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Droit du sol : Modification des conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte

Explorez l’impact et les implications juridiques de la proposition de modification des conditions d’accès à la nationalité française sur l’île de Mayotte. Découvrez les débats, les enjeux constitutionnels et les perspectives futures.

Le dimanche 11 février 2024, le ministre de l’Intérieur, Gérald DARMANIN, en déplacement sur l’île de Mayotte a notamment annoncé l’intention du Gouvernement de supprimer sur l’île le droit du sol permettant l’accès à la nationalité français. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre les fondements du droit du sol, les conditions actuelles d’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte, et les implications légales d’une éventuelle modification de ces conditions.

Le cabinet NOVLAW Avocats et son associé Bruno GUILLIER, en charge des questions d’immigration, proposent une première analyse juridique de cette modification des conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, voire aussi en Guyane.

Qu’est-ce que le droit du sol?

Le droit du sol, ou jus soli, est un principe juridique permettant à une personne née sur le territoire d’un État d’en acquérir la nationalité et cela indépendamment de la nationalité de ses parents.

En France, toutes les règles d’acquisition de la nationalité française sont fixées par le Code civil (articles 21 à 22-3 du Code civil). Le principe d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol est réduit et déjà strictement encadré par les articles 21-7 à 21-11 du Code civil et se manifeste par l’ajout de différentes conditions au simple fait de naître sur le sol français.

Ainsi, il n’y a pas de droit du sol automatique en France. La naissance en France d’un enfant de parents étrangers n’a pas d’effet automatique sur sa nationalité.

Dans quels cas un enfant est-il français?

Toutefois, en France, le simple fait de naître en France ne suffit pas à obtenir la nationalité française pour un enfant. La nationalité française d’un enfant, qu’il soit né en France ou non, dépend principalement de la nationalité de ses parents ainsi que de la durée de sa présence en France.

Ainsi, il existe pour un enfant plusieurs cas différents d’acquisition de la nationalité française :

L’acquisition de la nationalité française par filiation

Un enfant peut être considéré comme français de naissance par filiation, c’est-à-dire si au moins l’un de ses parents est français au moment de sa naissance, indépendamment du lieu de cette dernière.

Ainsi, un enfant étranger né en France de parents étrangers est français si au moins un de ses parents est français.

De même, un enfant né hors du territoire français peut être français si au moins l’un de ses parents est français ou devient français lorsqu’il est mineur

Cette règle illustre le principe de jus sanguinis, complémentaire au droit du sol dans la législation française.

L’acquisition de la nationalité française par adoption

Un enfant peut aussi acquérir la nationalité française par adoption.

Toutefois, seule l’adoption plénière permet l’attribution de a nationalité française à la naissance, car celle-ci attribue à l’enfant une nouvelle filiation qui remplace sa filiation d’origine.

Ainsi la Kafala, qui ne correspond pas à une adoption au sens du droit français, ne permet pas l’acquisition de la nationalité française.

L’acquisition de la nationalité française en raison de la naissance et de la résidence en France

Les articles 21-7 et suivants du Code civil fixent un cadre spécifique pour l’application du droit du sol qui permet l’acquisition de la nationalité française par les enfants nés sur le territoire français de parents étrangers.

Tout enfant né en France de parents étrangers est en droit d’acquérir la nationalité française à sa majorité, à condition que deux critères soient simultanément remplis à cette date :

  • Premièrement, l’enfant concerné doit avoir sa résidence en France au moment de l’atteinte de sa majorité ;
  • Deuxièmement, il est impératif que cet enfant ait maintenu sa résidence habituelle sur le territoire français pour une durée totale, qu’elle soit continue ou discontinue, d’au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans.

À titre complémentaire, les parents de l’enfant mineur peuvent souscrire pour lui une déclaration de nationalité française à partir de ses 13 ans uniquement si l’enfant mineur :

  • est né en France ;
  • a résidé en France pendant cinq ans après ses huit ans.

Les règles spécifiques du droit du sol s’appliquant à Mayotte

À Mayotte, les règles sont toutefois déjà différentes que celles applicables en métropole en matière de droit du sol.

L’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de parents étrangers n’est pas la même qu’en France métropolitaine. Elle est soumise à des règles spécifiques et plus strictes.

Depuis 2018 et la loi Collomb sur l’immigration (loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie), une condition supplémentaire pour les enfants nés à Mayotte a été introduite : il faut que l’un des parents ait résidé légalement sur le territoire français pendant au moins trois mois avant la naissance.

Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la nationalité française, un enfant né à Mayotte de parents étrangers doit remplir toutes les conditions suivantes :

  • Au moment de sa naissance, l’un de ses parents doit résider légalement depuis au moins trois mois sur le territoire français ;
  • Il doit avoir sa résidence en France au moment de l’atteinte de sa majorité ;
  • Il doit avoir maintenu sa résidence habituelle sur le territoire français pour une durée totale, qu’elle soit continue ou discontinue, d’au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans.

Est-il possible de modifier le droit du sol à Mayotte?

Oui, cela est entièrement possible et a déjà été fait en 2018 avec l’ajout d’une condition spécifique à l’acquisition de la nationalité française à Mayotte pour les enfants nés de parents étrangers.

Cependant, la question de la suppression du droit du sol à Mayotte est juridiquement beaucoup plus complexe et devrait a priori nécessiter une réforme constitutionnelle.

Un raisonnement identique pourrait aussi être tenu pour la Guyane qui rencontre des problèmes similaires à ceux de Mayotte en matière de pression migratoire.

Une modification ou une suppression du droit du sol à Mayotte serait-elle conforme à la Constitution française?

Il y a ici deux situations à distinguer :

  • La modification du droit du sol à Mayotte qui peut simplement être réalisée dans le cadre de la loi ;
  • La suppression du droit du sol à Mayotte qui nécessite a priori une modification de la Constitutio

La modification du droit du sol à Mayotte par la loi est conforme à la Constitution

Un nouveau durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de parents étrangers à Mayotte serait sans aucun doute conforme à la constitution.

Le Conseil constitutionnel ayant déjà refusé en 1193 de reconnaître et de protéger le droit du sol comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision n° 93-321 du 20 juillet 1993), celui-ci a une simple valeur législative.

Étant simplement prévu par le Code civil, il est tout à fait possible pour le législateur de durcir les conditions d’accès à la nationalité dans le cadre de la loi.

Plus encore, cela ne serait pas contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi fixé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, puisque l’article 73 de la Constitution stipule déjà que des adaptations peuvent prévues dans les départements et régions d’outre-mer. Il s’agit là du principe de la différenciation territoriale en outre-mer ajouté à la Constitution de 1958 en 2003.

La suppression du droit du sol à Mayotte oblige vraisemblablement à une réforme de la Constitution

Si le simple ajout d’une condition supplémentaire ou plus stricte au droit du sol à Mayotte ou dans une autre région ou département d’outre-mer ne semble pas être contraire à la Constitution en raison de son article 73, la suppression du droit du sol pose plus de problèmes.

En effet, l’article 73 de la Constitution prévoit en l’état une simple possibilité d’adaptation tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d’outre-mer.

Or, supprimer le droit du sol uniquement à Mayotte ne révèle plus de la simple adaptation de la loi aux spécificités de l’île, mais d’une modification profonde du droit relatif à l’acquisition de la nationalité française en raison de la naissance et de la résidence. Le Conseil constitutionnel pourrait alors considérer qu’il y aurait une violation de l’article 73 de la Constitution et censurer la loi.

En outre, une suppression par une loi ordinaire du droit du sol à Mayotte pourrait amener le Conseil constitutionnel à réviser sa jurisprudence du 20 juillet 1996 sur l’absence de valeur constitutionnelle du droit du sol.

En l’état, le Gouvernement a donc tout intérêt à privilégier une suppression du droit du sol à Mayotte par révision constitutionnelle.

Et cela d’autant plus que cette démarche tire parti de l’absence d’intervention du Conseil constitutionnel dans le cadre du processus de révision constitutionnelle établi par l’article 89 de la Constitution.

En effet, la Constitution française ne prévoit pas de vérification systématique de la conformité des propositions de révision constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel lui-même reconnaît la prééminence du pouvoir constituant, affirmant que ce dernier détient une souveraineté qui lui interdit de procéder à une évaluation de son action.

Par conséquent, les modifications apportées à la Constitution, y compris celles touchant aux lois constitutionnelles, ne sont pas sujettes à une évaluation de leur constitutionnalité. La seule restriction à cette règle est exprimée dans le dernier alinéa de l’article 89, qui stipule que la forme républicaine du gouvernement ne peut être modifiée par une révision.

Néanmoins, cette limitation n’affecte pas directement la question de la suppression du droit du sol à Mayotte, voire en Guyane.

Bruno

Par Bruno GUILLIER, Avocat Associé Expert en droit administratif général et en droit de la fonction publique, et en matière de droit de l’immigration, des étrangers et de la nationalité chez Novlaw Avocats,

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Bruno GUILLIER est spécialisé en droit public, notamment en droit de la fonction publique (fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière) et en droit administratif général ainsi qu’en matière de pouvoir de police et plus généralement en ce qui concerne réglementation des activités par la puissance publique.

Dans ce cadre, il a développé un expertise particulière en ce qui concerne les professions réglementées, notamment en ce qui concerne la réglementation des taxis.

A ce titre, il intervient aussi en droit routier tant en ce qui concerne le retrait de points ou le retrait de permis qu’en ce qui concerne le versant pénal des infractions routières.

Il exerce également en droit des étrangers et de la nationalité et, à ce titre, traite toute problématique liée aux demandes de régularisation et au recours contre les mesures d’obligation de quitter le territoire ainsi que de naturalisation.

Maitre Bruno Guillier

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