La répartition des travaux entre le bailleur et le locataire dans un bail commercial en cas de dégradation du local :

La question est la suivante : dans l’hypothèse d’une dégradation d’un local commercial loué, à quelle partie incomberaient les travaux de réparations de ce dernier ? Le bailleur, ou le locataire ?

Toutes les réparations sont-elles à la charge du locataire dans un bail commercial ?

Avant le 5 novembre 2014, il était possible d’inclure une clause dérogatoire au droit commun mettant à la charge du preneur les grosses réparations, les réparations dites locatives étant déjà à la charge du locataire. Toutefois, ces clauses se devaient d’être expresses et suffisamment précises, indiquant la responsabilité du preneur s’agissant des grosses réparations.

Depuis le 5 novembre 2014, date de publication au Journal officiel du décret d’application de la loi Pinel relative au bail commercial, celle-ci modifie les dispositions règlementaires au Code de commerce relatives aux charges locatives, impôts, taxes, redevances et travaux, aux modalités de congé et à la date d’exigibilité du loyer révisé. Cette même loi limite les charges pouvant être imputées au preneur, dont les grosses réparations sont énumérées exhaustivement par l’article 606 du Code civil (Civ. 3e, 27 nov. 2002, no 01-12.816).

Ce texte dispose que les grosses réparations sont notamment les suivantes :

  • Celles des gros murs et des voûtes ;
  • Celles concernant le rétablissement des poutres et des couvertures entières ;
  • Celles des digues et des murs de soutènement.

Les grosses réparations sont donc à la charge du bailleur pour tous les baux commerciaux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

La question de l’entretien du local commercial

La charge de l’entretien des lieux loués repose à la fois sur le bailleur et le locataire. En effet, le bailleur est obligé, d’une part, d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée (C. civ., art.  1719), d’autre part, de faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les réparations locatives (C. civ., art.  1720).

De son côté, le locataire prendrait à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations, ainsi que l’ensemble des réparations locatives, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure (C. civ., art.  1754 L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 7, d). Par conséquent, il revient au preneur de prouver que les désordres constatés sont dus à la vétusté (Cass. 3e civ., 28 févr. 1990, n° 88-14.334).

Le décret n° 87-712 du 26 août 1987 définit les réparations locatives comme les « travaux d’entretien courant et de menues réparations, y compris les remplacements d’éléments assimilables auxdites réparations consécutifs à l’usage normal des locaux et équipements à usage privatif ».

En cas de litige, le juge peut retenir le caractère de grosses réparations pour d’autres travaux. Pour cela, il tient compte de l’importance de la réparation et de son coût. Cela permet de distinguer les travaux qui relèvent de l’entretien et les grosses réparations.

Par ailleurs, il ressort de l’étude de la jurisprudence que le bailleur doit assumer la charge des travaux de mise en conformité avec la règlementation administrative en vertu de son obligation de délivrance stipulée à l’article 1719 du Code civil, sauf clause contraire expresse du bail.

Par conséquent, le preneur se doit d’être vigilant sur les stipulations du bail relatives aux travaux de conformité rendues notamment nécessaires par la règlementation issue du Règlement sanitaire départemental (RSD), les normes de sécurités ou d’accessibilité des personnes à mobilité réduite. (Cass. civ. 3e, 11 octobre 2018, pourvoi n°17-18.553)

La faute du preneur dispense-t-elle le bailleur de la prise en charge des réparations ?

Le preneur, par l’acceptation du bail commercial, est soumis à certaines obligations. Il a notamment l’obligation d’user paisiblement de la chose louée. L’usage paisible remplace, sans en modifier la substance, l’usage en bon père de famille : il comporte pour le preneur, d’une part, l’interdiction de certains actes qui pourraient déprécier ou détruire la chose, d’autre part, la nécessité de réparer les dégradations ou pertes qui surviennent pendant la durée du bail. En effet, l’entretien courant et les réparations locatives sont à la charge du preneur pendant toute la durée de la location.

La faute du preneur exonère le bailleur de sa responsabilité. Selon la gravité de la faute, le bailleur peut être partiellement ou totalement exonéré (Cass. 3e civ., 4 juill. 1978 : Bull. civ. III, n° 274).

Par exemple, constitue une faute du preneur, le fait d’attendre une durée largement supérieure au délai raisonnable pour prévenir le bailleur des dégâts dans le local. Le preneur ayant contribué à la réalisation des dommages pourrait être condamné à supporter une partie du coût de leur réparation (Civ. 3e, 9 févr. 2005, no 03-19.609).

De même, si la vétusté résulte d’un défaut d’entretien du preneur, c’est à ce dernier qu’il appartiendra d’effectuer les réparations. La faute du preneur pourra être constatée par la comparaison des états des lieux d’entrée et ceux réalisés au cours du bail (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n° 93-10.358, n° 851 P).

Pour apprécier la vétusté, les juges prennent en compte l’état des locaux lors de l’entrée dans les lieux, ainsi que la durée de la location.

La vétusté est définie comme l’état d’usure ou de détérioration résultant du temps ou de l’usage normal des matériaux et éléments d’équipement dont est constitué le logement (D. n° 2016-382, 30 mars 2016, art. 4, al. 1).

En conclusion, si le bailleur est tenu d’effectuer les grosses réparations prévues par l’article 606 du Code civil, il pourra s’exonérer de son obligation si les désordres en question sont liés à une faute du locataire (comme un défaut d’entretien). En ce cas, ce serait au preneur de réaliser les travaux de réparation, et ce, même s’il s’agit de grosses réparations (par exemple portant sur les toitures, ou murs de soutènement, etc.).

Pour statuer sur la responsabilité des réparations entre bailleur et preneur, il convient donc de porter une attention particulière sur les faits de l’espèce. Il sera notamment nécessaire de connaître la date de signature du bail, le contenu du bail ainsi que le type et l’origine du dégât.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter Me Baptiste Robelin, avocat spécialiste du Bail Commercial