En 2020, la crise sanitaire a généré des difficultés financières très importantes dans la plupart des secteurs, en particulier dans l’hôtellerie, le tourisme et la restauration. Des mesures de soutien temporaires ont été prises (fonds de solidarité, reports de charges, PGE, etc.). Celles-ci auraient évité à beaucoup d’entreprises d’être en faillite. Mais, lesdites mesures n’auront été – à ce jour – opérantes que dans le report des difficultés. Il est très probable que la fin annoncée du « quoi qu’il en coûte » entraine pour 2021-2022 une forte augmentation des procédures collectives.

En prévision de ces difficultés – nées ou aggravées pendant la crise sanitaire – la loi du 31 mai 2021 (n°2021-689) prévoit une procédure relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Son objectif est d’accélérer – quoi qu’il en coûte – le traitement des difficultés des entreprises. Pour ce faire, sera mis en œuvre un droit au rebond rapide. Bien que certaines modalités doivent encore être fixées par Décret en Conseil d’État, cette procédure de sortie de crise ne s’appliquera que sous certaines conditions.

Tout comme la procédure de redressement judiciaire, cette procédure sera ouverte à tout débiteur exerçant « une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole (…) et, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé. » (C.com. Art. L620-2, al. 1er).

Mais à la différence de la procédure de redressement judiciaire, la procédure de sortie de crise ne devrait pouvoir être sollicitée que par le débiteur. Donc, ni les créanciers ni le Procureur de la République ne pourront demander l’ouverture de cette procédure particulière. Sur ce point, la procédure de sortie de crise rejoindra les modalités d’ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire.

Pour information, le Tribunal commercial ou judiciaire compétent est celui du siège social du débiteur ou de son adresse professionnelle.

LES CONDITIONS D’OUVERTURE :

Le débiteur devra être en état de cessation des paiements. I.e. son actif disponible devra être inférieur à son passif exigible. Mais, aussi avoir un certain seuil de salariés et un total de bilan inférieur à des seuils fixés par Décret. A titre purement spéculatif, si l’on se réfère à la procédure de redressement judiciaire, il est fort probable que cette procédure de sortie de crise soit destinée aux entreprises ayant moins de 20 salariés et ayant moins de 3 millions d’euros de passif déclaré.

Cette procédure étant hybride – i.e. à mi-chemin entre la procédure de sauvegarde judiciaire et la procédure de redressement judiciaire, il faudra attendre plus de précisions sur les conditions d’ouverture. Mais, au vu de la nécessité d’un état de cessation des paiements pour bénéficier de la procédure de sortie de crise, l’ouverture de cette procédure pourrait se faire selon les modalités de la procédure de redressement judiciaire.

Concrètement, le débiteur devra disposer de fonds disponibles pour payer ses créances salariales. Aussi, il devra avoir un bilan comptable sincère, régulier et surtout fidèle à la situation financière de son entreprise. Manifestement, le débiteur ne devra pas être dans une situation irrémédiablement compromise. En effet, il sera important qu’il puisse être en mesure de proposer un plan de continuation de l’entreprise. Une situation qui traduirait l’état d’une entreprise viable.

En ce sens, la loi du 31 mai 2021 exigerait que le débiteur puisse être en mesure – à bref délai, i.e. 90 jours (3 mois) – d’élaborer un projet de plan de continuité des activités économiques de son entreprise.

Ce serait donc dans ces conditions que le jugement d’ouverture de la procédure judiciaire – dite de sortie de crise – interviendrait.

LA DURÉE DE LA PROCÉDURE :

La saisine du tribunal serait conditionnée par l’éligibilité du débiteur à la procédure de sortie de crise. Par conséquent, le jugement d’ouverture n’interviendrait que sous réserve d’éligibilité du débiteur (aux conditions susmentionnées).

Ce jugement ouvrirait une période d’observation d’une durée de 3 mois – et non de 6 mois comme en procédure de redressement judiciaire. Cette période d’observation serait renouvelable sous réserve de capacités de financements suffisantes – du débiteur. Inversement, si au terme du délai de trois mois, il apparaissait que le débiteur ne puisse point présenter un plan de continuité, le tribunal mettrait alors fin à la procédure de sorte de crise. Dans ce cas, ladite procédure serait convertie en procédure de redressement judiciaire ou en procédure de liquidation judiciaire.

Aussi, ce délai serait susceptible d’être raccourci à deux mois s’il apparaissait manifeste que le débiteur ne serait pas en mesure de proposer un plan. Ce serait alors au Tribunal – sur demande du ministère public ou de l’organe désigné ou du débiteur lui-même – de se prononcer sur la fin de la procédure.

Ce délai raccourci laisserait place à trois interprétations.

D’une part, les délais (2-3 mois) seraient insuffisants, car se tiendraient deux audiences en l’espace de 90 jours. Une précipitation qui ne correspondrait guère avec l’esprit de la loi (n°2021-689). En effet, si cette procédure est instaurée pour une meilleure gestion de la sortie de crise, les débiteurs remplissant les conditions devraient pouvoir bénéficier de l’entier délai (3 mois) pour présenter un plan de continuation. Et s’il s’avère que le débiteur est insusceptible de présenter le plan au terme du délai, de procéder à la conversion de la procédure de sortie de crise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

D’autre part, est-ce qu’un délai aussi court ne serait pas une invitation du débiteur à préparer en amont un plan de continuation avant même la saisine du tribunal. Dès lors, un débiteur disposant déjà d’un plan de sauvegarde ou de redressement et remplissant les conditions requises serait totalement admis à solliciter l’ouverture d’une procédure de sortie de crise.

Enfin, se pose la question de l’utilité d’un délai raccourci à 2 mois lorsqu’il est évident que la procédure de sortie de crise ne saurait être ouverte si le débiteur ne remplissait pas la condition sur l’élaboration d’un plan en 3 mois. C’est en effet contradictoire d’ouvrir la procédure de sortie de crise à l’égard d’un débiteur justifiant – ab initio – d’une capacité à pouvoir élaborer un plan en trois mois – puis de mettre fin à cette procédure au bout de deux mois, car ce dernier ne serait pas en mesure de présenter un plan de pérennité de l’entreprise. Outre la contradiction, ce délai raccourci serait un aveu sur le manque de rigueur dans le contrôle des conditions. Mais également contre-productif, car au lieu d’éviter une forte augmentation des procédures collectives, ce serait un moyen rapide de convertir la procédure de sortie de crise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire – or ce ne serait pas l’objectif de la loi susmentionnée.

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LA PÉRIODE D’OBSERVATION :

La durée de la période d’observation serait prévue pour trois 3 mois. Pendant cette période, un plan de continuité sera élaboré. Il consistera – à l’image d’un plan de redressement – à restructurer l’entreprise, à éponger le passif et à prévoir un plan de continuité qui pourrait s’étaler sur 10 ans. Pour ce faire, un bilan économique et social devra être effectué afin d’avoir une nette image du passif et de l’actif du débiteur.

La détermination du passif du débiteur n’impliquerait pas des déclarations de créances – car la procédure de sortie de crise n’affecterait que les créances listées, donc antérieures à l’ouverture de la procédure. Il reviendrait ainsi au débiteur d’établir une liste des créances. Cette liste fera l’objet d’un contrôle dont les modalités seront fixées par Décret en Conseil d’État. In fine, la liste devra être déposée au greffe du tribunal saisi.

L’organe unique désigné pour la procédure (un mandataire judiciaire) devra se charger de transmettre à chaque créancier un extrait de cette liste – mais également de recueillir les contestations et demandes d’actualisation de créances. Le contentieux de la contestation des créances serait de la compétence du juge-commissaire. Les conditions et formes du recours contre sa décision seront fixées par Décret en Conseil d’État.

La mission du mandataire judiciaire serait de veiller au bon déroulement de la procédure, d’assurer le respect des droits des créanciers et d’assister le débiteur dans la mise en œuvre d’un plan de continuation.

Pour information, la mise en œuvre de ce plan passerait – aussi – par la détermination des actifs du débiteur. Pour ce faire, le tribunal pourrait simplement demander (ou dispenser) le débiteur de procéder à l’inventaire (conformément aux dispositions de la loi susmentionnée et aux dispositions du Titre III du Livre VI du Code de commerce).

L’ARRETÉ DU PLAN :

L’arrêté du plan interviendrait au terme de la période d’observation – dans les conditions de la procédure de sauvegarde judiciaire. Ensuite, se décidera la cession d’une ou plusieurs branches d’activités – de même pour les licenciements (sous réserve que le débiteur puisse immédiatement les financer).

Les dispositions du plan ne devraient porter que sur les créances listées et celles limitativement nommées (en qualité d’exception).

Une procédure de consultation des créanciers serait à prévoir. Ces derniers disposent généralement de 30 jours pour se positionner sur le plan d’apurement du passif. Mais, au vu des délais restreints, déduire 30 jours du délai global de la période d’observation reviendrait à davantage réduire la durée octroyée au débiteur pour établir un plan. Il se retrouverait certainement avec moins de 60 jours pour établir son plan de pérennité de l’entreprise.

L’éligibilité à cette procédure s’en trouve encore plus restreinte.

Il est clair à présent que ne seraient éligibles à la procédure de sortie de crise que les débiteurs présentant un bilan positif – mais ponctuellement en difficultés financières en raison d’un passif exigible, non maitrisé, contracté pendant la crise sanitaire.

À défaut d’un plan arrêté, il sera mis fin à la procédure de sortie de crise. Et ladite procédure serait convertie en procédure de redressement judiciaire ou en procédure de liquidation judiciaire. Mais, il sera plus probable que ce soit une procédure de redressement qui soit ouverte, car le débiteur – bien qu’en cessation des paiements – ne se trouverait pas dans une situation irrémédiablement compromise justifiant une liquidation.

Une nouvelle procédure collective liée à la covid-19 : la procédure de sortie de crise

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