Droit de repentir du Bailleur : comment ça marche ?

Droit de repentir du Bailleur : comment ça marche ?

Le droit de repentir du bailleur est un droit codifié à l’article L 145-48 du Code de commerce, applicable dans le cadre d’un bail commercial. Issu de l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, le droit de repentir permet au bailleur ayant refusé le renouvellement de son bail commercial à son locataire de rétracter son refus, et donc d’offrir un nouveau bail à ce locataire.

Le droit de repentir du bailleur lui permet d’échapper au paiement de l’indemnité d’éviction en principe due à son locataire. Le bailleur peut ainsi exercer son droit de repentir s’il a changé d’avis et souhaite finalement renouveler le bail commercial du locataire, ou bien s’il n’a pas les moyens de régler l’indemnité d’éviction fixée par le tribunal.

L’intérêt pour le bailleur d’exercer son droit de repentir

Ce droit de repentir est, dans la pratique, un instrument juridique très utile s’il l’on prend en compte le contexte d’un refus de renouvellement de bail commercial. En effet, le locataire évincé peut en principe se prévaloir de l’article L 145-14 du code de commerce qui dispose que :

« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. »

Ainsi, si cet article a vocation à s’appliquer, le bailleur pourrait être contraint de verser à son ancien locataire une indemnité d’éviction plus que conséquente (généralement, l’indemnité d’éviction est calculée en fonction de la valeur du fonds de commerce et des coûts de réinstallation du locataire dans un nouveau local).

Le paiement de l’indemnité d’éviction pouvant mettre dans une situation économique délicate le bailleur, ce dernier peut ainsi reconsidérer son choix, échappant au règlement de l’indemnité d’éviction par l’exercice de son droit de repentir, en proposant un nouveau bail à son locataire (voir par exemple l’arrêt du 24 janvier 2019 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation (n°17-11.010).

Le droit de repentir du bailleur ne peut cependant s’exercer que si certaines conditions sont réunies. Sur ce point, vaut mieux demander conseil auprès d’un avocat spécialisé en bail commercial.

L’exercice du droit de repentir par le bailleur d’un bail commercial

Comme nous l’avons vu précédemment, le droit de repentir du bailleur d’un bail commercial est codifié à l’article L145-58 du Code de commerce, lequel dispose que :

« Le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation. »

A l’aune de ces dispositions, l’on constate que le droit de repentir ne peut s’exercer que sous certaines conditions.

• La première condition, temporelle

Tout d’abord, si le bailleur souhaite bénéficier de son droit de repentir, il doit le faire signifier dans un délai de 15 jours à compter du moment où la décision fixant l’indemnité d’éviction est passée en force de chose jugée. Le bailleur n’est cependant pas obligé d’attendre qu’une décision soit rendue et peut en réalité exercer son droit de repentir à tout moment et donc, jusqu’à 15 jours après qu’une décision soit passée en force de chose jugée.

Pour rappel, une décision est considérée comme « passée en force de chose jugée » dès lors qu’elle n’est plus susceptible d’aucun recours. C’est notamment le cas lorsque le délai d’appel a expiré (voir par exemple les arrêts en date du 29 septembre 1999 rendus par la 3e chambre civile de la Cour de cassation – n° 97-13.423 et n° 96-17.280).

• La deuxième condition alternative : la signature d’un nouveau bail par le locataire ou la construction d’un immeuble destiné à sa réinstallation

La dernière partie de l’article L145-58 du Code de commerce précise que « ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire […] n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation ».

Sur cette condition, plusieurs jurisprudences soulignent qu’en cas de départ du locataire et de réinstallation dans un nouveau local, qu’il soit acheté́ ou loué, le droit de repentir ne peut plus être exercé par l’ancien bailleur. Ainsi, selon un arrêt du 29 mars 1979, le propriétaire ne peut « plus se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction lorsque le locataire a déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation » (Arrêt en date du 29 mars 1979 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation – n° 77-14.744)

Une autre décision en ce sens a également été rendue par la 3e chambre civile de la Cour de cassation pour le cas plus précis de la construction d’un immeuble prise à l’initiative du locataire pour y transférer son activité tout en y conservant sa clientèle (arrêt en date du 26 janvier 1994 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation – n° 91-20.011)

Il est cependant important de préciser que le simple fait pour un locataire d’avoir indiqué à son bailleur son souhait de libérer les locaux ne peut priver le bailleur de son droit de repentir (voir par exemple l’arrêt en date du1er octobre 2014 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation – n° 13-17.114). C’est donc bien la réinstallation effective du locataire qui prive le bailleur de la possibilité d’exercer son droit de repentir.

• La troisième condition alternative : la présence du locataire dans les lieux

Il reste primordial de préciser que dans le cas où le locataire est encore dans les lieux objet du premier bail, le simple fait que le locataire ait signé un nouveau contrat de bail avec une personne tierce (ou construit un immeuble) destiné à sa réinstallation, ne permet pas au bailleur de lui empêcher de jouir de son droit de repentir.

Ce principe est tiré de l’arrêt du 1er juin 1999 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 97-22.008).

Est en effet souligné par cet arrêt le caractère alternatif et non cumulatif de la dernière partie de l’article L145-58 du code de commerce quand il dispose que « Ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation. ». Ainsi si le locataire est encore dans les lieux, la preuve de la conclusion d’un nouveau bail ne saurait priver le bailleur de son droit de repentir.

Une autre difficulté apparait alors concernant la notion de présence du locataire dans les lieux. En effet, comment caractériser le fait que le « locataire est encore dans les lieux » ? La Cour de cassation a tranché la question assez sévèrement dans un arrêt du 7 octobre 1998 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation  (pourvoi n° 96-22.345), considérant que le locataire était encore dans les lieux dès lors qu’il avait laissé dans le local du matériel nécessaire à l’exploitation (alors que le locataire arguait en l’espèce qu’il avait déjà déménagé).

Aussi, le locataire qui souhaite quitter le local et priver le bailleur de la possibilité d’exercer son droit de repentir, doit se ménager les preuves de son départ effectif, par un réel déménagement et la remise des clés à son bailleur.

Notons cependant que la question n’est pas toujours claire en matière de jurisprudence : ainsi, si la haute cour a pu considérer que le preneur avait bien déménagé en remettant les clés à son bailleur (voir par exemple un arrêt de la 3e chambre civile du 2 février 2000, n° 97-21.840) elle a dans le même temps pu considérer que cette remise des clés n’était pas suffisante dans le cas où le preneur avait en l’espèce laissé du matériel dans son ancien local (arrêt en date du 29 novembre 2000 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation (n° 99-14.361).

Ce qu’il faut retenir de l’exercice du droit de repentir du bailleur d’un bail commercial

Le droit de repentir du bailleur commercial peut alors être reconnu par ce dernier s’il l’exerce dans les 15 jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée. Ce droit ne peut cependant plus être exercé dès lors que le preneur a quitté le local loué de manière effective, la simple signature d’un nouveau bail par le preneur n’étant pas suffisante.

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