
Nouvelle circulaire sur la régularisation des sans-papiers en France
Le 23 janvier 2025, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a publié une nouvelle circulaire modifiant en profondeur les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière en France. En abrogeant la circulaire Valls du 28 novembre 2012, ce texte supprime le référentiel commun qui servait plus ou moins de guide aux préfectures pour l’examen des demandes de titres de séjour. Désormais, chaque préfecture disposera d’une plus grande marge d’appréciation, ce qui pourrait entraîner des disparités importantes dans le traitement des dossiers d’un territoire à l’autre.
Cette absence de cadre commun renforce inévitablement le rôle des avocats ou des différents accompagnants, qui devront anticiper et s’adapter aux attentes variables des services préfectoraux.
Cette situation risque de provoquer une multiplication des contentieux, en raison de l’incertitude et de l’inégalité de traitement qu’elle engendre.
Dans cet article, le cabinet NOVLAW Avocats et son associé Bruno GUILLIER, en charge des dossiers de régularisation et des questions liées au droit des étrangers, décryptent les nouvelles règles introduites par la nouvelle circulaire Retailleau et leurs implications pratiques pour les demandeurs.
Voici les principaux changements :
Hiérarchisation des fondements de régularisation
Rappel du caractère exceptionnel de l’admission exceptionnelle au séjour
Le ministre de l’Intérieur entend tout d’abord rappeler le caractère exceptionnel et donc nécessairement limité des régularisations des étrangers sans-papier.
Ce caractère dérogatoire des voies traditionnelles d’admission au séjour n’a cependant jamais été remis en cause par les préfectures.
Prime à la régularisation par le travail
Les services préfectoraux sont désormais encouragés à privilégier les demandes de régularisation fondées sur l’article L. 435-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui concerne les métiers en tension.
En revanche, les demandes basées sur l’article L. 435-1, plus général, seront moins favorisées.
Élimination de la grille référentielle introduite par la circulaire Valls
La circulaire Valls fixait une grille générale d’analyse permettant d’identifier les possibles motifs de régularisation et leurs critères.
Cette grille est supprimée, ce qui marque la fin d’un outil commun non contraignant, mais pourtant largement utilisé par les préfectures pour évaluer les dossiers.
Recentrer les régularisations au titre de la vie privée et familiale sur le droit commun
La circulaire insiste sur le fait que les préfectures doivent, sauf circonstances exceptionnelles, privilégier la voie du droit commun en appliquant strictement les critères légaux, c’est-à-dire ceux prévus pour les titres pouvant être délivrés :
- aux victimes de traite des êtres humains et de violences conjugales : articles L. 425-1 à L. 425-5 et 425-6 à L. 425-8 du CESEDA ;
- aux étrangers avec des liens personnels et familiaux en France : article L. 423-23 du CESEDA;
- aux personnes hébergées par des organismes communautaires : article L. 435-2 du CESEDA, applicable aux étrangers accueillis par des structures d’accueil solidaires ;
- aux mineurs non accompagnés pris en charge par l’ASE : article L. 435-3 du CESEDA, pour les mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ou par un tiers digne de confiance entre 16 et 18 ans.
Les régularisations hors de ces cadres seront donc plus rares et devront être justifiées par des situations humanitaires ou exceptionnelles clairement démontrées.
Durcissement des critères de régularisation
Présence minimum de 7 ans pour les régularisations par le travail
Les étrangers doivent désormais justifier d’une présence en France d’au moins 7 ans, contre 5 ans auparavant pour prétendre à une possible régularisation
Maîtrise nécessaire du français :
Une bonne maîtrise de la langue française est désormais requise. La preuve de cette maîtrise du français pourra se faire par un diplôme français ou par une certification linguistique TEF, TCF ou DILF, DELF ou DALF.
Adhésion aux valeurs républicaines française
Une adhésion prouvée aux valeurs républicaines est aussi exigée.
Elle se manifeste par la signature et la remise lors du dépôt du dossier du contrat d’engagement à respecter les principes de la République (liberté personnelle, liberté d’expression, égalité entre les femmes et les hommes, laïcité, etc.).
Comme c’était le cas auparavant, la polygamie est interdite.
Absence de menace à l’ordre public
La circulaire insiste sur le fait que toute régularisation est conditionnée à l’absence de menace pour l’ordre public.
Il ne s’agit que d’un rappel des dispositions des articles L. 412-5, L. 432-1 et suivants du CESEDA.
Prise en compte des OQTF anciennes
La circulaire insiste sur l’importance de prendre en compte les OQTF anciennes dans l’examen des demandes de régularisation.
Les préfectures sont appelées à vérifier l’historique administratif des demandeurs pour s’assurer que leur régularisation ne contrevient pas à une décision antérieure.
Ainsi, une ancienne OQTF peut faire l’objet d’une exécution forcée pendant 3 ans. En d’autres termes, si une demande en préfecture est déposée durant cette période, l’étranger peut directement être arrêté et expulsé.
Par ailleurs, une ancienne OQTF non exécutée doit systématiquement être opposée aux demandes de régularisation et conduire au refus des dossiers en application des dispositions de l’article L. 432-1-1 du CESEDA.
Seule exception, si l’étranger démontre que sa situation a significativement évolué pour justifier une nouvelle demande.
Quelles personnes sont les plus touchées ?
Qui est concerné ?
Tous les étrangers ne relevant pas d’une hypothèse de délivrance prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et de l’asile ou d’un accord spécifique.
Quelle est l’application temporelle de cette circulaire ?
La circulaire Retailleau concerne toutes les hypothèses qui ne sont pas juridiquement définitives. Ainsi sont concernées :
- Les premières demandes formulées à partir du 24 janvier 2025 sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-1 du CESEDA ;
- Les demandes dont l’instruction est toujours en cours. C’est-à-dire que les anciennes demandes de régularisation non encore traitées sont à présent soumises à la circulaire Retailleau.
Silence sur les régularisations au titre de la vie privée et familiale
La circulaire se concentre principalement sur les demandes liées au travail, laissant de côté les autres voies de régularisation, notamment celles fondées sur la vie privée et familiale.
La circulaire reste floue sur les cas des parents d’enfants scolarisés, des conjoints d’étrangers en situation régulière et des mineurs devenus majeurs entrés irrégulièrement en France :
Durcissement des conditions de régularisation par le travail
Il est à présent exigé une présence minimum en France de 7 ans pour solliciter une régularisation par le travail.
Par ailleurs, les cas spécifiques des travailleurs à temps partiel, des employés de maison et des intérimaires, précédemment traités par la circulaire Valls, ne sont plus évoqués. Les critères spécifiques d’analyse de leurs dossiers ne sont donc plus applicables, ce qui rend leurs demandes de régularisation d’autant plus difficiles.
La circulaire Retailleau est-elle contraignante ?
L’opposabilité des circulaires est une question récurrente en droit administratif. Dans quels cas ce texte, qui émane directement de l’administration, peut-il être appliqué aux administrés ou invoqué par eux ? Les tribunaux sont-ils obligés de les appliquer ?
Voici ce qu’il faut savoir sur la circulaire Retailleau.
Conditions générales d’opposabilité et d’invocabilité
En droit français, une circulaire est opposable uniquement si elle a régulièrement été publiée par l’administration et que l’interprétation invoquée n’affecte pas les droits d’un tiers ni ne contrevient à des dispositions légales protégeant la santé publique, la sécurité ou l’environnement.
Toutefois, les circulaires contenant des orientations générales relatives à l’octroi de mesures de faveur ne sont pas opposables si l’usager ne dispose d’aucun droit direct à obtenir la mesure en question, quand bien même elles sont publiées sur un site officiel.
Cas de la circulaire Retailleau : l’absence d’invocabilité
Si la circulaire Retailleau a bien été publiée dès le 24 janvier 2024, son invocabilité par les étrangers et plus encore par les préfectures semble peu probable.
En effet, cette circulaire ne contenant que des orientations générales concernant la mesure de faveur qu’est la régularisation, elle ne peut être opposée à un étranger qui présente une demande d’admission exceptionnelle au séjour.
Les tribunaux ne pourraient donc pas l’appliquer dans les dossiers qui leur seront soumis.
C’est que qui avait déjà été décidé par le Conseil d’État en ce qui concerne la circulaire Valls dans un avis du 14 octobre 2022. Il avait ainsi rappelé qu’une circulaire en matière d’admission exceptionnelle au séjour ne crée pas de droits pour les administrés. Elle donne des instructions aux services préfectoraux, mais ne peut être invoquée directement par les étrangers pour exiger une régularisation et inversement par les préfets pour justifier une décision de refus.
Il est donc plus que probable que la circulaire Retailleau suive ce même régime : elle guide l’administration, mais n’est pas opposable aux usagers.
En conclusion
En définitive, la nouvelle circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 marque une évolution plus politique que juridique de la gestion administrative des demandes de régularisation.
Si elle complexifie l’analyse des dossiers par les préfectures et introduit des disparités de traitement d’un département à l’autre, elle ne modifie pas les principes fondamentaux appliqués par les tribunaux. Ces derniers continueront de s’appuyer sur les règles prévues par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et la jurisprudence existante pour évaluer les situations.
Dans ce contexte, la clé pour maximiser ses chances de succès réside dans la préparation minutieuse du dossier. Il est crucial de préparer un dossier complet et solide qui permet de démontrer :
- Une forte intégration dans la société française, notamment par des preuves de stabilité résidentielle et de participation active à la vie sociale.
- Une maîtrise suffisante de la langue française, appuyée par des diplômes ou certifications reconnus.
- Une insertion professionnelle durable, en particulier dans les secteurs prioritaires identifiés par la loi.
Dans ce contexte exigeant, un accompagnement juridique spécialisé peut faire toute la différence.
Le cabinet NOVLAW Avocats et son associé Bruno GUILLIER sont à votre disposition pour analyser votre situation et vous accompagner dans la constitution d’un dossier de demande de régularisation.
FAQ
Le cabinet NOVLAW Avocats vous accompagne dans toutes vos problématiques concernant le droit des étrangers
NOVLAW Avocats est un cabinet d’avocat intervenant sur les questions de fonction publique pour le compte de tant de l’administration que de particuliers (fonctionnaires, vacataires et agents contractuels). Nos avocats sont experts en matière de contentieux ainsi bien que de conseils.
Si vous souhaitez vous renseigner à propos de vos droits, des relations entre les employeurs publics et les agents de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière, il est avantageux et utile de faire appel à des juristes experts en la matière afin de bénéficier d’une assistance réelle et ainsi d’éviter les pièges.
Nos avocats sont à vos côtés pour vous guider et vous assister à chaque étape de la procédure. N’hésitez pas à nous contacter pour toute demande d’information complémentaire.
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