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Retour sur le rapport d’activité de l’AFA de 2023 : la compliance anticorruption passe au crible du régulateur

C’est « le temps du premier bilan » pour Isabelle JEGOUZO, directrice de l’Agence française anticorruption (AFA) à l’occasion de la remise du rapport d’activité 2023 de l’AFA, le 19 juillet dernier. Sept années se sont écoulées depuis la création du régulateur, et après certains réajustements, comme ceux apportés par ses lignes directrices ou la loi Waserman, les efforts du régulateur semblent sur une nouvelle dynamique.

Un tour horizon de la corruption

Le rapport de l’Agence Française anticorruption (AFA) fait un tour d’horizon de la corruption en 2023, soulignant qu’elle est à la fois de plus en plus visible et de plus en plus réprimée. En 2023, 69 % des Français considèrent que la corruption est largement répandue en France, soit une hausse de 5 points par rapport à 2022. Un état de fait qui joue un rôle dans la perte de confiance des Français dans les institutions démocratiques. 58 % des Français estiment que les politiciens sont corrompus, et 75 % pensent qu’ils agissent principalement pour leurs intérêts personnels, des chiffres là encore en augmentation par rapport à 2022.

La perceptibilité croissante de la corruption a été accompagnée par une augmentation de sa répression. Entre 2017 et 2022, le nombre de personnes ayant fait l’objet de décisions d’orientation des parquetiers pour des atteintes à la probité a augmenté de 17,6 %. En 2022, 502 infractions contre 451 en 2021 ont conduit à la condamnation de personnes physiques pour atteintes à la probité. L’AFA note également que le taux de relaxe dans ce genre de contentieux est trois fois plus élevé que dans d’autres types de contentieux, ce qui démontre les difficultés probatoires propres au caractère occulte de la corruption. Des efforts ont donc été fournis du côté de l’Etat dans la lutte contre la corruption, mais ils restent insuffisants, qui plus est face aux lourdes conséquences que peut avoir la corruption sur notre système démocratique et notre société.

En mai dernier, la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France a publié un rapport soulignant l’émergence « encore embryonnaire mais non moins inquiétante » de la corruption d’agents publics et privés par les narcotrafiquants pour atteindre leurs objectifs. Ce rapport a également indiqué que « la France a accumulé un préoccupant retard dans la prise en charge du risque de compromission de ses agents publics et privés ». D’ailleurs, dans le contexte du narco trafique, l’AFA, en liaison avec l’OCLCIFF, au titre de sa mission de coordination administrative, a décidé de lancer des travaux interministériels visant à documenter et partager l’état de la menace et les bonnes pratiques identifiées pour y faire face. À cet effet et depuis septembre 2023, un groupe de travail a été mis en place, mettant en lien plusieurs ministères pour se concentrer sur la lutte contre la corruption liée au crime organisé. Il a pour rôle d’analyser la menace, d’identifier les schémas délictuels pour enrichir les cartographies des risques de corruption associés au crime organisé, et de faciliter le partage d’expériences et de bonnes pratiques pour y faire face.

L’action de contrôle de l’AFA en 2023 : le bras armé de la compliance anticorruption

En 2023, l’AFA a réalisé 37 nouveaux contrôles et examens préalables, dont 25 contrôles d’initiative. Ces contrôles peuvent être l’occasion pour les entreprises soumises à la loi Sapin 2 d’améliorer leurs dispositifs anticorruptions et de réduire les risques liés à la probité. Néanmoins, en cas de manquement, la commission des sanctions de l’AFA peut être saisie et a notamment la possibilité d’infliger une sanction administrative aux entreprises. Les 12 autres contrôles ayant été réalisés sont des contrôles préalables à l’établissement d’éventuelles CJIP ou liés à la bonne mise en conformité d’un programme en exécution d’une CJIP.

Parmi les 25 contrôles d’initiative, le « haut du panier » a été visé. En effet, 10 contrôles ont ciblé des entreprises avec un chiffre d’affaires compris entre 400 millions d’euros et 143 milliards d’euros, tandis que les 15 autres ont porté sur des acheteurs publics, dont 13 disposaient de budgets supérieurs à 1 milliard d’euros. Depuis 2018, l’AFA semble avoir effectivement concentré son activité de contrôle autour des plus grands acteurs publics et économiques.

Par ailleurs, le régulateur a élargi ses contrôles d’initiatives à de nombreux secteurs, bien que certains d’entre eux ressortent en majorité des statistiques. Par exemple : entre 2017 et 2023, un tiers des contrôles a concerné des entreprises manufacturières, incluant le secteur aéronautique, environnemental et automobile. Les industries représentent 39 % des contrôles, suivies notamment par le secteur de la construction (14 %) et les activités financières et d’assurance (13 %).

Aussi, il est intéressant de noter que les nouvelles modalités de contrôles établies en 2022 ont été déployées en 2023, avec un retour positif des entreprises :

  • contrôles pouvant se faire en deux phases successives, en fonction du profil risque de l’entité contrôlée ;
  • établissement par l’entité contrôlé d’un plan d’action, en réponse au rapport de l’AFA ;
  • date à laquelle sont formulés les constats arrêtée à la date de réponse de l’entité contrôlée au rapport provisoire.

Une amélioration partielle de la mise en œuvre de la loi Sapin II

Globalement, l’AFA note une amélioration des dispositifs anticorruption des acteurs publics et privés depuis 2018, avec un engagement plus fort des instances dirigeantes.

Certaines difficultés persistent toutefois, notamment s’agissant des entreprises pour lesquelles des manquements ont été constatés :

  • Dans 86 à 95% des cas, sur les procédures de contrôles comptables ou les contrôles internes;
  • Dans 88% des cas, sur le dispositif d’évaluation des tiers, notamment parce qu’il ne couvrait pas l’ensemble des tiers visés par la loi ;

Dans 82 % des cas, sur la cartographie des risques : la délimitation de son périmètre (entités et/ou zone géographique) et la méthodologie utilisée étaient mises en cause ;

  • Dans 51% des cas, sur le code de conduite : son contenu était jugé comme insuffisamment pertinent. Par exemple, les règles relatives aux cadeaux et invitations n’étaient pas suffisamment définies et opérationnelles. L’AFA a également relevé que le code de conduite n’était pas systématiquement intégré au règlement intérieur ;
  • Dans 63% des cas, sur le dispositif de formation, notamment à raison de lacunes dans la méthode d’identification des personnels les plus exposés.
  • Dans 21% des cas, sur le dispositif d’alerte.
  • Dans 19% des cas, le régime disciplinaire.

L’AFA établit de nouveaux records en matière de signalements de lanceurs d’alertes

La loi Waserman du 21 mars 2022 a fait de l’AFA une autorité externe de recueil et de traitement des signalements portant sur des faits susceptibles de constituer des atteintes à la probité. Depuis, les signalements ont progressé de 40 %. L’AFA a reçu 435 signalements en 2023 soit quasiment le double par rapport à 2021.

Le secteur public reste le plus visé par les signalements, 55 % d’entre eux ayant concerné des organisations ou des personnes du secteur public. S’agissant des entreprises, 46 % des signalements ont impliqué des entreprises non soumises à la loi Sapin II (39% ont impliqué des entreprises soumises à la loi Sapin II), soit près de la moitié des signalement tandis que l’AFA semble précisément concentrer son action de contrôle autour de celles qui y sont soumises.

Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’en 2023, les personnes occupant des fonctions à responsabilité dans de grandes entreprises (responsables conformité, responsables comptable ou audit) sont nombreuses à s’être saisies de la nouvelle faculté de l’AFA de recueillir et traiter des signalements en procédant à une alerte auprès elle.

Aussi et parmi les signalements reçus par l’AFA, pouvant être exploités et s’inscrire dans le cadre du dispositif d’alerte institué par la loi Waserman, 63 % concernaient de possibles atteintes à la probité, dont un quart a fait l’objet d’une transmission à l’autorité judiciaire.

L’AFA et sa volonté de renforcer ses actions de coopération, au service de la lutte anticorruption

Attaché à son rôle de partenaire, l’AFA affirme dans son rapport sa volonté de renforcer et diversifier ses liens notamment avec des acteurs nationaux ou plus largement à l’international.

Au plan national, l’AFA a poursuivi son partenariat avec le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) à travers de nouvelles ressources pédagogiques tel qu’un MOOC destiné aux agents territoriaux.

Outre le lien constant qu’elle entretient avec les différents ministères, l’AFA se rapproche par ailleurs et fréquemment des principales associations d’élus et d’ONG anticorruption lorsqu’il s’agit de préparer son plan national pluriannuel de lutte contre la corruption.

Au plan international, l’AFA continue de s’affirmer et entend apporter son expertise au soutien des autorités françaises dans le cadre des enceintes multilatérales de lutte contre la corruption. Elle a par exemple  pris part en décembre 2023 à la 10e Conférence des États parties (CoSP) de la Convention de Mérida, lors de laquelle la France a proposé et fait adopter une résolution « ambitieuse » pour prévenir les atteintes à la probité dans le cadre des marchés publics.

Elle continue également de renforcer sa présence et les initiatives avec les acteurs privés et la société civile. Par exemple, en juin 2023, l’AFA a pris part au 5e Forum de l’Alliance internationale anticorruption (ICHA), organisé par le Groupe de la Banque mondiale, lequel a donné lieu à la signature d’un protocole de coopération entre l’AFA et la section « Fraudes et intégrité » de la Banque mondiale.

L’AFA s’engage en outre dans des actions de coopération avec ses homologues étrangers. A ce titre, elle a signé un mémorandum d’entente et de coopération avec la Commission fédérale pour l’intégrité de l’Irak et le renouvellement de son protocole de coopération avec l’Autorité anticorruption vietnamienne.

S’agissant des acteurs économiques, l’AFA poursuit ses échanges avec eux et continue de diffuser ses travaux afin de les guider dans la mise en œuvre de leur dispositif anticorruption.

Par ailleurs, l’AFA adopte une approche très pragmatique et remarquable en matière de sensibilisation. Elle a intensifié son effort de formation auprès des écoles du service public, instituts de formation de la fonction publique, universités et écoles spécialisées. Elle a aussi mis au point un kit pédagogique destiné à promouvoir dès le plus jeune âge une culture de lutte contre la corruption.

Samuel

Par Alizée Dill  et  Samuel Guetta Avocat Associé Expert en Compliance du cabinet Novlaw Avocats,

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