conflit d'intérêt

Déclarations d’intérêts et remaniement ministériel : la mise au point

Tout juste nommé Premier ministre, Gabriel Attal s’est empressé de composer son gouvernement. De quoi agiter les équipes de la Haute Autorité pour la Transparence de la
vie publique (HATVP).

Si un remaniement s’accompagne habituellement de l’émergence de nouvelles personnalités politiques qui vont pour certaines découvrir les joies des déclarations de patrimoine et d’intérêts qui incombent notamment aux futurs membres du Gouvernement profitons de cette occasion pour rappeler que la sphère privée est également concernée par l’exercice des déclarations d’intérêts. Perçue à tort comme ne concernant que les lobbyistes de métier, la question des déclarations d’intérêts nécessite une vigilance accrue de la part de l’ensemble des entreprises.

Retour sur l’évolution du cadre législatif et règlementaire

Le cadre législatif et règlementaire de la transparence de la vie publique a beaucoup évolué depuis son instauration. Il convient de revenir sur ses évolutions aussi bien pour les acteurs publics que pour entreprises.

Les responsables publics (ministres, sénateurs, députés, membres de cabinets ministériels, conseillers départementaux et municipaux …) ont l’obligation :
– de déclarer leur patrimoine (biens immobiliers, actions dans des sociétés, comptes bancaires, dettes) à la Haute Autorité. Cette déclaration s’effectue aussi bien au moment de l’entrée qu’à la fin des fonctions.
– de réaliser une déclaration d’intérêts publics. Cette déclaration d’intérêts impose aux responsables publics de déclarer les professions qu’ils ont effectuées dans le passé, mais également celle encore exercées, ou encore les professions exercées par leur conjoint.

Cependant, les obligations déclaratives des futurs membres du Gouvernement varient suivant leurs précédentes fonctions. Si les nouveaux membres du Gouvernement sont tenus de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts, il n’en va pas de même pour les membres du Gouvernement qui ne changent pas de fonction ni de portefeuille : pour eux, aucune obligation de réitérer cette déclaration.

La loi du 15 09 2017 pour la confiance dans la vie politique renforce les contrôles par la faculté donnée au Président de la République de demander au président de la HATVP de lui transférer les informations qu’il détient sur ses futurs ministres. Il peut également demander à consulter le Bulletin N°2 du casier judiciaire des futurs membres du gouvernement et s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir une attestation de preuve de paiement des impôts.

Enfin, la loi du 6 août 2019, étend le rôle de la HATVP qui s’est vue également chargée de contrôler les membres des cabinets ministériels qui ont exercé dans les trois dernières années une activité professionnelle dans le secteur privé. Ce contrôle a pour objectif d’éviter une situation de prise illégale d’intérêts ou un manque d’indépendance du cabinet.

Notons que les personnes chargées d’accomplir une mission de service public, comme les dirigeants, présidents, directeurs généraux des entreprises publiques locales dont plus de la moitié du capital est détenue par une ou plusieurs personnes privées ou publiques sont également visées par les déclarations de patrimoine et d’intérêts si leur chiffre d’affaires est supérieur à 750.000 euros l’année précédant la nomination des personnes visées.

Un secteur privé pas épargné par la transparence

L’obligation de déclaration d’intérêts n’incombe pas uniquement aux représentants publics ; en effet, d’autres entités ou personnes privées sont également concernées. Ces obligations déclaratives ont un objectif : prévenir les comportements non-éthiques qui peuvent émerger des interactions entre acteurs publics et privés.

Les déclarations d’intérêts ont pour objectif de lutter contre les situations de conflits d’intérêts qui peuvent présenter des liens étroits avec la corruption, comme rappelé par l’Agence française anticorruption (AFA) dans son guide « la prévention des conflits d’intérêts dans l’entreprise » publié en novembre 2021. Le conflit d’intérêts peut se définir comme une « situation qui naît quand l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions d’une personne est susceptible d’être influencé par un autre intérêt public ou privé distinct de celui qu’il doit défendre dans ces fonctions ». Au titre de la loi relative à la transparence de la vie publique , un conflit d’ ntérêts est caractérisé dès lors qu’il existe une interférence entre la fonction accomplie au sein de l’organisation et un intérêt personnel. Cette interférence peut influencer l’exercice normal de la fonction.

C’est pour cette raison que la déclaration d’intérêts pèse également sur les acteurs économiques, tant personnes physiques que morales, dès lors qu’ils ont « un pouvoir d’influence auprès des pouvoirs publics ». On parlera alors de représentants d’intérêts. La HATVP définit les représentants d’intérêts comme des personnes morales ou physiques qui exercent des actions de représentation d’intérêts auprès d’un responsable public figurant sur le répertoire, dans le but d’influencer une décision publique dans le sens de l’intérêt qu’il véhicule. Partant, sont concernés aussi bien des entreprises publiques ou privées, des cabinets d’avocats et de lobbying, des syndicats, etc.

Ces quelques indicateurs pourront vous permettre d’identifier rapidement si vous – ou un dirigeant ou autre collaborateur de votre entreprise pourriez être qualifié de représentant d’intérêts :

  • des interactions (rencontres physiques, conversations, échanges de courriers,
    etc.) avec des responsables publics,
  • des interactions qui se font à votre initiative,
  • des interactions qui ont pour objectif d’évoquer une prise de décision
    publique,
  • des interactions régulières (au moins 10 fois par an).

Il va de soi que si vous exercez une activité de lobbying à titre principal, à titre indépendant ou au sein d’une entreprise ou autre entité ou organisation, vous êtes d’autant plus concerné.

Quelles obligations pour le représentant d’intérêts

La loi Sapin II fait porter par la HATVP la mission de mettre en place un répertoire des représentants d’intérêts ayant vocation à apporter aux citoyens des informations sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics. Notons que le périmètre de la représentation d’intérêts a été élargi depuis le 1 er janvier 2022 aux décideurs publics agissant à une échelle locale.

Outre l’obligation de s’inscrire sur un répertoire numérique de la HATVP, les représentants d’intérêts devront réaliser au minimum une fois par an, une déclaration d’activité qui permet à chacun d’accéder aux informations relatives aux actions réalisées par le représentant d’intérêts au cours du dernier exercice comptable, les catégories de responsables publics avec lesquels le représentant d’intérêts est entré en contact, mais également aux dépenses engagées pour les actions de représentation d’intérêts, ou encore s’agissant des cabinets facturant leurs actions de représentation d’intérêts, le chiffre d’affaires réalisé au titre de cette activité.

De même, pour ne pas s’exposer à des sanctions pénales, le représentant d’intérêts devra satisfaire différentes règles sur le plan déontologique. Les représentants d’intérêts sont ainsi tenus d’assurer leur activité avec probité et intégrité, c’est-à-dire s’abstenir :

  • de proposer ou de remettre aux responsables publics des présents, des dons ou des avantages quelconques d’une valeur significative ;
  • de toute démarche auprès des responsables publics en vue d’obtenir des informations ou des décisions par des moyens frauduleux ;
  • d’obtenir ou de tenter d’obtenir des informations ou des décisions en communiquant délibérément aux responsables publics des informations erronées ou en recourant à des manœuvres destinées à les tromper.

En cas de manquement aux obligations de déclaration auxquelles ils sont soumis, les représentants d’intérêts peuvent se voir adresser une notification de manquement par la HATVP, qui ouvre un délai d’un mois pour répondre. En cas de manquement persistant, le représentant d’intérêts concerné s’expose à recevoir une mise en demeure, laquelle peut être rendue publique, et encourt également une peine d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende.

Une bonne raison de faire le point sur vos représentants d’intérêts. D’autant plus qu’un manque de vigilance et de sensibilisation des équipes dans leurs interactions avec des acteurs publics pourrait ouvrir à un risque de sanctions pénales plus lourdes pour l’entreprise et ses dirigeants, en cas de corruption, de trafic d’influence, ou autre infraction à la probité. Il est donc primordial pour les entreprises de prévenir et de maitriser le risque que représente ces interactions avec des responsables publics par la mise en œuvre de politiques et procédures effectives, faisant partie intégrante de leur programme de conformité.

Samuel

Par Samuel Guetta Avocat Associé Expert en Compliance du cabinet Novlaw Avocats,

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Aux origines de la transparence de la vie publique…

L’affaire Cahuzac a impulsé la mise en place par le Président François Hollande d’une autorité compétente pour renforcer la transparence de la vie publique. Pour rappel de cette affaire, Jérôme Cahuzac, Président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale puis ministre du Budget, a démissionné de sa fonction en mars 2013, à la suite des révélations de son évasion fiscale… et de l’avoir nié « les yeux dans les yeux ». Poursuivi notamment pour déclaration incomplète ou mensongère de patrimoine (i.e., le patrimoine global dissimulé au fisc est estimé à 3,5 millions d’euros), il est condamné en appel le 15 mai 2018 à deux ans de prison ferme et deux ans avec sursis, 300.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.

C’est dans le contexte de ce scandale qu’a été adoptée la loi d’octobre 2013 qui crée la HATVP, une autorité instituée pour renforcer la transparence de la vie publique. En application de cette loi, la Haute Autorité dispose de différentes prérogatives : elle contrôle le patrimoine des responsables publics, veille à la prévention des situations de conflits d’intérêts et apporte une surveillance particulière pour les reconversions professionnelles » entre les sphères publiques et privées.

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