résiliation marché titulaire

Résiliation d’un marché public par le titulaire

Seule la personne publique peut en principe résilier un marché public. Mais cette possibilité est aussi ouverte au titulaire mais est très encadrée, comme en témoigne encore l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille du 30 janvier 2023 (CAA Marseille, 30 janvier 2023, n°21MA01807).

Le pouvoir unilatéral de résiliation d’un marché public par l’acheteur public

Par principe, seule la personne publique peut résilier de son propre chef un contrat administratif à l’instar d’un marché public.

Une telle possibilité est prévue à l’article L.2195-2 du Code de la commande publique, lequel dispose que « Lorsque le marché est un contrat administratif, l’acheteur peut le résilier :
1° En cas de faute d’une gravité suffisante du cocontractant ;
2° Pour un motif d’intérêt général, conformément aux dispositions du 5° de l’article L.6 »

De telles prérogatives sont reconnues à l’acheteur public dans l’objectif de garantir l’adaptation et la continuité du service public.

En effet, concéder à l’acheteur public un pouvoir de résiliation unilatérale des marchés publics qu’il conclut lui permet de pouvoir prendre toutes les mesures que nécessiterait l’intérêt général.

La progressive reconnaissance d’un pouvoir de résiliation à l’initiative du titulaire d’un marché public

À l’inverse, et jusqu’à récemment, le titulaire d’un marché public, ne disposait pas de la possibilité de résilier, à son initiative, un marché public, et ce même en cas de manquement de l’acheteur public à ses obligations contractuelles.

Toutefois et progressivement, la jurisprudence a octroyé – mais de façon très encadrée – la possibilité au titulaire d’un marché public de résilier ce dernier.

Cette opportunité résulte d’une décision du Conseil d’État, Société Grenke location, en vertu de laquelle le juge administratif a considéré que :

« Considérant que le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat ; qu’il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles ; que, cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public ; que lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat ; qu’un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ; qu’il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat » (CE, 8 octobre 2014, n°370644, Société Grenke location).

 Il s’ensuit qu’il est possible pour les parties à un marché public, qui n’a pas pour objet l’exécution même d’un service public, de prévoir dans ce dernier une clause permettant au titulaire du marché public de le résilier en cas de défaillance de la personne publique dans ses obligations contractuelles (CE, 19 juillet 2016, N°399178).

Une telle possibilité est toutefois limitée puisque le titulaire du marché public doit nécessairement permettre à l’acheteur public de s’opposer à la résiliation pour motif d’intérêt général.

À ce titre, il est toujours permis à l’acheteur public d’invoquer un motif d’intérêt général pour justifier de la nécessité de poursuivre l’exécution du marché public en cause.

Dans une telle hypothèse, le titulaire du marché public n’a alors d’autre choix que de poursuivre son exécution, sous peine de voir prononcer la résiliation dudit marché public à ses torts exclusifs.

Le strict encadrement du pouvoir de résiliation du titulaire du marché public

Plus récemment, le juge administratif a précisé encore les modalités de résiliation d’un marché public à l’initiative du titulaire ses contours (CAA Marseille, 30 janvier 2023, n°21MA01807).

Ainsi, à l’occasion de sa décision en date du 30 janvier 2023 la Cour administrative d’appel de Marseille est venue considérer que la résiliation d’un marché public à l’initiative de son titulaire devait être considérée comme illégale dès lors que les clauses prévoyant cette possibilité n’étaient suivies d’aucune clause permettant au préalable à la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles en invoquant un motif d’intérêt général :

« Toutefois, ainsi que la Cour en a informé les parties, les contrats n’ont assorti ces stipulations permettant la résiliation unilatérale du marché par son titulaire d’aucune clause soumettant l’intervention d’une telle décision à l’obligation de mettre à même la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général. Dès lors, l’article 11 de ces contrats méconnaît les règles rappelées au point précédent. Ces stipulations ont donc un contenu illicite. Elles doivent dès lors être écartées. »

Ainsi, il ressort de cette décision que la simple présence d’une clause de résiliation au bénéfice du titulaire du marché public au sein de ce dernier est en elle-même insuffisante.

Le juge administratif considère que la clause de résiliation à l’initiative du titulaire du marché public, adoptée et invoquée en méconnaissance du pouvoir d’opposition de l’acheteur public a un contenu illicite et doit être écartée.

Dès lors, la clause de résiliation au bénéfice du titulaire du marché public, pour être légale, doit nécessairement être assortie d’une seconde clause conditionnant la résiliation du marché public à la possibilité offerte à la personne publique de s’opposer à la rupture du marché public en invoquant un motif d’intérêt général.

En définitive, le pouvoir de résiliation du titulaire du marché public est conditionné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir d’une part être prévu par une clause au contrat et d’autre part permettre à l’acheteur public de s’opposer à une telle décision.

Il peut être utile alors de se faire assister d’un avocat en marché public pour analyser les clauses du contrat en matière de résiliation.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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