Commentaire actualité bail commercial, par Me Robelin

Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-15.001

En cas de soumission volontaire des parties au statut des baux commerciaux, la condition tenant à l’immatriculation du preneur pour bénéficier de ce statut n’est pas exigée, et ce même si le preneur est commerçant.

En l’espèce, par acte du 9 mai 2008, un couple de bailleurs a donné à bail, pour une durée de neuf ans, une villa pour y exercer une activité d’exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de ces locaux pour des périodes de temps déterminées, à la nuit, à la semaine ou au mois, avec la mise à disposition de différents services ou prestations para-hôtelières à sa clientèle.

Selon l’article 2 « Qualification du bail » de ce contrat, les parties affirment leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu’il résulte des articles L. 145-1 du Code de commerce et des textes subséquents.

En outre, l’article 3 « Durée du bail » énonce que la partie qui voudra mettre fin au bail devra donner congé à l’autre par acte extrajudiciaire au moins six mois avant l’échéance du bail. Par deux avenants des 10 mai 2010 et 12 décembre 2012, les parties ont convenu des périodes de jouissance reconnues aux bailleurs afin de pouvoir séjourner dans les lieux à certaines périodes de l’année pour un temps limité. Puis, par acte d’huissier du 3 novembre 2016, les bailleurs ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour le 27 mai 2017. Elle a indiqué qu’elle prétendait à une indemnité d’éviction. En retour, les bailleurs ont indiqué n’être tenus à aucune indemnité d’éviction, faute d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l’exploitation de la villa louée.

Puis, par acte d’huissier du 1er août 2017, les bailleurs ont assigné à jour fixe la société locataire devant le tribunal de grande instance sur le fondement des articles L. 145-14 et suivants du Code de commerce, aux fins de valider le congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction et prononcer l’expulsion de la locataire. Le congé a été validé par jugement du 28 mars 2018.

La locataire a interjeté appel. Par un arrêt du 7 février 2019, la Cour d’appel de Pau a considéré qu’à défaut d’immatriculation de l’établissement secondaire de la société locataire qui constitue un fonds de commerce permanent de tourisme hôtelier comportant plusieurs villas à louer, comme établissement distinct au RCS avant la date du congé, la société locataire ne pouvait demander le paiement d’une indemnité d’éviction.

Celle-ci forme un pourvoi considérant que la cour d’appel avait dénaturé le contrat du 9 mai 2008 selon lequel les parties déclaraient leur intention expresse de soumettre cette convention au statut des baux commerciaux des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce et ce, même si toutes les conditions d’application de ce statut n’étaient pas remplies ou ne l’étaient qu’en partie, de sorte qu’il y aurait éventuellement extension conventionnelle du champ d’application de ce statut.

La  Cour de cassation censure les juges du fond au visa  de «  l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis » considérant qu’ils ont violé ce principe en dénaturant la convention claire et précise selon laquelle les parties déclaraient soumettre celle-ci au statut des baux commerciaux et ce, même si toutes les conditions d’application de ce statut n’étaient pas remplies ou ne l’étaient que pour partie, en sorte qu’il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d’application de ce statut.

Ainsi, par application du statut des baux commerciaux, l’absence d’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés le prive du renouvellement du bail. Toutefois, cette condition légale peut être conventionnellement neutralisée dès lors que les parties ont choisi, de façon claire et non équivoque, de soumettre le contrat au statut des baux commerciaux dans l’hypothèse où tout ou partie des conditions légales requises ne seraient pas remplies.

Commentaire actualité bail commercial, par Me Robelin

CA Aix-en-Provence, 4 juin 2020, n° 18/17586

Dans l’hypothèse où le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel d’un bail dérogatoire, un nouveau bail s’opère dont l’effet est régi par le statut des baux commerciaux.

Toutefois, ce nouveau bail n’ayant pas de support écrit, il ne dispose pas d’une clause prévoyant la résiliation de plein droit du bail. Le bailleur sera donc débouté de sa demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail.

Commentaire actualité bail commercial, par Me Robelin

CA Paris, ord., pôle 1, ch. 5, 18 juin 2020, n° 19/18197

La seule perspective de devoir vendre un immeuble de rapport et de ne pouvoir le racheter en ne peuvent constituer les conséquences manifestement excessives exigées par l’article 524 du Code de procédure civile pour la suspension de l’exécution provisoire ordonnée.

Pour rappel, l’article 524 du Code de procédure civile prévoit que :

« Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

Les conséquences manifestement excessives justifiant l’arrêt de l’exécution provisoire, dont il est question dans l’article sus-évoqué, s’apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire. Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

En l’espèce, un bailleur avait été condamné, avec exécution provisoire, au paiement d’une indemnité d’éviction de plus de 300.000 euros et n’avait pu faire valoir son droit de repentir en raison de la réinstallation du preneur évincé. Le bailleur cherchait ainsi à échapper à l’exécution provisoire. Le premier président constate qu’il est propriétaire d’un immeuble de rapport, objet du bail litigieux, et estime que la seule perspective de devoir vendre cet immeuble de rapport et de ne pouvoir le racheter en cas d’infirmation de la décision ne peuvent constituer les conséquences manifestement excessives exigées par l’article 524 du Code de procédure civile pour la suspension de l’exécution provisoire ordonnée.

Commentaire actualité bail commercial, par Me Robelin

CA Grenoble, ch. com., 4 juin 2020, n° 17/00380

Le bailleur doit faire respecter son engagement de non-concurrence par ses autres locataires. Le preneur qui bénéficie d’une clause de non-concurrence selon son bail commercial est en droit d’exiger de son bailleur qu’il fasse respecter cette clause par ses autres locataires, même si ceux-ci ne sont pas partie au contrat incluant cette stipulation.

Le tribunal a relevé à bon escient que le preneur bénéficiant d’une clause de non-concurrence selon son bail commercial est en droit d’exiger de son bailleur qu’il fasse respecter cette clause par ses autres locataires, même si ceux-ci ne sont pas partie au contrat incluant cette stipulation.

Ledit tribunal a ainsi condamné la commune en sa qualité de bailleur, à faire respecter, dans le délai de trois mois à compter de la signification de son jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, la clause de non-concurrence insérée dans le bail.

Il résulte cependant de l’évolution du litige que l’intimée ne justifie plus d’une qualité à solliciter l’application actuelle de la clause de non-concurrence puisqu’elle a cédé son bail, lors de la cession de son fonds de commerce, en janvier 2018. Le jugement sera infirmé de ce chef.