Le bail à construction est un outil adapté pour la valorisation des domaines publics et privés des personnes publiques.

Ces dernières doivent néanmoins demeurer attentives quant au risque de requalification d’un bail à construction en marché public ou en concession doit être pris en compte par le bailleur public.

Le bail à construction est le contrat par lequel le bailleur va confier, sur un terrain lui appartenant, au preneur l’édification de constructions et la conservation en bon état d’entretien de celles-ci pendant toute la durée du bail.

Pour l’essentiel, dans le cadre d’un tel montage contractuel, le terrain d’assiette de l’opération est loué par le bailleur au preneur en contrepartie d’un loyer.

Le bail est conclu pour une durée relativement longue, entre 18 et 99 ans.

Le preneur a l’obligation de construire et de conserver les constructions édifiées en bon état.

Le preneur dispose également d’un droit réel immobilier pendant toute la durée du bail.

Concrètement, dans le cadre d’un bail à construction, la personne publique conserve la propriété du terrain tout en permettant au preneur d’en disposer en contrepartie du versement d’un loyer afin d’y réaliser une opération de construction et ensuite d’entretenir celle-ci pendant toute la durée du bail.

La requalification du bail à construction

La conclusion d’un bail à construction n’est pas soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables, comme le sont les contrats de la commande publique.

Il reste que le risque de requalification d’un bail à construction en marché public ou en contrat de concession doit être pris en compte par le bailleur public.

Bail à construction et marché public

Il convient de préciser que si l’exercice de la maîtrise d’ouvrage par la personne publique ne constitue plus un critère de qualification d’un contrat en marché public, il n’en demeure pas moins que le recours à un montage de type bail à construction ne doit pas être motivé par la possibilité d’échapper aux règles applicables à la maîtrise d’ouvrage publique.

L’article L. 1111-1 du Code de la commande publique prévoit qu’un marché public est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis audit code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent.

L’article L. 1111-2 du Code de la commande publique ajoute qu’un marché public de travaux a pour objet :

  • soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste est annexée au Code de la commande publique ;
  • soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception.

Dans l’hypothèse où la personne publique exerce une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage à construire dans le cadre du bail à construction (l’ouvrage serait alors conçu et réalisé pour répondre au besoin de la personne publique), et que la rémunération du preneur est constituée d’un prix (ou de tout équivalent) payé par la personne publique, le bail à construction pourrait être regardé comme un marché public de travaux.

Dès lors, sa conclusion aurait, en principe, dû être soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables qui sont prévues par le Code de la commande publique.

L’exemple du litige portant sur la construction de la Tour Triangle à Paris illustre cette question de la requalification d’un bail à construction en marché public de travaux (TA Paris 6 mai 2019, n°1801863/4-2.).

Dans le cadre de ce litige, le tribunal administratif de Paris, se prononçant sur la qualification de la promesse de bail à construction envisagé au regard des dispositions alors en vigueur du code des marchés publics et de la directive « marché » 2004/18/CE du 31 mars 2004, a écarté la qualification de marché public de travaux.

Pour cela, le tribunal administratif a notamment jugé que « la seule intention de la ville de Paris de favoriser le développement du tourisme d’affaires » de la zone d’implantation du projet ou le fait que la ville de Paris ait proposé l’intégration au projet d’un équipement hôtelier n’était pas des éléments  de nature à établir que la ville de Paris avait exercé une influence déterminante sur la nature et la conception du projet ou encore que le projet entrepris ne résultait pas d’une initiative privée (sur ce point, le tribunal a relevé que le projet avait été conçu par un opérateur privé).

Le Tribunal de Paris a également relevé que la modification du plan local d’urbanisme par la ville de Paris afin de permettre l’édification d’immeuble de grande hauteur, objet du projet, n’excédait pas le strict exercice par la ville de ses compétences d’urbanisme.

Enfin, la circonstance que la personne publique puisse devenir propriétaire de l’ouvrage à la fin d’un bail à construction n’emporte pas non plus qualification du bail à construction en marché public, dans la mesure où l’objet du bail n’est pas l’acquisition de l’ouvrage et que l’acquisition de l’ouvrage n’intervient qu’au terme du bail (quand elle est prévue).

[1] Le juge relevant d’ailleurs dans cette affaire que les dispositions du droit de l’Union européenne, relatives au marché public de travaux, sont désormais codifié à l’article L. 1111-2 du CCP.

Bail à construction et contrat de concession

Bail à construction et contrat de concession

Sans entrer dans les détails, aux termes des dispositions des articles L. 1121-1 et L. 1121-2 du CCP, le contrat de concession est le contrat par lequel l’autorité concédante confie l’exécution de travaux ou la gestion d’un service (voire d’un service public) à un opérateur économique, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix.

La concession de travaux recoupe le même objet que le marché public de travaux.

Un bail à construction est susceptible d’être qualifié en contrat de concession, dans l’hypothèse où il serait confié au preneur la réalisation d’un ouvrage qui répond aux exigences fixées par la personne publique, laquelle ne doit donc pas exercer une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage à réaliser ; et que le preneur est rémunéré en contrepartie de l’exploitation de l’ouvrage (notamment).

Toujours dans l’affaire de la Tour Triangle à Paris, le tribunal administratif a écarté la requalification de la promesse de bail à construction en concession de travaux, en rejetant l’argument selon lequel ledit bail formait un ensemble contractuel indivisible avec la concession de travaux et le bail emphytéotique administratif par ailleurs conclut pour la modernisation du parc des expositions, situé à proximité du terrain d’assiette du projet.

Si le bail à construction s’avère un outil efficace et adapté pour une personne publique afin de valoriser son patrimoine, elle doit veiller à ne pas exercer une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage à réaliser, sauf à ce qu’il puisse être considéré que celui-ci répond à son besoin propre.

Requalification du bail à construction

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

Cet article vous a plu ?