En matière de commande publique et de marché public, il est classiquement évoqué les risques administratifs relatifs à la passation et à l’exécution de ces contrats : manquement dans le cadre de l’exécution du contrat, dommage causé par le service, annulation du contrat pour faute…

Mais qu’en est-il des risques pénaux liés à la commande publique.

On peut mettre en avant cinq infractions pénales qui se rattachent à la commande publique et au droit des marchés publics :

  • Le délit de favoritisme,
  • La prise illégale d’intérêt,
  • La concussion,
  • La corruption,
  • Le trafic d’influence.

Le délit de favoritisme

Le délit de favoritisme est constitué lorsque les critères suivants sont réunis (article 432-14 du code pénal) :

  • Un critère organique : l’infraction doit être commise par un acheteur public (pouvoir adjudicateur, entité adjudicatrice), qui peut être un élu, un agent public ou encore un fonctionnaire.
  • Un critère intentionnel : L’acheteur doit procurer ou tenter de procurer, à autrui, un avantage injustifié.
  • Un critère matériel : L’avantage est procuré par un acte contraire aux dispositions relatives aux principes de la commande publique, qui ont pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et contrats de concession.

Le juge pénal considère que le délit peut être constitué même si aucun avantage n’a été obtenu, la simple tentative de procurer un avantage à autrui est donc suffisante.

Dans le cadre de la commande publique, pourront par exemple constituer des délits de favoritisme les pratiques suivantes :

  • Le saucissonnage, c’est-à-dire le fractionnement volontaire d’un marché pour éviter le seuil de procédure formalisée et le recours à la procédure de mise en concurrence (Cass. crim. 30 juin 1999, Bull. crim. n° 4460) ;
  • L’acceptation d’une offre non régularisable ;
  • Les irrégularités dans le cadre des échanges lors de la négociation (Cass. crim. 19 octobre 2005, pourvoi n° 00-87312) ;
  • La conclusion d’un avenant modifiant substantiellement le contrat initial.

Le délit de favoritisme est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 d’euros d’amende. Il se prescrit dans un délai de trois ans à compter du jour où les faits ont été commis.

Si l’infraction est occulte ou qu’elle est dissimulée, le délai de prescription pourra être reporté au jour où les faits ont pu être constatés.

La prise illégale d’intérêt

La prise illégale d’intérêt est constituée lorsque les critères suivants sont réunis (articles 432-12 et 432-13 du code pénal) :

  • Un critère organique : l’infraction doit être commise par une personne chargée d’une mission de service public.
  • Un critère matériel : La personne prend, reçoit ou conserve, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.

L’intérêt pris par la personne chargée d’une mission de service public peut être matériel, moral, direct ou indirect. Il ne nécessite donc pas d’élément intentionnel, le seul abus de la fonction même sans recherche d’un avantage ou gain personnel, suffira à caractériser l’infraction.

A titre d’illustration, pourra constituer une prise illégale d’intérêt le fait pour un maire de participer au processus de cession d’un terrain municipal en faveur d’une société dont le dirigeant est un de ses amis (Cass. Crim., 5 avril 2019, n°17-81912).

Le délit de favoritisme est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 d’euros d’amende. Il se prescrit dans un délai de six ans à compter du jour où les faits ont été commis.

La corruption

La corruption peut être active ou passive, selon que l’acte est à l’initiative de la personne qui corrompt ou de la personne corrompue.

La corruption est constituée lorsque les critères suivants sont réunis (article 432-11 du code pénal) :

  • Un critère organique : L’infraction doit être commise par une personne dépositaire de l’autorité publique, investie d’une mission de service public ou par un agent public.
  • Un critère matériel : La personne doit solliciter ou agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques.

La corruption implique donc un acte du corrompu, suivi d’une contrepartie, cette dernière pouvant être de nature diverse.

Pourra constituer un acte de corruption active le fait, pour un salarié d’une entreprise publique, de fournir des renseignements sur les marchés envisagés par son employeur, à un tiers intéressé (Cass. Crim., 26 janvier 2011, n°10-80155).

La corruption est passible d’une peine de dix ans d’emprisonnement et de 1.000.000 d’euros d’amende. Il se prescrit dans un délai de six ans à compter du jour où les faits ont été commis, la jurisprudence applique néanmoins une interprétation casuistique et peut donc interpréter différemment ce délai, selon le cas d’espèce.

Le trafic d’influence

Le trafic d’influence est constitué lorsque les critères suivants sont réunis (article 432-11 alinéa 2 du code pénal) :

  • Un critère organique : L’infraction doit être commise par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public.
  • Un critère matériel : La personne doit abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois ou des marchés ou toute autre décision favorable.

Bien que similaire au délit de corruption, le délit de trafic d’influence s’en distingue par le fait que la personne à l’initiative du trafic d’influence agit hors de ses fonctions et n’octroie pas elle-même l’avantage recherché.

Pourra constituer un trafic d’influence le fait, pour un gérant d’entreprise de travaux de voirie d’avoir fait participer, à un repas avec le sous-préfet, un autre entrepreneur, afin qu’il obtienne du préfet une influence dans l’obtention de décisions favorables du conseil du patrimoine naturel (Cass. Crim., 3 avril 2019, n°17-87209).

Le délit de trafic d’influence est passible d’une peine de dix ans d’emprisonnement et de 1.000.000 d’euros d’amende pouvant être portée à 2.000.000 d’euros ou le double du produit de l’infraction si la dépense ou la recette perçue grève le budget de l’Union européenne ou de ses institutions. Il se prescrit dans un délai de six ans à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée.

La concussion

La concussion est constituée lorsque les critères suivants sont réunis (article 432-10 du code pénal) :

  • Un critère organique : l’infraction doit être commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.
  • Un critère matériel : La personne doit alternativement,
    • Recevoir, exiger ou ordonner de percevoir sous forme de droits, contributions, impôts ou taxes publiques, une somme qui n’est pas due ou qui excède ce qui est dû.
    • Accorder, sous une forme quelconque, et pour quelques motifs, une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts, taxes publiques, en violation des textes légaux ou règlementaires.
  • Un critère intentionnel : la personne doit avoir conscience que la somme n’était pas due ou que l’exonération était injustifiée.

Pourra constituer une concussion le fait pour un président d’un conseil départemental de percevoir des indemnités de fonction excédant le montant décidé par l’assemblée délibérante (Cass. Crim., 16 novembre 2011, n°10-88838).

La concussion est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 500.000 d’euros d’amende ou du double des produits tirés de l’infraction. Elle se prescrit dans un délai de trois ans à compter du jour de la dernière perception indue.

Le risque pénal dans la commande publique

Le risque pénal dans la commande publique