Qu’est ce que la déspécialisation du bail commercial ?

Locataire, vous souhaitez changer l’activité prévue au bail commercial  ? Exercer une activité différente de celle prévue lors de la signature du bail  ?

Bailleur, votre locataire ne respecte pas l’activité prévue au bail  ? Votre locataire a signifié son souhait de changer l’activité prévue au bail  ?

Cet article est fait pour vous. Découvrez nos conseils en cas de déspécialisation du bail commercial  : formalités, conditions, conséquences. On vous explique tout pour bien comprendre ce qu’est une déspécialisation de bail commercial.

Qu’est-ce que la déspécialisation d’un bail commercial  ?

La déspécialisation d’un bail commercial est le mécanisme permettant de modifier l’activité autorisée dans le local commercial. En principe, lors de la rédaction du bail commercial, les parties se mettent d’accord sur l’activité prévue au bail, ce que l’on appelle la destination.

Cette destination doit être conforme au souhait du locataire, être acceptée par le bailleur, mais elle doit également être légale  : par exemple, si un règlement de copropriété interdit l’activité de restaurant ou de fast-food, il ne sera pas possible de prévoir un bail avec pour destination restauration traditionnelle, ou encore d’envisager une cuisine avec présence d’une extraction.

Une fois que la destination a été arrêtée et est fixée dans le bail, le locataire n’est pas autorisé à exercer une autre activité dans le local commercial. A défaut, il commettrait une violation du contrat de bail, et s’exposerait à une demande de résiliation judiciaire formée par le bailleur, avec dommages-intérêts.

Aussi, il est très important pour le locataire de respecter strictement la destination du bail et de ne surtout pas chercher à contourner la clause de destination, s’il ne veut pas risquer de perdre son fonds de commerce et les dépenses qu’il aura engagées pour le constituer.

Cela signifie-t-il que le locataire ne peut jamais changer l’activité prévue au bail  ? Non bien sûr. Le statut des baux commerciaux a prévu les conditions dans lesquelles le locataire peut demander à modifier l’activité autorisée dans le bail. C’est précisément ce que l’on appelle une déspécialisation du bail commercial.

Ainsi, par définition, la déspécialisation désigne le processus de changement de destination du local commercial, l’opération permettant au locataire et au bailleur de modifier l’activité autorisée par le bail commercial.

Quelles sont les conditions pour demander une déspécialisation du bail commercial  ?

La loi prévoit quatre cas dans lesquels le bailleur et le locataire peuvent être conduits à modifier la destination du bail commercial.

  • La déspécialisation partielle du bail commercial  : c’est l’hypothèse dans laquelle le locataire souhaite simplement adjoindre des activités connexes ou complémentaires à celles prévues au bail ; il ne s’agit donc pas d’une modification radicale de l’activité prévue au bail.

  • La déspécialisation plénière ou totale  : par rapport à la précédente, c’est la déspécialisation applicable lorsque le locataire souhaite modifier radicalement l’activité prévue au bail (par exemple passer d’un restaurant à une laverie…).

  • La déspécialisation-cession  en cas de départ à la retraite du locataire  : c’est un cas spécifique prévu dans le Code de commerce qui s’applique dans l’hypothèse où le locataire souhaite prendre sa retraite. Afin de lui faciliter la recherche d’un repreneur et de lui permettre de céder facilement son exploitation, la loi autorise le locataire à déspécialiser le bail lorsqu’il part à la retraite, s’il a identifié un repreneur intéressé.

  • Il existe enfin un dernier cas de déspécialisation, applicable en cas de reprise en redressement judiciaire du fonds de commerce  : le repreneur du fonds en redressement judiciaire peut demander au tribunal de prononcer la déspécialisation du bail commercial en cas de cession de l’entreprise en redressement.

Ces quatre hypothèses de déspécialisation ont chacune leurs propres conditions.

Quelles sont les conditions pour réaliser une déspécialisation partielle  ?

La déspécialisation partielle – que l’on appelle également déspécialisation restreinte – permet au locataire de demander la mise en place d’une activité connexe ou complémentaire à l’activité principale initialement prévue : par exemple, la vente de produits de soin pour un salon de coiffure, l’adjonction d’un tabac pour un bar, ou encore, l’ajout d’une activité de location de voiture pour un garage automobile.

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’une modification radicale de celle initialement prévue dans le bail.

Les conditions pour réaliser une déspécialisation partielle sont les suivantes  : le locataire doit au préalable notifier au bailleur son projet de changement d’activité. La forme de cette notification est assez souple, puisqu’elle peut intervenir tant par acte d’huissier que par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette notification adressée au bailleur équivaut à une mise en demeure qui lui est faite de faire connaître s’il entend ou non contester le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. Le bailleur doit impérativement se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la demande de déspécialisation faite par son locataire : l’absence de réponse du bailleur dans ce délai de deux mois vaut acceptation.

Le bailleur peut-il refuser la demande de déspécialisation  ?  

Oui, mais à condition qu’il puisse justifier que les activités nouvelles que le locataire souhaite exercer ne sont pas connexes ou complémentaires – ou tout simplement qu’elles sont impossibles (parce qu’elles seraient par exemple contraires au règlement de copropriété de l’immeuble).

Le locataire peut-il contester  ?  

Oui, en engageant une procédure devant le tribunal judiciaire. Le locataire demandera alors au juge de contester que les activités nouvelles qu’il souhaite exercer sont bien connexes et complémentaires, et sont permises au sein de l’immeuble (conformes au règlement de copropriété notamment).

Le locataire peut toujours renoncer à sa demande de déspécialisation en cours de procédure. Il bénéficie également d’un droit de rétractation, pouvant revenir sur sa demande à tout moment jusqu’à l’expiration d’un délai de 15 jours à partir de la date à laquelle la décision est devenue définitive.

Quelles sont les conséquences d’une demande de déspécialisation partielle  ? 

En contrepartie de la déspécialisation partielle, le bailleur pourra solliciter une augmentation de loyer. Attention toutefois : cette demande d’augmentation de loyer ne pourra pas intervenir immédiatement, mais uniquement lors de la première révision triennale suivante, comme prévu par l’article L.145-47 du Code de commerce.

Aussi toute demande de modification du loyer immédiate, au moment de la déspécialisation, serait illégale et abusive de la part du bailleur. 

Lors de la première révision triennale suivant la demande de déspécialisation partielle, le loyer du bail commercial pourra être déplafonné et ce, sans qu’il ne soit nécessaire que cette adjonction d’activité nouvelle ait entraîné une augmentation de la valeur locative supérieure à 10 %. 

Qu'est ce que la déspécialisation du bail commercial ?

A quelles conditions se réalise une déspécialisation plénière  ?

Ce sont les articles L.145-48 et suivants du Code de commerce qui encadrent le régime de la déspécialisation plénière (aussi appelée déspécialisation totale). De façon à solliciter une déspécialisation, le locataire doit cumulativement remplir ces deux conditions :

  • Se trouver dans un cas de nécessité économique de changer d’activité  ;

  • L’activité qui est envisagée doit être compatible avec la destination et la situation de l’immeuble

Avant d’effectuer une demande de déspécialisation totale, le preneur doit solliciter son bailleur ainsi que les créanciers inscrits sur le fonds de commerce, afin de leur demander l’autorisation d’exercer une activité différente de celle qui est prévue dans le bail. Cette demande peut être faite soit par acte d’huissier, soit par lettre recommandé. Si le bailleur n’y répond pas dans un délai de trois mois, il sera réputé avoir accepté cette requête.

A l’inverse, si le bailleur répond à cette demande et souhaite s’opposer à ce changement d’activité, il ne pourra le faire que dans trois cas  :

  • S’il justifie d’un motif grave et légitime, en application de l’article L.145-52 du Code de commerce  ;

  • S’il justifie d’un intérêt personnel ou de droits concurrents à des tiers, en application de l’article L.145-52 du Code de commerce ;

  • S’il entend reprendre les lieux à l’expiration de la période triennale en cours, en vue de construire ou reconstruire l’immeuble existant, ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de rénovation urbaine ou de restauration immobilière (articles L.145-18 à L.145-24 du Code de commerce).

En application de l’article L.145-50 du Code de commerce, le bailleur peut exiger en contrepartie du changement d’activité  :

  • Le paiement d’une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l’existence  ;

  • La modification à la hausse du prix du bail

A quelles conditions une déspécialisation  peut-elle être réalisée lors du départ à la retraite du Preneur ?

Dans l’hypothèse où le locataire souhaite prendre sa retraite, ou dans le cas où il deviendrait bénéficiaire d’une pension d’invalidité, celui-ci a la possibilité de céder son bail, avec une déspécialisation (article L.145-51 du Code de commerce).

Ce changement d’activité est possible à l’unique condition que la nouvelle activité envisagée soit compatible avec les lieux. A défaut, le bailleur pourra invoquer un motif de non-compatibilité de sorte à refuser la déspécialisation.

Dans cette hypothèse de déspécialisation en cas de départ à la retraite du locataire, le bailleur n’est pas en mesure de solliciter une augmentation immédiate du loyer. Il lui faudra patienter jusqu’à la date de révision triennale suivante.

A quelles conditions une déspécialisation peut-elle avoir lieu dans le cadre d’un redressement judiciaire  ?

Lors de l’acquisition d’un fonds de commerce se trouvant en redressement judiciaire, le but du législateur est d’autoriser le cessionnaire à s’affranchir de la procédure de déspécialisation partielle, et ainsi de lui permettre d’adjoindre des activités connexes ou complémentaires à celles qui sont d’ores et déjà prévues par le bail commercial cédé (article L.642-7 du Code de commerce).

Dans le cadre du plan de cession, le tribunal peut quant à lui autoriser cette déspécialisation. Il convient toutefois de préciser que cette possibilité se limite à une déspécialisation partielle, et n’est pas envisageable pour une déspécialisation totale.

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La déspécialisation du bail commercial

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