Contamination eau Nestlé

Affaire de l’eau contaminée NESTLE : Quels recours si les faits étaient avérés ?

Une expertise confidentielle de l’ANSES datant d’octobre 2023, rendue publique par Le Monde et France info ce jeudi 4 avril 2024, révèle la présence probable de contamination microbiologique d’origine fécale et de micropolluants, tels que les pesticides, dans certaines eaux embouteillées du groupe Nestlé. Les eaux des marques Vittel, Contrex et Hépar produites sur le site des Vosges ainsi que l’eau Perrier produite sur le site du Gard pourraient être concernées par cette contamination.

Un assouplissement de la réglementation par le Gouvernement ayant autorisé les embouteilleurs à utiliser des filtres moins efficaces que ceux prévus par les recommandations européennes (-0,2 micromètre au lieu de 0,8 micromètre), pourrait être à l’origine de cette contamination, selon les journalistes du Monde.

Ce changement de filtre pourrait expliquer certains des risques sanitaires soulevés par les experts dans le rapport de l’ANSES. Selon ces dernier, le risque virologique pour les consommateurs ne serait pas théorique : les eaux ne répondant plus aux critères réglementaires de pureté, leur consommation serait susceptible de créer des maladies aussi bien sur le long que sur le court terme.

Ces signaux d’alerte s’inscrivent dans la continuité d’une lutte déjà engagée par l’ONG Foodwatch, qui a saisi la Commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire dans une lettre du 19 février 2024. Dans cette lettre, 9 infractions ont été relatées dont plusieurs aux normes européennes.

Cette affaire est l’occasion de revenir sur les recours possibles en cas de dommage, infection ou autre, occasionnés par des produits alimentaires défectueux ou contaminés. Les recours sont selon nous de trois ordres : civil, pénal et administratif.

Eaux contaminées Nestlé : Responsabilité pénale

Sur le plan pénal tout d’abord, on peut considérer, si les faits de contamination étaient avérés, que la société Nestlé pourrait être poursuivie pour les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne (articles 222-19 à 222-21 du Code pénal), les peines étant graduelles selon la gravité des préjudices engendrés, le plus grave étant l’homicide involontaire.

Dans les cas ayant causé la mort, les peines encourues sont de 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende (221-6 du Code pénal) :

« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».

Cette peine pourrait être multipliée par cinq s’agissant de Nestlé, en tant que personne morale (131-38 du Code pénal).

Responsabilité civile

Outre la responsabilité pénale, on peut imaginer, en cas de victimes avérées, que Nestlé puisse voir sa responsabilité civile engagée et être obligée de réparer le ou les préjudices causés. Sur ce point, c’est la responsabilité pour faute prévue par l’article 1240 du Code civil qui pourrait être invoquée, voire le régime spécial de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux prévu par les articles 1245 et suivants du Code civil.

La responsabilité pour faute

Le consommateur ayant subi un dommage physique, notamment virologique, pourrait obtenir réparation de son préjudice devant le tribunal judiciaire. Il serait nécessaire de prouver la faute du producteur, à savoir la mise en circulation d’un produit dangereux, le dommage ainsi qu’un lien de causalité entre les deux.

La responsabilité du fait des produits défectueux

Le consommateur pourrait également engager la responsabilité de Nestlé du fait des produits défectueux, sur le fondement de l’article 145 du Code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

Ces deux fondements évoqués sont cumulables (1245-17 du Code civil), ce qui permet au justiciable de multiplier les demandes d’indemnisation.

Responsabilité administrative

 

En dernier lieu, on peut imaginer un recours en responsabilité contre l’État dans cette affaire. En effet, l’assouplissement de la réglementation française s’agissant des filtres pour les bouteilles d’eau, est susceptible de créer une violation à la directive européenne sur la commercialisation des eaux minérales. Les dimensions des filtres en droit français étant plus larges que celles indiquées dans la directive européenne, cette méconnaissance juridique pourrait être soulevée devant la juridiction administrative.

Les jurisprudences rendues par la Cour de Justice de l’Union européenne évoquent que la responsabilité de l’État peut être engagée pour une violation au droit européen.

Le justiciable, à savoir le consommateur de ces eaux en bouteille contaminées, afin que son action soit recevable, doit réunir trois conditions :

  1. La règle de droit violée doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
  2. La violation doit être suffisamment caractérisée ;
  3. Le lien de causalité entre la violation à la norme européenne et le dommage subi doit être direct.

Les récents jugements rendus par le tribunal administratif de Paris en octobre 2021 dans le cadre de « l’Affaire du siècle» reconnaissent la responsabilité de l’État pour une violation du droit international. Dans cette dernière, la responsabilité administrative de l’État a été reconnue à la suite de la violation des seuils de carbone transposés dans la loi.

Sur ce point, le fait que l’ANSES ait rendu un rapport datant d’octobre 2023 sans qu’aucune mesure n’ait encore été prise pour protéger les consommateurs nous semble poser question quant à la responsabilité des autorités étatiques.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Droit des affaires , Droit des sociétés et Droit immobilier du cabinet Novlaw Avocats, en collaboration avec Matthieu Benaros, juriste

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