Retrouvez le commentaire de l’arrêt rendu par la 3e chambre civile de la Cour de Cassation le 8 avril 2021, par Baptiste Robelin, avocat spécialisé en bail commercial.

Devant les nuisances, un copropriétaire face à l’inertie du propriétaire-bailleur est en droit d’exercer une action pour obtenir la résiliation du bail de son voisin qui ne respecte pas le règlement de copropriété.

Lorsque un immeuble est en état de copropriété, les droits et actions de chaque copropriétaire ne peuvent s’exercer au détriment de l’intérêt collectif. Cette incompatibilité fait le plus souvent l’objet d’une disposition au sein du règlement de copropriété, ayant valeur contractuelle entre les copropriétaires.
En effet, le règlement de copropriétés dans la très grande majorité stipule une prohibition de tout trouble ou gêne de voisinage causés par l’un des copropriétaires, afin d’assurer un usage paisible des locaux. Cette notion d’usage paisible des locaux tend à protéger un large nombre de comportements abusifs, tel le bruit, les odeurs, ou les troubles nocturnes.

Tout copropriétaire est ainsi soumis au règlement de copropriété et donc au respect de la notion d’usage paisible du voisinage. Dans l’hypothèse, où il donnerait son bien à bail, le locataire sera également dans l’obligation de se conforter aux prescriptions du règlement de copropriété et ne devra donc causer aucun trouble ou nuisance contraire à un usage paisible et sécurisé des biens des autres occupants de l’immeuble.

Il incombe au copropriétaire ayant mis son bien à bail de s’assurer du respect des dispositions du règlement de copropriété par son locataire. Pourtant, très souvent, les autres copropriétaires d’un immeuble se confrontent à l’inaction du copropriétaire-bailleur.

Par exemple, il est récurant de se confronter à des cas de non-conformité de la distance des systèmes d’extraction qui viennent alors gêner le voisinage d’une copropriété. Pour rappel, un local commercial doit être pourvu d’un système d’extraction dès lors que l’activité qu’il abrite implique l’émanation d’odeurs ou de fumées. Afin d’éviter tout nuisance au voisinage du local lié à l’air rejeté, l’installation doit être placée à au moins 8 mètres de toute fenêtre ou de toute prise d’air neuf.

Or, bien souvent, cette règle des 8 mètres est méconnue ou tout simplement non respectée, ce qui induit une gêne du voisinage.
Alors même qu’un trouble est causé au voisinage et donc aux autres copropriétaires, seul le copropriétaire-bailleur était en droit d’intervenir afin de faire cesser le dit trouble. La résiliation du bail pour trouble de voisinage était une opération menée par le seul propriétaire en cas de manquement à l’obligation de jouissance paisible des lieux par le locataire. Du moins, jusqu’à présent, il était très compliqué pour un tiers d’agir.

Cependant, la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2021 élargit la compétence de l’action visant à faire cesser le non respect du règlement de copropriété induit par le trouble de voisinage. En effet, la Cour de cassation semble reconnaitre désormais qu’un copropriétaire voisin peut faire résilier le bail d’un locataire auteur de nuisances à la place du copropriétaire-bailleur.

En l’espèce, un copropriétaire a donné à bail à une société un local commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, afin de pratiquer une activité de mécanique.
Par la suite, les voisins, propriétaires d’un lot contigu à ce local, se sont plaints des odeurs et des bruits causés par l’activité du locataire. Le propriétaire du local pour autant n’a rien exigé de son locataire pour mettre fin à ces nuisances.
Les voisins ont alors saisi la justice afin d’agir en résiliation judiciaire du bail consenti et de ce fait l’expulsion du local.

De façon inédite, la Cour de cassation a alors confirmé la décision des juges du fond. Le copropriétaire voisin subissant les nuisances du locataire peut faire résilier le bail à la place du copropriétaire-bailleur. Un tiers est donc en droit d’agir afin de faire résilier le bail dès lors qu’il s’agit de faire cesser un trouble de voisinage.

  • Ce qu’il faut retenir

Rappel de l’obligation d’intervention du copropriétaire-bailleur, débiteur des autres copropriétaires pour le respect du règlement de copropriété.

Le locataire d’un lot appartenant à un immeuble en état de copropriété est également soumis au respect du règlement de copropriété. Il est utile alors de rappeler, comme l’a d’ailleurs fait la Cour de cassation dans cet arrêt, que dès lors qu’un trouble anormal de voisinage est causé par un locataire et qu’il est caractérisé, le propriétaire-bailleur a l’obligation d’intervenir et de faire cesser le trouble. En effet, le propriétaire doit s’assurer du respect du règlement de copropriété, ayant valeur contractuelle, par son locataire. Un copropriétaire est créancier des autres copropriétaires pour le respect du règlement de copropriété. Il est également créancier des autres copropriétaires vis à vis de son locataire. D’après la Cour de cassation, chaque copropriétaire étant partie au dit contrat a « le droit d’en exiger le respect par les autres » (3e Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-13.345, Bull. 2000, III, n° 64).

Dans le cas où le propriétaire n’entamerait pas les procédures devant le juge visant à mettre fin au trouble anormal de voisinage, celui-ci pourra être tenu responsable solidairement desdits troubles.

Rappel de la compétence du syndicat de copropriétaires en cas d’inaction du copropriétaire-bailleur face au non respect du règlement de copropriété.

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence et la possibilité pour le syndicat de copropriétaire d’agir. En effet, d’après l’article 1166 ancien du code civil, « les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ». Or, comme précisé ci-avant, un copropriétaire est créancier des autres copropriétaires pour le respect du règlement de copropriété. Lorsqu’un locataire ne respecte pas les obligations qui découle de son bail de location, à savoir le respect du règlement de copropriété, et qu’il cause ainsi un préjudice aux autres copropriétaires, le syndicat de copropriétaires est ainsi titulaire d’une créance vis à vis du copropriétaire-bailleur et a le droit d’exercer une action oblique sur le fondement de l’article susmentionné. En cas d’inaction du copropriétaire-bailleur, le syndicat de copropriétaires est en droit d’exercer une action en résiliation du bail du locataire (3e Civ., 14 novembre 1985, pourvoi n° 84-15.577, Bull. 1985, III, n° 143).

Nouveauté : Compétence directe d’un copropriétaire voisin afin d’obtenir la résiliation du bail du locataire qui ne respecte pas le règlement de copropriété.

Grande nouveauté et sujet du présent propos, la Cour de cassation admet la compétence de chaque copropriétaire afin d’agir en justice pour obtenir la résiliation du bail de son voisin, auteur d’un trouble de voisinage caractérisé, en cas de carence du copropriétaire-bailleur. Le copropriétaire peut obtenir la résiliation du bail de son voisin en prouvant ce qu’il invoque, c’est à dire en prouvant le trouble qu’il subit.

En effet, chaque copropriétaire est créancier des autres copropriétaires pour le respect du règlement de copropriété. À l’instar du syndicat de copropriétaire, chaque copropriétaire détient donc personnellement une créance vis à vis du copropriétaire-bailleur dont le locataire ne respecte par le règlement de copropriété. De ce fait, sur le fondement de l’article 1166 ancien du Code civil, un créancier est compétent à exercer les droits et actions de son débiteur si, en ne les exerçant pas, il lui cause un préjudice.

Partant de ce principe, tout copropriétaire peut, face à l’inertie du copropriétaire-bailleur, exercer une action oblique pour obtenir la résiliation du bail d’un locataire voisin dès lors que celui-ci, en ne respectant pas le règlement de copropriété, cause des troubles anormaux. Le copropriétaire qui souhaite faire résilier le bail de son voisin doit alors invoquer le préjudice qu’il subit, à savoir en l’espèce les nuisances sonores et/ou olfactives.

Il n’existe par ailleurs aucune atteinte excessive à la liberté contractuelle, estime le juge. Au contraire, il s’agit d’assurer le respect des dispositions contractuelles stipulées dans le règlement de copropriété.

Copropriété : Possibilité de résiliation du bail par un tiers ?

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