Comment casser un mur porteur dans un appartement en copropriété ? Que faire si le syndicat des copropriétaires refuse l’ouverture du mur porteur ? Existe-t-il des recours en cas de refus injustifié ou abusif de la part d’un copropriétaire ou du syndic de l’immeuble ?

Découvrez les conseils de Me Baptiste Robelin avocat spécialiste en droit de la copropriété pour savoir comment procéder à l’abattement d’un mur porteur dans un immeuble ou un appartement en copropriété : information du syndicat des copropriétaires, démarches auprès du syndic, vote en assemblée générale, recours contre le refus injustifié, abus de droit d’un copropriétaire, etc.

D’abord et avant tout, il convient de vérifier dans le règlement de copropriété quelle est la marche à suivre pour la réalisation de travaux dans les parties communes et l’abattement d’un mur porteur.

Les règles sont prévues par la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.

Il faut savoir que pour effectuer des travaux dans des parties communes ou dans des parties privatives qui affectent des parties communes, une autorisation est nécessaire.

Un mur porteur, même situé dans un appartement, fait partie de la structure de l’immeuble et appartient donc aux parties communes.

L’ouverture d’un mur porteur en copropriété est soumise à la décision et au vote des copropriétaires. Il résulte de l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 que : « b) L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ; ».

La jurisprudence l’affirme également. La Cour de cassation considère (Cass. Civ.3ème, n°88-16.770) : « tous les travaux privatifs, sans aucune distinction, réalisés dans les parties communes, doivent être préalablement autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires ou, en cas de refus, par le juge ».

Plus précisément, il a été retenu que le droit de percer un mur, partie commune, afin de faire communiquer deux appartements appartenant au même copropriétaire, doit faire l’objet d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires (CA Paris, 9 novembre 1993).

Relèvent notamment de l’article 25 b) de la n°65-557 du 10 juillet 1965 :

  • La création de cloisons intérieures comportant des prestations sur certains murs porteurs (Aix-en-Provence, 11 décembre 2014) ;

Le percement d’un mur de refend, même entièrement situé dans les locaux privatifs (Paris, 30 novembre 1990) ;

Faire tomber un mur porteur n’est pas anodin. Ce sont les murs qui portent le bâtiment, il convient donc d’être prudent lors de l’élaboration du projet.

1) L’architecte

Pour commencer, il est nécessaire de faire appel à un architecte pour réfléchir au projet de déconstruction ou de construction. Le mieux, est de recontacter l’architecte de l’immeuble. Il est possible d’avoir ses coordonnées via le Syndic de l’immeuble. Il élaborera un rapport notamment sur la faisabilité de l’opération. Il déterminera les nouveaux plans.

2) Le bureau d’études techniques

Le bureau d’étude se chargera quant à lui d’examiner la structure du bâtiment. Un plan d’exécution sera étudié, à savoir, comment détruire le mur, quels matériaux mettre en remplacement, quelles techniques sont les plus appropriées…

Le bureau d’études techniques sera également chargé d’établir un état des lieux contradictoire avant le commencement des travaux. C’est obligatoire lorsque le mur à démolir est commun à plusieurs appartements. Il prendra la forme d’un acte sous seing privé. Il est toutefois préférable de doubler cet état des lieux avec celui d’un huissier de justice. Le procès-verbal de constat d’un huissier a la qualité d’acte authentique, ce qui confère une forte force probante à l’acte. D’une manière générale, l’état des lieux par huissier sera toujours utile. En effet, il permet de se prémunir contre un éventuel litige de voisinage.

3) L’entreprise

Une fois le projet établi, il faut trouver une entreprise générale qui se chargera de la réalisation des travaux. Elle établira un devis du coût de réalisation des travaux. Attention : il est nécessaire que l’entreprise vous fournisse une attestation d’assurance. Elle est obligatoire pour le dossier à présenter à l’assemblée. Par ailleurs, n’hésitez à prendre contact avec l’organisme de l’assureur pour vous assurer qu’il s’agit d’une vraie assurance et non d’un faux document. Cela permet également de vérifier que la garantie couvre bien le projet.

Comment obtenir l’accord de l’assemblée des copropriétaires ?

Avant tout, il convient de créer un dossier pour le présenter à l’assemblée des copropriétaires.

Le dossier comprend :

  • Les plans de l’architecte et le rapport de faisabilité
  • Le plan d’exécution du Bureau d’études techniques
  • L’attestation de l’assurance décennale de l’entreprise en charge des travaux
  • Le devis des travaux

Une fois le dossier complet, il faut l’envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception aux copropriétaires. Dans l’idéal, le dossier est transmis au moins 3 semaines avant la tenue d’une assemblée pour que le projet de travaux soit inscrit à l’ordre du jour.

La demande d’autorisation sera alors votée à la prochaine assemblée générale ordinaire ou extraordinaire. Il est possible de réunir une assemblée générale extraordinaire de votre propre initiative, mais le coût de réunion de cette assemblée sera à votre charge.

L’autorisation doit être accordée à la majorité des voix de tous les copropriétaires (article 25 de la loi du 10 juillet 1965).

Une fois le vote obtenu, vous pouvez commencer les travaux. Au contraire, si l’assemblée refuse, il faut savoir que le copropriétaire qui réalise les travaux sans autorisation s’expose à des poursuites judiciaires. Il peut notamment être condamné à remettre les lieux dans leur état initial. Il existe toutefois des recours (voir ci-dessous).

Il a été retenu dans une jurisprudence que les installations effectuées sans autorisation qui empiètent sur les parties communes ou modifient l’aspect extérieur de l’immeuble doivent être démolies (Civ.3ème, 18 juin 1975, n°74-10.297 ; Civ.3ème, 14 avril 2016, n°13-24.969). Les frais afférents à la démolition sont à votre charge (Civ.3ème, 27 juin 1978, n°77-10.054).

Néanmoins, il a été retenu que la remise en état ne peut vous être demandée que dès lors qu’il y a un risque grave d’atteinte à la solidité de l’immeuble (Civ.3ème, 8 juin 2017, n°16-16.677).

Par ailleurs, sachez que si l’autorisation de réaliser des travaux privatifs dans les parties communes est délivrée à titre individuel par des membres du syndic des copropriétaires, cela ne vaut pas autorisation (Civ.3ème, 19 juin 1996, n°94-19.328). De même, une autorisation verbale ne vaut pas acceptation de réaliser de tels travaux (Civ.3ème, 8 novembre 2006, n°05-19.141).

Les statuts de la copropriété

Que faire si l’assemblée des copropriétaires refuse le percement du mur porteur ? Quels sont les recours ?

Il faut savoir qu’en cas de refus de l’assemblée des copropriétaires de percer le mur porteur, il existe encore des moyens de passer outre pour réaliser le projet.

1) La contestation de l’assemblée et de la résolution

Les cas d’actions en nullité

La contestation peut porter contre l’assemblée, par exemple pour irrégularité, ou encore contre une résolution uniquement. Des cas d’actions en nullité vous sont ouverts.

Il faut savoir qu’un copropriétaire qui souhaite faire annuler une assemblée ou bien une décision doit le préciser dès l’assignation (Civ. 3ème, 4 janvier 1996, n°93-19.238). À défaut, la demande sera irrecevable (Paris, 18 novembre 2004, RG n°04/01616).

Les règles concernant la tenue des assemblées sont prévues à la fois dans la loi et dans le décret mais également au sein du règlement de copropriété. Il peut notamment y avoir un défaut dans les formes légales ou réglementaires concernant la tenue de l’assemblée. Cela peut se manifester notamment par : une interdiction faite au syndic de présider l’assemblée ; une règlementation des délégations de pouvoirs ; le délai de convocation ; une exigence à l’ordre du jour ou encore des notifications complémentaires, qui n’auraient pas été respectés…

Néanmoins, si certaines formalités légales n’ont pas été respectées et que la régularité du vote n’est pas impactée, il ne pourra pas y avoir de nullité de l’assemblée (Civ. 3ème, 11 juillet 2019, n°18-18.615). Dans cette affaire, le procès-verbal de la décision ne mentionnait pas le nom d’un copropriétaire ayant voté la résolution. La Cour a retenu qu’il n’y avait pas lieu de l’annuler car cette omission était sans incidence sur la régularité du vote.

Au sens large, les irrégularités formelles n’affectant pas la nullité du vote sont celles concernant la feuille de présence et le procès-verbal, la computation des voix, ou dans les mentions chaque fois qu’elles n’affectent pas le sens du vote.

La décision peut être prise en violation des conditions de majorité. C’est également une cause de nullité de l’assemblée.

Une autre cause de nullité est ouverte en cas de dépassement des pouvoirs par l’assemblée. Tel est le cas lorsqu’elle se prononce sur une question dont elle n’est pas saisie, lorsqu’elle commet un abus de majorité, ou lorsqu’elle excède les objets du syndicat.

Justement, il peut y avoir nullité en cas de fraude et abus de majorité.

Il y a abus de majorité dès lors que la décision a été prise :

  • Dans un but contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou dans le but de nuire ( 3ème, 8 février 1989, n°87-24.322)
  • Dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires (, 3ème Civ., 17 décembre 2014, n°13-25.134).

Le recours doit s’exercer dans un délai de 2 mois. La charge de la preuve appartient à la partie qui s’estime lésée.

L’exercice de l’action en nullité

Il est toujours possible de contester la décision de l’assemblée générale des copropriétaires. L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 vous ouvre cette possibilité.

La contestation doit être portée par un copropriétaire défaillant, c’est-à-dire qui n’a été ni présent, ni représenté, ou par un copropriétaire opposant à la résolution votée. L’opposant signifie que le copropriétaire a voté contre la décision adoptée par la majorité. En revanche, le copropriétaire ayant voté dans le sens de la une décision n’est pas admis à la contester.

Vous serez donc considérez comme copropriétaire opposant si vous avez voté « pour » votre projet, alors que la décision finale refuse le projet.

L’action doit être formulée par voie d’assignation devant le tribunal judiciaire. Le copropriétaire contestataire dispose d’un délai de 2 mois à compter de la réception du procès-verbal de l’assemblée générale par le Syndic.

Veuillez noter que la décision d’une assemblée générale est applicable immédiatement et s’impose tant que la nullité n’a pas été prononcée (Civ. 3ème, 28 mai 2020, n°18-20.368).

En revanche, dès lors que la résolution ou la décision a fait l’objet d’une annulation, elle est réputée n’avoir jamais existée. Lorsque la décision est contestée pour une irrégularité de forme ou par une insuffisance de majorité, elle peut être corrigée et à nouveau votée.

Attention : cette voie de recours consistant à faire annuler la décision ne vaut pas autorisation des travaux.

2) L’autorisation judiciaire de réaliser les travaux

Le copropriétaire qui s’est vu refuser l’autorisation de procéder à l’élaboration de travaux peut également demander au Tribunal judiciaire de pouvoir exécuter les travaux (article 30 de la loi du 10 juillet 1965). Il faut qu’il s’agisse de « travaux d’amélioration ».

Le tribunal peut notamment « décider toute amélioration, telle que la transformation d’un ou plusieurs éléments d’équipements existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux. »

L’autorisation judiciaire de réaliser les travaux peut être donnée par le tribunal dès lors que les travaux ne portent atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble (Civ.3ème, 2 février 1999, n°97-14585).

Quelques précisions sur ce que peut concerner cette autorisation.

Une demande tendant à relier deux lots est recevable (CA Nancy, 5 novembre 2009, n°09/02207). Dans cette affaire, un copropriétaire s’est vu refuser les travaux consistant à relier deux lots, à savoir un appartement au premier étage et une mansarde au 3ème étage, par un conduit d’alimentation d’eau. La cour d’appel de Nancy a autorisé les travaux puisqu’il existait déjà des conduits entre les étages, et que cela n’affectait ni les parties communes, ni l’aspect extérieur de l’immeuble. Il n’était également pas porté atteinte à la jouissance des autres parties privatives ou communes et les travaux étaient conformes à la destination de l’immeuble.

Il n’est pas nécessaire que les installations réalisées puissent être utilisées par l’ensemble des copropriétaires (Civ.3ème, 22 mars 1983, RDI 1983.496).

En revanche, le juge n’a pas à statuer sur les travaux privatifs internes aux lots, dans la mesure où ils n’affectent par les parties communes (TGI Paris, 3 mars 1988).

Pour intenter une telle action, il faut avoir soumis le projet au vote de l’assemblée des copropriétaires, et que cette dernière ait refusé d’adopter la résolution portant approbation du projet (Civ.3ème, 5 octobre 1977). Les travaux pouvant être autorisés par le Tribunal sont ceux visés à l’article 25 de ladite loi.

Lorsqu’un accord pour procéder à des travaux a déjà été donné par la copropriété, est-il nécessaire d’en demander un nouveau pour procéder à de nouvelles modifications ?

1) Durée de validité d’une autorisation délivrée par l’assemblée générale

L’article 37 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu’une convention par laquelle un propriétaire a été autorisée à réaliser des travaux se prescrit par 10 ans. Ainsi, vous disposez d’un délai de 10 ans pour réaliser les travaux initialement prévus.

Passé ce délai, l’autorisation devient caduque (Civ.3ème, 6 mars 2002, n°00-21.425). Il faudra donc réitérer la demande auprès de l’assemblée générale.

2) Étendue des travaux autorisés par l’assemblée générale

Attention : en revanche, les travaux complémentaires qui ne sont pas prévus dans l’autorisation sont interdits. De ce fait, dès lors que les nouveaux travaux envisagés ne sont pas des travaux privatifs, il faut à nouveau soumettre le projet à l’approbation de l’assemblée générale des copropriétaires.

3) Modification postérieure pour donner suite aux travaux autorisés et réalisés

Lorsque l’assemblée générale a autorisé les travaux et qu’ils ont été réalisés, pour effectuer de nouvelles modifications, une nouvelle autorisation est nécessaire.

Pour exemple, s’agissant de la réouverture d’une porte dans un mur, un arrêt a jugé que l’assemblée générale des copropriétaires devait à nouveau donner son autorisation même si la réouverture avait pour effet de supprimer des travaux anciens d’obturation de la précédente porte (CA Paris, 14 mai 2009, n°07-20172).

Comment procéder à l’ouverture d’un mur porteur en copropriété ?

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Comment procéder à l’ouverture d’un mur porteur en copropriété ?