Par un arrêt du 11 décembre 2020, le Conseil d’État a rappelé les règles entourant la résiliation tacite d’une convention d’aménagement accordée par l’Administration (CE, 11 décembre 2020, Société Copra Méditerranée, n° 427616).

En effet, la société Copra Méditerranée avait conclu avec la Commune de Plan-de-Cuques, une convention d’aménagement concernant la construction de 94 logements.

La majorité de ces logements n’a pas été construite, en raison d’une étude démontrant les risques d’inondation sur la zone où était situé le projet, conduisant la Commune à abandonner celui-ci.

La Commune a alors notifié l’abandon du projet, pour motif d’intérêt général, à son co-contractant, sans pour autant résilier expressément la convention d’aménagement les liant.

Contrat public et résiliation tacite par la personne publique

Contrat public et résiliation tacite par la personne publique

La résiliation tacite du contrat par l’administration peut être constatée par le juge administratif

La résiliation unilatérale d’un contrat conclu avec une personne publique est une hypothèse prévue par l’article L.6 du Code de la commande publiqueL’autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat »).

Cette résiliation unilatérale du contrat pourra se fonder sur un motif d’intérêt général ou sur une faute du cocontractant, mais elle doit en principe être expresse et donc faire l’objet d’une décision de l’administration.

Toutefois le Conseil d’État avait déjà admis la possibilité d’une résiliation tacite par l’administration dans un arrêt du 27 février 2019 dont voici le considérant (CE, 27 février 2019, Département de Seine Saint Denis, n°414114) :

« La résiliation d’un contrat administratif résulte, en principe, d’une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l’absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Les juges du fond apprécient souverainement, sous le seul contrôle d’une erreur de droit et d’une dénaturation des pièces du dossier par le juge de cassation, l’existence d’une résiliation tacite du contrat au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles« 

La résiliation tacite est donc constituée par le comportement de l’administration lorsqu’il traduit sa volonté de rompre les relations contractuelles et cela sans équivoque.

Ce caractère non équivoque sera déterminé par le juge en utilisant une technique du faisceau d’indices :

  • démarches engagées par la personne publique pour satisfaire le besoin par un autre moyen,
  • durée et terme de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat,
  • impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat,
  • obstacle à l’exécution…

Dans cet arrêt, le Conseil d’État avait établi la résiliation tacite du fait que l’administration avait cessé d’exécuter le contrat depuis plusieurs années et que suite à cet évènement elle avait conclu un autre contrat portant sur le même objet avec une autre société.

Dans l’arrêt du 11 décembre 2020 (CE, 11 décembre 2020, Société Copra Méditerranée, n° 427616), le Conseil d’État rappelle le principe susvisé concernant la résiliation tacite du contrat, sans faire usage des mêmes indices que dans l’arrêt en date du 27 février 2019, Département de Seine Saint Denis.

En effet, dans cette affaire, le juge administratif a constaté la résiliation tacite du contrat en se fondant sur les éléments suivants :

  • La notification d’abandon du projet par la Commune pour motif d’intérêt général ;
  • L’étude démontrant le risque d’inondation de la zone sur laquelle était situé le projet, concluant à l’absence de faisabilité du projet ;
  • La durée durant laquelle la Commune et la société en cause ont cessé d’avoir des relations contractuelles.

Partant, le Conseil d’État constate qu’une résiliation tacite est intervenue du contrat liant  les partie.

La résiliation unilatérale tacite pour motif d’intérêt général ouvre droit à indemnisation

En cas de résiliation unilatérale du contrat pour motif d’intérêt général, l’article L. 6 du Code de la commande publique susvisé dispose que le co-contractant aura droit à une indemnité.

Cette indemnité doit notamment couvrir les dépenses engagées (CE, 18 novembre 1988, Ville d’Amiens, n°61871), ainsi que le manque à gagner du co-contractant dès lors qu’il revêt un caractère certain (CE, 16 février 1996, Syndicat intercommunal de l’arrondissement de Pithiviers, n°82880).

Rappelons que le contrat administratif peut diminuer cette indemnité, l’exclure, voire encore en prévoir un montant supérieur à ce qui pourrait être communément octroyé dans une telle hypothèse, à la condition que ce montant ne soit pas disproportionné, ce qui pourrait constituer une libéralité, et qu’il ne dissuade pas l’Administration d’exercer son droit de résiliation (CE 4 mai 2011, CCI Nîmes, n°334280 ; CE, 19 décembre 2012, Société AB Trans, n°350341 ; CE, 3 mars 2017, Société Leasecom, n° 382446).

Le juge administration fait classiquement application de cette règle, y compris lorsque la résiliation unilatérale pour un motif d’intérêt général a été prononcée tacitement.

Cependant, en l’espèce, le Conseil d’État constate que la société Copra Méditerranée n’avait engagé aucune dépense. De plus, la convention d’aménagement n’assurait pas au cocontractant la construction de l’ensemble des lots, de sorte qu’il ne peut invoquer de manque à gagner résultant de l’abandon de la construction de ces lots.

La demande d’indemnisation de la société Copra Méditerranée est donc rejetée.