l’indemnisation des dommages liés à des travaux publics

Focus sur l’indemnisation des dommages liés à des travaux publics


Définition des travaux publics

D’après la jurisprudence administrative, les travaux publics sont qualifiés dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont remplies.

Sont des travaux publics :

  1. Les travaux immobiliers qui sont exécutés pour le compte d’une personne publique. Cela signifie qu’ils doivent porter sur un bien qui lui appartient ou ont pour objet la construction d’un bien qui sera sa propriété (TC, 1963, Société Entreprise Peyrot).

C’est notamment le cas des travaux exécutés dans le cadre d’un marché public.

Ils peuvent être assurés par des personnes privées.

À titre d’exemple, les travaux de voiries effectués par une société dans le cadre de la réalisation d’un lotissement privé sont des travaux publics (TC, 1998, SA de HLM). Autre exemple, les travaux d’entretien d’une voie privée affectée à la circulation du public, effectués par la ville (CE, 1957, Ville de Marseille c/ Dame Poro).

  1. Les travaux immobiliers qui sont exécutés dans un but d’intérêt général. Dès lors que les travaux profitent au plus grand nombre, ils sont d’intérêt général.

Par élimination, ne sont pas d’utilité générale des travaux effectués des travaux de clôture d’une carrière située dans une forêt domaniale (CE, 1980, Commune de Falicon et a c/ Bana).


Quels sont les préjudices engendrés par ces travaux ?

La réalisation de ces travaux peut être la cause de dommages subis par des particuliers. Les dommages peuvent être tant matériels, corporels que financiers.

En ce qui concerne les dommages financiers, la victime propriétaire d’un magasin doit prouver qu’elle a subi un manque d’attractivité du fait des travaux publics contigus à son magasin (CE, 1970, Ville de Paris).

Elle peut également justifier que les travaux ont provoqué un trouble de jouissance dans les immeubles voisins et ont provoqué une diminution de la valeur du bien (CE, Ass, 1971, Epoux Blandin).

Quels sont les fondements de la responsabilité administrative ?

Une fois que la qualification juridique des travaux publics est établie, un régime de responsabilité spécifique s’applique : les dommages permanents causés par les travaux publics. C’est une responsabilité sans faute de l’administration.

A titre subsidiaire, la victime peut invoquer la responsabilité pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public, de l’administration. C’est une responsabilité pour faute de l’administration. Les conditions étant plus strictes, il sera plus difficile pour lui d’obtenir réparation de son préjudice.

La victime doit diriger sa requête devant le tribunal administratif compétent.

Qu’est-ce que la responsabilité administrative pour dommages permanents ?

Afin de qualifier la responsabilité de l’État, la victime doit justifier son dommage, évoqué en sus, et prouver qu’il est anormal et spécial. Ce fondement est une déclinaison de la rupture d’égalité devant les charges publiques.

L’anormalité signifie que le dommage atteint une certaine gravité excédant les gênes et inconvénients ordinaires de la vie en société.

La spécialité signifie que seule la victime subit ce dommage. Elle est exclusivement touchée par ces travaux publics.

Il est important de noter qu’il n’est pas nécessaire de justifier une faute de la part de l’administration, cette responsabilité étant objective.

À titre d’exemples de dommages permanents :

  • Les troubles de jouissance (odeur d’une station d’épuration, dépôt d’ordures (CE 1970, Commune de Dourgne) ;
  • La dépréciation de valeur d’immeubles en raison, notamment, de la proximité d’une centrale nucléaire aux abords d’une ville qui entraîne une perte de valeur vénale et l’existence d’un préjudice anormal et spécial (CE 1991, Epoux Docquet-Chassaing) ;
  • Les préjudices commerciaux tels que notamment la réduction de chiffres d’affaires ou la perte de recettes (CE 1974, Amouzegh).

Qu’est-ce que la responsabilité administrative pour faute ?

A titre subsidiaire, c’est-à-dire si le juge administratif n’accorde pas la réparation du préjudice sur le fondement des dommages permanents, il peut invoquer par principe, la responsabilité pour faute.

Il devra justifier que l’administration a échoué à son devoir d’entretien normal de l’ouvrage public et justifier l’existence de son préjudice.

Le dommage doit présenter certains caractères, puisque cumulativement il doit être :

  • Direct : il est direct s’il est la conséquence immédiate de la faute du maitre d’ouvrage ;
  • Certain : il est certain s’il existe réellement ;
  • Légitime : il est légitime s’il ne couvre pas un gain illicite manqué.

Toutefois, ce régime de responsabilité diffère en fonction de la qualité de la victime. En effet, il diffère si elle usagère de l’ouvrage (piéton, automobiliste), tiers à cet ouvrage (voisin) ou participants (ouvrier de l’ouvrage).

  • Si la victime est usagère : c’est un régime de faute présumée qui s’applique. Le maître d’ouvrage devra renverser cette présomption en apportant toutes les preuves démontrant qu’il n’a pas commis de faute. La charge de la preuve repose sur ce dernier.

Par exemple, la victime subissant un dommage du fait du mauvais état de la chaussée bénéficie de la présomption de la faute (CE, 1949, Ministre des travaux publics).

  • Si la victime est tierce: c’est un régime sans faute, fondé sur le risque qui s’applique. Un seul fait générateur suffit pour qualifier la responsabilité de l’administration.

Par exemple, le riverain d’une route dont le mur s’est écroulé du fait de travaux de creusement d’un fossé sur le bas-côté de la route peut prétendre à un tel régime de responsabilité (CE, 24 mai 2000, EDF c/ consorts Anotaux)

  • Si la victime est participante: c’est un régime de faute prouvée qui s’applique. La charge de la preuve repose sur la victime. En revanche si le participant est bénévole, le régime est calqué sur celui du tiers : il devient sans faute (CE, 22 novembre 1946, Commune de Saint Priest-la-Plaine)

Comment évaluer le montant des préjudices ?

Une expertise médicale peut être effectuée afin de chiffrer le montant du préjudice corporel.

Une expertise peut également être menée par un architecte pour évaluer le préjudice de jouissance du bien immobilier de l’administré.

Elle peut être ordonnée par référé sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable (R532-1 CJA).

Ce référé est soumis à une condition d’utilité, remplie si elle est sollicitée aux fins d’évaluer le préjudice corporel nécessaire notamment à l’établissement de la pension forfaitaire d’invalidité (CE, 2004, Ministère de l’Équipement, des Transports, du Logement).

Quelle est la procédure à suivre pour obtenir réparation des dommages ?

La réparation de la victime étant essentiellement indemnitaire, cette dernière ne peut saisir le juge administratif directement.

En effet, le recours contentieux est irrecevable s’il n’est pas précédé d’une demande indemnitaire préalable.

Cette obligation est prévue à l’article R421-1 du CJA.

La victime peut saisir le juge administratif après la production d’une décision de rejet, qu’elle soit implicite ou expresse. La décision implicite est produite à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de l’envoi de la demande préalable.

Dans sa requête, la victime doit expliciter les faits qui ont contribué à son dommage et les moyens juridiques, tels que la jurisprudence, justifiant qu’elle est en droit de demander réparation de son préjudice (R411-1 du CJA).

Quel est le délai pour agir ?

La prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics sont soumis à un délai de 4 ans (Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics).

Étant responsables pour le préjudice causé aux victimes, ces derniers détiennent une créance sur ces personnes morales.

Le point de départ de la prescription correspond à la date où le préjudice est révélé : les droits de créance sont acquis à la date à laquelle la réalité et l’étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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