La décision du Conseil d’État « Tropic Travaux Signalisation » a donné la possibilité pour le concurrent évincé de former un recours en contestation de la validité d’un contrat administratif (CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n°291545).

La décision dite « Tarn-et-Garonne » a confirmé cette faculté offerte au tiers à un contrat administratif, d’en contester la validité (CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n°358994).

Dans ce cadre, out tiers à un contrat administratif qui s’estime susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du contrat ou ses clauses, peut former devant le juge administratif, un recours contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

Recours en contestation de la validité du contrat

Recours en contestation de la validité du contrat

Qui peut saisir le juge administratif pour contester la validité du contrat ?

Le recours « Tarn-et-Garonne » est ouvert à tout tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon directe et certaine par la passation du contrat ou de ses clauses (CE 2 juin 2016, Ministre des affaires sociales et de la santé, n°s 395033, 396645). Cette condition, qui ne soulève aucune difficulté s’agissant des candidats évincés, restreint en revanche considérablement l’intérêt à agir des autres tiers (CE, 11 avril 2012 Société Gouelle, n°355446).

On distingue traditionnellement des tiers « privilégiés » d’un côté et des tiers non privilégiés de l’autre.

Parmi les tiers non privilégiés se trouvent notamment :

  • les candidats évincés, qualité reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable ;
  • le contribuable local, dont le juge administratif a précisé qu’il lui revenait d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité (CE 27 mars 2020, Métropole du Grand Nancy, n°426291).

Sont en revanche des tiers privilégiés les préfets et les membres élus des organes délibérants des collectivités territoriales. Ils bénéficient d’une présomption irréfragable concernant leur intérêt à agir.

Dans quel délai faut-il faire un recours en contestation de la validité du contrat ?

Un recours en contestation de la validité d’un contrat doit être exercé dans un délai de 2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées.

S’agissant des marchés passés selon une procédure formalisée, la publication d’un avis d’attribution au JOUE, suffit pour déclencher ce délai. Cet avis doit alors indiquer les modalités de la consultation du contrat, dans la rubrique « autres informations » de l’avis.

S’agissant des marchés passés selon une procédure adaptée, il revient à l’acheteur d’adapter sa publicité à l’objet et au montant du contrat.

Un recours gracieux formé dans le délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées a pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux (CE 20 décembre 2019, n°419993).
Ce dernier recommence à courir à compter du rejet implicite né du silence gardé par l’autorité compétente, bien que l’intervention dans ce délai d’une décision expresse de rejet fasse courir un nouveau délai de recours (article R. 421-2 du Code de justice administrative).

Quels arguments invoquer dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat ?

Tous les moyens susceptibles de remettre en cause la validité du contrat ne peuvent pas être invoqués devant le juge.

Les tiers privilégiés peuvent invoquer tout moyen à l’appui d’un recours de plein contentieux contre un contrat.

En revanche, les tiers non privilégiés ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office (CE 5 février 2016, Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, n°383149).

Ainsi, le candidat évincé de la conclusion d’un contrat de la commande publique ne peut désormais utilement invoquer que les seuls manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ou les vices d’ordre public.

Quels sont les pouvoirs du juge dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat ?

Dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat, le juge peut :

  • décider de la poursuite de l’exécution du contrat ;
  • inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe ;
  • en cas d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, prononcer, le cas échéant avec un effet différé, et après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ;
  • si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit relever d’office, prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, l’annulation totale ou partielle.

Saisi de conclusions en ce sens, le juge peut également condamner les parties à verser une indemnité à l’auteur du recours en réparation des droits lésés.

A cet égard, le requérant peut :

  • soit présenter des conclusions indemnitaires devant le juge du contrat, « à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fins de résiliation ou d’annulation du contrat » ;
  • soit engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé. La recevabilité de telles conclusions indemnitaires n’est pas soumise au délai de deux mois applicable au recours. Elle est toutefois soumise, sauf en matière de travaux publics, à l’intervention d’une décision administrative préalable de nature à lier le contentieux, le cas échéant en cours d’instance (CE avis 11 mai 2011, Société Rébillon Schmit Prévot, n°347002). Ces conclusions doivent également être motivées et chiffrées, à peine d’irrecevabilité.

Peut-on demander la suspension de l’exécution du contrat ?

Le Conseil d’État a posé le principe selon lequel un recours en contestation de la validité d’un contrat peut être accompagné d’une demande de référé-suspension (CE 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux signalisation, n°291545).

Le référé-suspension d’un contrat administratif est soumis à trois conditions de recevabilité :

  1. Le contrat ne doit pas avoir été entièrement exécuté ;
  2. Il doit exister un doute sérieux sur la légalité du contrat ;
  3. La suspension doit être justifiée par l’urgence.

Cette urgence peut notamment être constituée :

  • en cas d’atteinte grave et immédiate à la situation financière du requérant concerné, dès lors qu’il a eu une chance réelle d’obtenir le contrat ;
  • si le contrat est signé en méconnaissance de l’ordonnance du juge du référé précontractuel différant la signature ;
  • lorsque le contrat comporte des clauses illégales portant atteinte aux droits des administrés ou des tiers.

Pour apprécier si la condition d’urgence est remplie, le juge des référés peut prendre en compte tous les éléments dont se prévalent les requérants, de nature à caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate à leurs prérogatives ou aux conditions d’exercice de leur mandat, aux intérêts de la collectivité ou du groupement de collectivités publiques dont ils sont les élus ou, le cas échéant, à tout autre intérêt public.

Le Conseil d’État s’est récemment prononcé s’agissant de cette possibilité, dans une décision du 15 février 2021, Commune de Toulon (Voir notre commentaire).

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en innovation publique (achat innovant, R&D).

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