
Comment obtenir l’annulation d’un permis de construire ?
Un permis de construire vient d’être délivré par le Maire à un habitant de votre commune, mais la construction qu’il prévoit vous gêne.
Il est possible d’obtenir l’annulation de ce permis de construire en formant un recours en annulation dans un délai de deux mois (articles L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration et R. 421-1 du code de justice administrative)
Quels sont les préalables indispensables pour demander l’annulation d’un permis de construire ?
1. Agir dans le délai de recours contentieux
Tout d’abord, il faut s’assurer que le délai contentieux de deux mois n’a pas expiré.
Ce délai commence à courir, dès le premier jour de l’affichage du permis de construire sur le terrain, par son bénéficiaire (Article R. 600-2 du code de l’urbanisme).
Pour être régulier, cet affichage doit respecter un certain formalisme :
- Il doit être visible depuis la voie publique ou aux espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ;
- Il doit comporter les mentions obligatoires citées aux articles R. 424-15 et suivants du code de l’urbanisme (identité du bénéficiaire du permis de construire et de l’architecte, date de délivrance, numéro du permis de construire, superficie du terrain, adresse de la mairie dans laquelle le dossier de demande peut être consulté).
Attention, le simple défaut d’affichage n’entraine pas automatiquement l’absence de déclenchement du délai de recours (CE, 10 octobre 2019, n° 419756).
S’il n’y a pas eu d’affichage régulier sur le terrain du projet, vous disposez d’un délai de recours différent, selon les hypothèses suivantes :
- Un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction (article R. 600-3 du code de l’urbanisme) ;
- Ou un délai d’un an à partir du moment où vous avez été informé de l’octroi du permis de construire et si l’affichage ne comporte pas la mention des voies et délais de recours (CE, 9 novembre 2018, n° 4098172).
2. Démontrer un intérêt à agir contre le permis de construire
- Si vous êtes un tiers à l’autorisation de construire
En tant que tiers à l’arrêté qui délivre le permis de construire contesté, il faut nécessairement que vous démontriez un intérêt à agir.
Autrement dit, vous devez justifier d’une raison légitime pour demander l’annulation du permis de construire.
Votre intérêt à agir se démontre par un ensemble d’éléments, précis et étayés, fondés sur le fait que l’atteinte que vous subissez est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de votre bien (article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme).
Il peut s’agir par exemple :
- De nuisances sonores (CAA Bordeaux, 10 juillet 2020, n° 19BX00536) ou olfactives (CE, 30 avril 2019, n° 420525),
- D’une perte d’ensoleillement (CAA Lyon, 2 avril 2020, n° 18LY04130),
- D’une altération d’une vue (CAA Nantes, 29 juin 2018, n° 17NT02567),
- De l’accroissement du trafic routier etc.
Le Conseil d’Etat a récemment réaffirmé l’obligation de prouver que le projet contesté nuit directement aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de votre bien, par la production d’éléments concrets (CE, 19 janvier 2024, n°469266).
En tant que propriétaire, locataire, détenteur d’une promesse de vente ou encore bailleur, vous pouvez justifier d’un intérêt à agir contre ce permis de construire en produisant tout document attestant de qualité à agir (attestation de propriété, contrat de bail, promesse de vente etc.).
- Si vous êtes un voisin immédiat du projet contesté
Si vous occupez un bien immobilier jouxtant la parcelle d’assiette du projet, la démonstration de cet intérêt à agir est facilitée.
En effet, le Conseil d’Etat admet, en principe, l’intérêt à agir du voisin immédiat du permis de construire (CE, 13 avril 2016, n° 389798).
Toutefois cette reconnaissance ne s’apparente qu’à une présomption, car cela ne dispense pas le requérant de fournir des éléments permettant d’établir son intérêt à agir.
De manière constante, le Conseil d’Etat relève l’insuffisance de la seule démonstration de la situation de voisinage pour fonder pleinement l’intérêt à agir.
Le juge administratif peut rejeter un recours contentieux si les requérants “ se sont bornés à faire état de la proximité immédiate de leur propriété avec celle du projet ” (CE, 19 janvier 2024, n°469266 précité).
- Si vous êtes membre d’une association
Si vous représentez une association et que vous souhaitez demander l’annulation d’un permis de construire vous devez justifier, de la même façon, l’intérêt à agir de cette association.
Pour ce faire, l’objet social de votre association doit porter sur la défense d’intérêts collectifs dans un champ géographique déterminé.
Cet élément est indispensable pour attester de la légitimité de votre demande d’annulation et de la pertinence de vos arguments.
Ensuite, vous devez démontrer que le projet attaqué par votre association affecte effectivement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de votre bien.
Enfin, votre association doit nécessairement avoir été constituée au moins un an avant l’affichage de l’arrêté délivrant ce permis de construire (article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme).
Quant au cas spécifique des associations agréées pour la défense de l’environnement, elles sont présumées disposer d’un intérêt à agir, chaque fois que le permis de construire, a un rapport direct avec leur objet statutaire et que ce permis est survenu après la date d’agrément.
3. L’obligation de notification du recours en annulation dans un délai de 15 jours suivant le dépôt sur Télérecours
Selon l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, tout recours gracieux ou contentieux contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol doit être notifié dans un délai de 15 jours, à compter du dépôt du recours en annulation sur la plateforme Télérecours (citoyen).
Cette notification doit être adressée à la fois à l’autorité qui a octroyé le permis de construire, mais également au bénéficiaire de ce permis.
L’envoi de cette notification doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception contenant la copie intégrale du recours en annulation, identique à l’exemplaire envoyé au tribunal administratif, sans toutefois l’obligation d’y joindre les annexes.
Une fois que ces trois formalités préalables à la recevabilité de votre recours sont remplies, vous pouvez déposer un recours en annulation contre le permis de construire que vous contestez.
Quelles sont les étapes à suivre pour obtenir l’annulation d’un permis de construire par le juge administratif ?
1. Vérifier que les conditions préalables sont remplies (délai, démonstration de l’intérêt à agir et notification du recours en annulation)
Pour rappel, il faut donc satisfaire trois formalités préalables pour produire un recours en annulation contre un permis de construire :
- Le respect du délai de recours contentieux (par principe de deux mois) ;
- La démonstration d’un intérêt à agir ;
- La notification du recours contentieux à l’auteur de la décision délivrant le permis de construire ainsi qu’à son bénéficiaire.
2. Rédiger un recours en annulation avec des moyens de légalité externe et interne
Pour rédiger un recours en annulation contre un permis de construire, il faut respecter un certain formalisme.
En effet, vous devrez soulever des moyens d’illégalité, qui sont des arguments démontrant que le permis en cause est bien illégal au regard des règles d’urbanisme applicables.
- Arguments tenant à la compétence, la forme ou la procédure
A ce titre, il est possible d’invoquer des moyens de légalité externe, parmi lesquels se trouvent :
- L’incompétence de l’autorité ayant délivré le permis de construire :
Le juge va vérifier si l’arrêté délivrant le permis de construire a été pris par une autorité compétente.
Il s’agit là d’une situation dans laquelle l’autorité n’avait pas de compétence légale pour délivrer ce permis de construire (CE, 17 janvier 2007, n° 291895).
Ce moyen est un moyen dit d’ordre public ce qui permet au juge administratif de l’examiner même sans que vous l’ayez invoqué.
- Le vice de forme ou de procédure :
Le juge administratif examinera si l’arrêté contesté a été pris dans les formes et selon la procédure requises.
Il peut s’agit de la motivation de l’arrêté de permis de construire ou de l’absence du prénom ou du nom de son signataire.
Il peut également s’agir d’une procédure qui n’aurait pas été respectée, comme la consultation obligatoire d’une autre autorité.
Ce type de vice ne peut entraîner l’annulation de la décision délivrant le permis de construire que s’il revêt un importance telle qu’il a pu exercer une influence sur le sens de la décision attaquée ou avoir privé l’intéressé d’une garantie substantielle pour justifier une demande d’annulation (CE, 23 décembre 2011, Danthony).
- Arguments tenant au contenu du permis de construire
Il vous est également possible de soulever des moyens de légalité interne, relatifs cette fois au contenu du permis de construire.
- La violation de la loi :
Il s’agit de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme (règlement national d’urbanisme, Plan Local d’urbanisme ou servitude d’utilité publique comme un plan de prévention des risques naturels).
- Le détournement de pouvoir :
La décision qui délivre un permis de construire peut être entachée d’un détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative a accordé un permis de construire pour des raisons étrangères au droit de l’urbanisme (exemple récent du Cabinet Novlaw Avocats : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 16 mai 2024, nos 2200395 et 2202233).
- L’erreur de fait ou d’appréciation :
Il s’agit d’un cas dans lequel l’autorité administrative a interprété de manière erronée la situation, les caractéristiques du projet ou du terrain conduisant à une décision illégale.
- L’erreur de droit :
L’erreur de droit est caractérisée en cas de méconnaissance ou une mauvaise interprétation d’une norme d’urbanisme.
Vous devez déposer le recours en annulation devant le Tribunal administratif dans le ressort duquel est installé le siège de l’autorité administrative qui a délivré le permis contesté.
3. Déposer son recours en annulation sur Télérecours
Votre recours en annulation doit être déposé de façon dématérialisée, sur le site Télérecours citoyens, si vous n’êtes pas assisté d’un avocat.
De plus, vous devez obligatoirement joindre une copie de l’arrêté délivrant le permis de construire qui constitue la décision attaquée et dont vous sollicitez l’annulation.
Il est important de noter que le dépôt de votre recours en annulation n’a pas d’effet suspensif. C’est-à-dire qu’il ne peut pas permettre de suspendre l’exécution des travaux que le bénéficiaire peut commencer à réaliser dès l’obtention de son autorisation.
Compte tenu de l’ensemble de ces règles, il est recommandé de faire appel à un avocat pour s’assurer du bon déroulement de la procédure en annulation devant le juge administratif.
Maîtres Laurent Bidault et Célie Mendez interviennent principalement en droit de l’urbanisme et peuvent vous assister à chaque étape de cette procédure.

Cet article a été écrit par Célie Mendez Avocate Associée chez Novlaw Avocats intervient principalement en droit de l’urbanisme
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