Retrouvez le commentaire de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation le 24 octobre 2019, par Baptiste Robelin, avocat expert en bail commercial.

Pour la Cour de cassation, l’article L.145-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi Macron du 6 août 2016, donne au locataire la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale au moins 6 mois à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaires.

Dans son arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de cassation donne des précisions sur les modalités de délivrance du congé.

En l’espèce, une société locataire principale d’un local à usage commercial a sous-loué une partie de ses locaux à une autre société le 1er septembre 2010. Le 18 février 2016, la société sous-locataire a donné congé à la société principale par lettre recommandée pour l’échéance triennale du 1er septembre 2016.

Dans son arrêt du 6 septembre 2018, la Cour d’appel de Caen a annulé le congé donné par la société sous-locataire, aux motifs que  le congé visant à mettre fin au bail commercial doit obligatoirement être délivré par acte extrajudiciaire comme le prévoit l’article L.145 – 9 du Code de commerce dans sa version applicable au 16 février 2016.

Face à cette décision, la société sous-locataire se pourvoit en cassation en reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la validité de son congé délivré le 18 février 2016 par lettre recommandée avec avis de réception. Elle estime que seules les dispositions de l’article L.145 – 4 du code de commerce sont applicables au congé délivré par le locataire avant une échéance triennale, et que dans sa rédaction en vigueur à la date de son congé, le texte précité lui donnait la possibilité de donner congé par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire.

Par son arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel aux motifs que : « l’article L.145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire ».

  • À retenir : Le preneur a la possibilité de donner congé par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandé avec accusé de réception.

Le congé est un acte unilatéral par lequel l’une des parties à un bail commercial manifeste sa volonté de mettre fin au bail. Les modalités de délivrance du congé ont connu de nombreuses modifications législatives durant ces dernières années.

En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel, tous les congés relatifs au bail commercial y compris le congé pour une échéance triennale devaient être donnés par acte extrajudiciaire. Avec l’article L.145-9 du code de commerce, La Pinel, dans le but de simplifier les démarches des entreprises, a modifié cette disposition afin de permettre aux parties de choisir entre la lettre recommandée et l’acte extrajudiciaire pour la délivrance de leur congé.

Suite aux critiques de la doctrine qui estimait que les actes extrajudiciaires garantissent une plus grande sécurité juridique que la lettre recommandée, la Loi Macron du 6 août 2015 est venu effacer à nouveau la possibilité de donner un congé commercial par lettre recommandée avec avis de réception. En effet, elle modifie l’article L.145 – 9 du code de commerce en rendant obligatoire l’acte extra-judiciaire judiciaire pour la délivrance de congé, et modifie également l’article L.145 – 4 du code de commerce en supprimant le renvoie à l’acte extra-judiciaire pour créer une disposition nouvelle. Désormais l’article L.145 – 4 du code de commerce prévoit que : « le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire ».

Dès lors, il est clair que désormais, le bailleur ne pourra donner congé que par acte extrajudiciaire. En revanche, la forme du congé donné par le preneur est plus confuse dans la mesure où les articles L.145 – 4 et L.145 – 9 du code de commerce semblent en totale contradiction.

Toutefois, si nous partons du principe que « les lois spéciales dérogent aux lois générales », il apparaît clairement que pour le locataire, l’application de l’article L.145-4 prime sur celle de l’article L.145-9 du code de commerce. En effet, dans le cas présent, la loi générale est l’article L.145-9 du Code de commerce, car il impose l’acte extrajudiciaire au bailleur et au locataire. Cependant, l’article L145-4 en plus de l’acte extrajudiciaire vient donner la possibilité au preneur de donner congé par lettre recommandée. Dès lors, son application prime sur celle de l’article L145-9 car elle accorde une obligation supplémentaire au locataire. Dans cette logique, c’est à juste titre que la Cour de cassation a retenu l’article L.145-4 du Code de commerce pour valider le congé envoyé par le locataire par lettre recommandée.

En conclusion, nous devons retenir que pour la délivrance d’un congé à la fin d’une période triennale, le bailleur et le locataire ne sont pas soumis aux mêmes dispositions législatives. En vertu de l’article L.145-9 du Code de commerce, tous les deux ont l’obligation de donner congé par acte extrajudiciaire. En revanche, le preneur bénéficie également de la souplesse de l’article L.145-4 du Code de commerce qui lui donne également la possibilité de donner congé à son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception.

Bail commercial : modalités de délivrance du congé

Bail commercial : modalités de délivrance du congé