Le projet de loi du gouvernement relative à la gestion de la crise sanitaire a été adopté par le parlement le 25 juillet dernier. La dernière étape de la navette législative était la validation ou non de ce projet de loi par le Conseil Constitutionnel. Ce dernier a été saisi par le Premier Ministre le 26 juillet dernier ainsi que par certains parlementaires (sénateurs et députés).

Le Conseil Constitutionnel était donc amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des articles de la loi adoptée le 25 juillet dernier.

Le Conseil Constitutionnel était interrogé sur la conformité à la Constitution de :

  • La prorogation du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire ;
  • L’accès à certains établissements et lieux sur présentation du pass sanitaire;
  • La méconnaissance de la liberté d’entreprendre ;
  • La méconnaissance du principe de proportionnalité des peines ;
  • Les obligations imposées au titre du pass sanitaire à certains salariés et agents publics ;
  • Sur le placement à l’isolement des personnes testées positives à la COVID 19.

Sans grande surprise, le Conseil Constitutionnel valide en très grande partie le texte adopté par le Parlement et se limite à la censure de deux mesures.

1- La prorogation du régime de gestion de la crise sanitaire

Le Conseil Constitutionnel a retenu que proroger le régime de gestion de la sortie de crise sanitaire jusqu’au 15 novembre 2021 est conforme à la Constitution.

En effet, en prorogeant ce délai, le législateur permet aux pouvoirs publics prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de COVID 19.

Le Conseil Constitutionnel retient que le législateur a pris cette décision en conformité avec l’équilibre à trouver entre « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes résidant sur le territoire de la République ».

La décision du législateur est justifiée par les avis des 6 et 16 juillet 2021 du comité scientifique qui estiment qu’au regard de la dynamique de l’épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination et de l’apparition des nouveaux variants du virus, qu’un risque important de propagation de l’épidémie persisterait jusqu’au 15 novembre 2021.

De plus, il reste que les mesures prises par les pouvoirs publics dans le cadre des pouvoirs que lui confère cette loi, doivent l’être dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie. Ces mesures doivent donc être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Si les pouvoirs s’écartent de ce chemin balisé, le juge a la possibilité de les censurer.

2- L’accès à certains établissements et lieux sur présentation du pass sanitaire

Les parlementaires estiment qu’étendre l’obligation du pass à tous les restaurants, aux centres commerciaux, au transport public, porte une atteinte à la liberté d’aller et de venir, et méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale, méconnaît le principe d’égalité devant la loi, et crée une différence de traitement entre commerces et entre les Français.

Le Conseil constitutionnel retient que la violation de la liberté d’aller et de venir et du droit au respect à la vie privée et familiale est justifiée par le fait que « les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif » d’une part, et que ces libertés ne sont réduites que dans des lieux à forte densité de personnes (ce qui accroît le risque de contamination) et seulement jusqu’au 15 novembre 2021.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel retient que le principe d’égalité entre les commerces (dans et en dehors des centres commerciaux) et entre les personnes qui fréquentent ces lieux n’est pas méconnu dès lors que l’éventualité de la présentation d’un pass sanitaire pour avoir accès à ces lieux est justifiée par la nature de ces endroits qui concentrent une grande densité de personnes. Les commerces qui se retrouvent dans ces centres commerciaux ne peuvent être regardés comme étant les mêmes que ceux qui sont en dehors de ces centres. Le respect du « principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».

3- La méconnaissance de la liberté d’entreprendre tirée du fait que le projet de loi impose aux chefs d’établissement de procéder au contrôle du pass sanitaire de leurs clients

Le Conseil Constitutionnel retient « qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ».

Dans le cas d’espèce, cette obligation qui pèse sur les chefs d’établissement poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

En tout état de cause, le Conseil Constitutionnel conclut que même si cette obligation est de nature à mobiliser une partie de personnel et accroître la charge de travail, les contrôles se feront en un temps bref. Il n’y a donc pas méconnaissance de la liberté d’entreprendre.

4- La méconnaissance du principe de proportionnalité des peines

Le Conseil Constitutionnel retient que les peines encourues par les chefs d’établissements qui ne procéderont pas au contrôle du pass sanitaire est conforme à la Constitution en ce qu’elles sont proportionnelles aux infractions constatées.

5- Les obligations imposées à certains salariés et agents publics au titre du pass sanitaire

Le texte définitivement voté prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement en cas de non-présentation du pass sanitaire, pour les salariés en CDD ou ayant un contrat de mission, alors que les salariés en CDI ne peuvent pas être licencier pour ce même motif.

La Conseil Constitutionnel retient qu’en instaurant une telle différence entre les salariés en CDI et ceux en CDD, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés, fondés sur la nature de leur contrat de travail. Cette différence n’est pas en lien avec l’objectif de protection de santé publique poursuivi par l’exigence d’un pass sanitaire. Cette mesure méconnaît l’égalité de tous devant la loi et est donc contraire à la constitution.

6- La mesure de placement à l’isolement des personnes testées positives à la COVID 19

Le Conseil Constitutionnel retient que cette mesure poursuit l’objectif constitutionnelle de protection de la santé.

Toutefois, ce placement systématique à l’isolement ne garantit pas que « que la mesure privative de liberté qu’il institue soit nécessaire, adaptée et proportionnée », car la situation individuelle du mis en cause n’est pas appréciée in concreto par une autorité administrative ou judiciaire.

Pass Sanitaire – Conseil Constitutionnel

Pass Sanitaire - Décision du Conseil Constitutionnel

Pass Sanitaire – Conseil Constitutionnel

En définitive, le Conseil Constitutionnel, comme le Conseil d’État avant lui, considère que la loi adoptée par le Parlement relative à la gestion de la crise sanitaire poursuit un objectif de protection de la santé publique qui nécessite de restreindre certains droits et libertés, tant que cette restriction reste strictement dans le cadre de l’objectif poursuivi.

Il déclare ainsi la loi votée par le parlement conforme à la Constitution, à l’exception du licenciement des salariés en CDD ou ayant de mission et du placement systématique à l’isolement des personnes testées positives à la COVID 19.