Le référé préventif

Le référé préventif

Contrairement à d’autres types de référés qui interviennent après la survenance du dommage, le référé préventif vise à agir avant que le préjudice ou le dommage ne se matérialise, particulièrement dans le cadre d’une opération de construction ou de travaux.

Il ne s’agit donc pas pour le juge de réparer un dommage, mais plutôt de le prévenir aux termes d’une mesure que l’on peut qualifier de « conservatoire ».

Qu’est-ce qu’un référé préventif ?

Le référé préventif est une procédure judiciaire permettant, avant le commencement d’une opération immobilière (construction d’un immeuble, extension, démolition), d’obtenir une expertise permettant de constater l’état des lieux avant cette opération. La mesure peut porter sur le lieu du chantier directement ou bien sur les lieux avoisinants.

Le référé préventif a ainsi pour but d’établir des preuves tangibles en cas d’éventuelles plaintes de désordres ou de dommages par les occupants des immeubles avoisinants.

La procédure de référé préventif aboutit en principe à la remise d’un rapport établi par l’expert judiciaire désigné par le tribunal.

Sur la base de ce rapport, les personnes pour le compte de qui les travaux sont réalisés pourront ainsi se défendre si des plaignants venaient à invoquer des désordres, en disposant d’une preuve de l’état des lieux antérieur aux opérations de construction.

Le référé préventif est utilisé couramment en milieu urbain par les acteurs de la construction (promoteur immobilier, constructeur, maître d’ouvrage public, bailleur social).

S’agissant des cas relevant du juge civil, cette procédure est prévue à l’article 145 du Code de procédure civile et pour les cas relevant de la compétence du juge administratif, cette procédure est prévue à l’article R532-1 du Code de justice administrative.

Le Décret n°2023-468 du 16 juin 2023 a en outre créé un article R. 532-1-1 du Code de justice administrative qui prévoit que « le juge des référés peut charger un expert de procéder, lors de l’exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l’état des immeubles susceptibles d’être affectés par des dommages puis, le cas échéant, aux causes et à l’étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée d’exécution des travaux« .

Dans ce cadre, l’ordonnance du Tribunal administratif désignant l’expert peut prévoir qu’elle sera notifiée par le demandeur aux personnes concernées, et ce afin d’assurer le caractère pleinement contradictoire des opérations d’expertise à venir.

Quel est l’intérêt du référé préventif ?

Si la responsabilité du maître de l’ouvrage devait être recherchée à raison de désordres prétendument causés par les travaux entrepris, ce dernier pourra se défendre plus facilement s’il a fait constater l’état des lieux avant le chantier par le biais d’un référé préventif.

La responsabilité civile du maître de l’ouvrage, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, sera d’une certaine manière plus difficile à engager.

En ce qui concerne les riverains, ces derniers seront sans doute plus réticents à l’idée d’engager une procédure judiciaire en sachant que les dégradations n’ont pas été causées par le maître d’ouvrage lors de l’opération immobilière ou de construction. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de les attraire à la procédure de référé préventif, afin que celle-ci leur soit opposable.

Comment se déroule la procédure de référé préventif ?

La procédure de référé préventif est initiée par voie d’assignation devant le Juge du lieu où se situe l’immeuble à construire (article 44 Code de procédure civile). Le maître d’ouvrage devra impérativement être représenté par un avocat dans le cadre de son action (article 760 du Code de procédure civile). Devant la juridiction administrative, à l’inverse, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.

Il est nécessaire que le maître d’ouvrage assigne toutes les personnes concernées par ces travaux. L’opinion d’un architecte sur le champ du voisinage concerné est ainsi vivement conseillé pour assigner les bonnes parties et éviter qu’un nombre inconsidéré de tiers ne soit concerné. L’architecte pourra ainsi indiquer les immeubles les plus susceptibles d’être impactés par les travaux envisagés.

Il est également conseillé au maître d’ouvrage d’assigner les personnes chargées de l’exécution des travaux, leurs assureurs éventuellement, et les services de la commune concernée le cas échéant. De cette façon, l’expertise leur sera opposable.

Le juge des référés rend ensuite une ordonnance dans laquelle il désigne un expert attaché au tribunal. Ce dernier convoquera ensuite toutes les parties assignées à l’occasion d’une ou plusieurs réunions sur site destinées à l’établissement de son rapport. Concrètement, l’expert fera le tour du lieu sur lequel le chantier est prévu et des lieux voisins, à l’effet de dresser un rapport complet sur leur état au jour de l’expertise (et donc en principe avant le début des travaux).

La mission de l’expert est définie dans l’ordonnance rendue par le juge. Il a généralement pour mission de constater, de manière neutre et indépendante, les éventuels désordres existants, de décrire les lieux et de les photographier. Il peut également poser toutes les questions nécessaires aux parties afin de déterminer la source des éventuelles détériorations qu’il pourrait constater.

Il émet ensuite des notes aux parties auxquelles ces dernières peuvent répondre contradictoirement (dans ce que l’on appelle des « Dires »).

A noter que des personnes peuvent être mises en cause au fur et à mesure si l’expert l’estime nécessaire dans le cadre d’assignation aux fins d’ordonnance commune (visant à étendre la mission de l’expert initialement désigné).

Dès lors que les dires sont annexés, l’expert rend son rapport d’expertise définitif.

Quelle est la finalité de la procédure de référé préventif ?

Le rapport d’expertise rédigé par l’expert, qui est un tiers indépendant et neutre, permet de faciliter la détermination de l’origine des désordres éventuellement apparus par la suite, pendant le déroulement du chantier.

En outre, les parties, ayant connaissance des causes techniques des détériorations, seront sans doute plus susceptibles de trouver une solution amiable au litige.

Comment savoir si l’on doit saisir le juge administratif ou le juge judiciaire pour ce référé expertise ?

Afin de définir la compétence juridictionnelle, il est nécessaire de définir la teneur des travaux envisagés.

Seront ainsi considérés comme des travaux publics, et donc relevant de la compétence du juge administratif, les travaux immobiliers exécutés pour le compte d’une personne publique dans un but d’intérêt général (CE, 1921, Commune de Monségur).

Les personnes publiques peuvent être des collectivités locales telles que des communes ou des départements. La construction d’un immeuble d’habitation par un office public d’aménagement est une illustration de l’intérêt général, dès lors que l’ouvrage profite à une large frange de la population (TC, 2003, Mme Carras et Mme Pierboni c/ OPAC de l’Isère).

Autre exemple, la construction de routes nationales assurée par une société privée concessionnaire appartenant au domaine public national (TC, 1963, Société Entreprise Peyrot)

Dès lors que les travaux publics sont caractérisés, le juge administratif est compétent pour statuer sur la demande en référé. Le référé est inscrit à l’article R532-1 du Code de justice administrative.

Dans tous les autres cas, et notamment dans le cas de travaux réalisés par une entreprise privée sur un espace n’appartenant à aucune collectivité publique, c’est le Juge du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble qui sera en principe compétent.

Quel est le rôle de l’avocat dans le cadre d’un référé préventif ?

Le rôle d’un avocat en droit de la construction pour un référé préventif est essentiel pour représenter les intérêts de son client et assurer une présentation efficace de l’affaire devant le tribunal.

C’est notamment le cas en matière de :

Conseil juridique : Avant d’engager une procédure en référé préventif, l’avocat conseille son client sur la pertinence et les chances de succès de cette démarche, ainsi que sur les options disponibles pour protéger ses droits.

Analyse de la situation : L’avocat analyse les faits et les circonstances de l’affaire pour évaluer la nécessité et l’opportunité de recourir à un référé préventif. Il identifie les arguments juridiques et les éléments de preuve pertinents pour étayer la demande en référé, notamment au regard des documents contractuels (marché public par exemple

Préparation de la requête : L’avocat rédige la requête en référé, qui expose les motifs de la demande et les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées auprès du tribunal compétent.

Représentation devant le tribunal : L’avocat représente son client lors de l’audience devant le tribunal compétent pour statuer sur la demande en référé préventif. Il présente les arguments juridiques et les éléments de preuve de manière convaincante afin de soutenir la demande de son client.

Représentation au cours des opérations d’expertise : L’avocat participe aux opérations d’expertise pour s’assurer qu’elle est menée de manière impartiale et conforme aux missions confiées. Il peut intervenir pour résoudre les éventuels différends ou conflits qui pourraient survenir pendant l’expertise ou après celle-ci.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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