparation des entretiens. Il peut ainsi former individuellement, pour chaque collaborateur interrogé seul, ou collectivement, si des entretiens de groupe sont organisés. L’avocat saura alors fournir des conseils adaptés à chaque situation, en fonction des risques juridiques et des attentes spécifiques de l’AFA. Il sera également en mesure de préparer les collaborateurs aux différents types de questions pouvant être posées et de garantir la clarté et la cohérence des réponses.

L’assistance d’un avocat est d’autant plus indispensable que, contrairement à ce qui se fait dans certains contrôles, l’AFA ne dresse pas de procès-verbal des entretiens menés. Or, certains éléments verbaux, notamment des verbatim, peuvent être utilisés ultérieurement dans le rapport de contrôle pour établir des manquements ou des non-conformités. En l’absence de procès-verbal officiel, les déclarations recueillies pendant les entretiens peuvent être interprétées de manière subjective, voire être détournées pour construire des accusations. L’avocat, présent pour garantir la rigueur de la procédure, protège ainsi les droits des collaborateurs et s’assure de la légalité des échanges. Leur présence est d’autant plus importante que l’AFA, elle-même, peut se faire accompagner par des experts externes, avocats comme cabinets d’audit.

Enfin, les avocats spécialisés dans la conformité et la gestion des contrôles sont des acteurs habitués à ces processus. Leur expérience leur permet d’accompagner efficacement les collaborateurs de l’entreprise tout au long des entretiens, afin de garantir que les réponses soient précises et alignées avec les intérêts de l’entité, tout en respectant les normes juridiques.

Du rapport provisoire à la commission des sanctions : l’avocat, garant des droits et des intérêts de l’entreprise à chaque étape

À la suite de son contrôle, l’AFA rend un projet de rapport développant les observations, les éventuels constats de manquement et les recommandations y afférentes. Une phase contradictoire d’une durée de deux mois s’ensuit, pendant laquelle l’entité concernée doit soumettre un projet de plan d’action détaillant les mesures envisagées, leur calendrier de mise en œuvre, ainsi que les responsables désignés pour leur exécution. L’avocat peut alors accompagner l’entité dans la préparation du projet de plan d’action et veiller, à ce titre, que les mesures proposées soient conformes aux exigences de l’AFA sans entraver l’activité de l’entité contrôlée.

Durant cette période, l’entité contrôlée a la possibilité de présenter ses observations écrites. En effet, le contrôle de l’AFA est guidé par le principe d’origine anglo-saxonne : « comply or explain ». Cela signifie que si l’entreprise a adopté la méthodologie préconisée par l’AFA, elle doit être considérée comme ayant apporté des éléments suffisants, sauf si l’AFA parvient à prouver qu’elle ne l’a pas suivie en réalité. En revanche, si l’entreprise n’a pas suivi cette méthodologie, ou si elle l’a suivie partiellement, il lui incombe de démontrer que son dispositif de prévention de la corruption offre une garantie raisonnable de son efficacité pour prévenir et détecter la corruption de manière adéquate. L’avocat continue de guider l’entité dans cette phase contradictoire et, notamment, sur la manière de formuler ses observations écrites de façon à justifier de manière optimale, les choix de l’entité.

La date de réponse de l’entité contrôlée au rapport provisoire constitue la fin des opérations de contrôle de l’AFA. La directrice de l’AFA adresse, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l’entité contrôlée, le rapport de contrôle définitif. La directrice de l’AFA peut alors décider soit d’adresser un avertissement aux représentants de l’entité, soit de soumettre, dans un délai de trois ans à compter du jour où la violation a été constatée dans le rapport définitif, l’affaire à la commission des sanctions de l’AFA. Si le contrôle conduit à la saisine de ladite

commission des sanctions de l’AFA, alors l’entité mise en cause pourra se faire assister par le conseil de son choix et ce, notamment, au cours de l’audience publique au cours de laquelle elle est invitée à faire valoir ses observations oralement.

Si la directrice de l’AFA formule un avis sur la nature, le montant et les modalités de la sanction qu’elle juge appropriée, la commission des sanctions de l’AFA reste libre de prononcer la sanction qui lui paraît adaptée parmi celles à sa disposition, à savoir :

  • l’injonction de se mettre en conformité aux obligations légales dans un délai maximal de 3 ans,
  • une amende d’un montant maximal de 200 000 euros pour les personnes physique et d’un million d’euros pour les personnes morales,
  • « name and shame », la publication, la diffusion et l’affichage, en tout ou partie, de la décision prononçant une injonction ou une amende, aux frais de la personne physique ou morale sanctionnée.

L’entité condamnée, sur les conseils de son avocat, pourra former un recours de pleine juridiction contre la décision de la commission des sanctions devant le Tribunal administratif. Ainsi, l’avocat joue un rôle essentiel tout au long de la procédure

L’entité contrôlée peut se faire accompagner par un avocat au cours de la procédure ; de l’anticipation du contrôle au recours face à une sanction, en passant par la gestion du contrôle, l’avocat assure la défense des intérêts de l’entité à chaque étape clé du contrôle. À chaque étape d’un contrôle AFA, l’avocat ne se contente pas de sécuriser juridiquement les échanges, mais sera clé pour :

  • Sélectionner les documents pertinents, sécuriser les réponses pour limiter les risques d’auto-incrimination.
  • Éclairer les choix de l’entité face aux exigences de l’AFA, aide à formuler des réponses alignées et cohérentes.
  • Anticiper les entretiens, forme les collaborateurs, clarifie les rôles et attentes de chacun.
  • Coordonner les différentes parties prenantes internes et piloter la réponse globale de l’entreprise.
  • Structurer la réponse au rapport provisoire, construit un plan d’action crédible et défendable.
  • Représenter l’entreprise devant la commission des sanctions.
Samuel

Par Samuel Guetta Avocat Associé Expert en Compliance du cabinet Novlaw Avocats,

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