Contestation de la validité d’un contrat administratif

Contestation de la validité d’un contrat administratif : bien diriger son recours

Passée est l’époque où la légalité d’un contrat administratif ne pouvait être contestée par un tiers qu’à l’occasion d’un recours contre l’acte portant approbation de ce contrat, acte dit « détachable ».

Existe désormais une voie contentieuse directe : le recours en contestation de validité, au champ d’application très large.

La Cour administrative d’appel de Marseille a été justement amenée à confirmer le caractère très large de ce champ d’application dans un arrêt du 3 mars 2025, au grand dam des requérants.

CAA Marseille, 3 mars 2025, n° 24MA01517

Le recours contre l’acte détachable : un contentieux en peau de chagrin

Historiquement, les tiers à un contrat administratif (marché public, concession) n’étaient recevables à contester la légalité de ce contrat que par le biais d’un recours contre l’acte portant approbation de contrat, acte qui lui était détachable (Conseil d’État, 4 août 1905, Martin).

Or, cette voie de recours apportait peu de succès contentieux à qui osait s’y aventurer.

Non seulement l’illégalité de l’acte détachable (par exemple une délibération du conseil municipal) ne rejaillissait pas nécessairement sur la légalité du contrat, mais surtout, le juge administratif n’avait pas le pouvoir d’annuler le contrat dans ce cadre.

Cela aboutissait à des situations guère satisfaisantes où, malgré le constat de l’illégalité du contrat, ce dernier continuait à être exécuté si le requérant ne saisissait pas ensuite le juge du contrat.

Par deux décisions majeures (CE, 16 juillet 2007, n° 291545, Société Tropic Travaux Signalisation et CE, 4 avril 2014, n° 358994, département de Tarn-et-Garonne), le Conseil d’État a ouvert aux tiers la possibilité de demander directement au juge l’annulation d’un contrat administratif, par la voie d’un recours en contestation de validité (recours « Tarn-et-Garonne »).

La voie de recours contre l’acte détachable du contrat a, ce faisant, quasiment disparu du contentieux.

Cette voie de recours perdure notamment en ce qui concerne les actes détachables des contrats de droit privé conclus par l’administration (CE, 5 décembre 2005, n° 270948).

Et elle a été confinée à un état résiduel s’agissant des actes détachables d’approbation d’un contrat administratif, qui ne peuvent être contestés que s’ils émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, portent sur un contrat déjà et sont nécessaires à son entrée en vigueur (CE, 2 décembre 2022, n° 454318).

En définitive, qui entend obtenir l’annulation d’un contrat administratif doit exercer un recours en contestation de validité de ce contrat.

C’est du champ d’application très large de cette voie de recours dont il a été question dans l’affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Marseille.

La conclusion illégale d’un contrat en quasi-régie : vice propre au contrat

Dans cette affaire, plusieurs requérants avaient saisi le Tribunal administratif de Toulon d’un recours contre la délibération du conseil municipal de la commune de Bandol portant notamment adoption d’une convention de quasi-régie relative à la concession du service public de l’exploitation et de l’entretien du port de plaisance communal.

Autrement dit, ils contestaient l’acte détachable à la convention ainsi approuvée.

Selon eux, le choix de conclure le contrat en quasi-régie était illégal et constituait un vice propre à l’acte détachable et non au contrat.

Plus précisément, les statuts de la société d’économie mixte locale (SEML) attributaire du contrat étaient incompatibles avec la notion de quasi-régie.

Rappelons sur ce point que la qualification de quasi-régie (in house) permet de déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence en vue de l’attribution d’un contrat de la commande publique.

Répond à la notion de quasi-régie l’entité qui cumule les trois critères suivants (article L. 2511-1 du code de la commande publique) :

  • Le pouvoir adjudicateur exerce sur elle un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
  • Au moins 80 % de son activité est réalisée pour le compte du pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou d’autres personnes morales que ce pouvoir adjudicateur contrôle ;
  • Elle ne comporte aucune participation directe en capitaux privés hormis celles sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi et qui ne permettent pas d’exercer d’influence décisive sur la personne morale contrôlée.

En l’occurrence, les requérants critiquaient les statuts de la SEML qui laissaient apparaître qu’elle comportait des participations en capitaux privés autres que les seuls requis par la loi, ce qui ne lui permettait pas de prétendre à la qualification de quasi-régie.

Or, après avoir rappelé les modalités d’exercice du recours en contestation de validité, la Cour administrative d’appel de Marseille a précisé que : « La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ».

Confirmant l’analyse du Tribunal administratif de Toulon, elle a ensuite considéré que : « La circonstance, à la supposer établie, que, compte tenu de ses statuts et de ses actionnariats, la société H ne pouvait se voir attribuer le contrat de quasi-régie, a trait non pas à la légalité du recours à la quasi-régie, mais à la régularité du choix du cocontractant. Ce moyen est donc inopérant à l’encontre de la délibération retenant le principe du recours la quasi-régie. ».

En d’autres termes, le choix d’attribuer le contrat en quasi-régie relève de la régularité du choix du cocontractant, vice propre au contrat.

Conclusion

Par conséquent, un tel vice ne peut pas être invoqué à l’occasion du recours contre l’acte détachable portant approbation de ce contrat et retenant notamment le principe du recours à la quasi-régie.

La Cour marseillaise écarte donc l’argumentaire sans même se prononcer sur son bien-fondé.

Passé vraisemblablement de façon illégale, ce contrat se trouve donc (temporairement) sauvé parce que les requérants ont mal dirigé leur recours.

Un rappel important du constat souvent amer qu’un recours mal dirigé ne résiste jamais face au juge, malgré toute la pertinence des arguments qui peuvent être exposés.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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