Exclusion en raison de l’exécution défaillante d’un précédent marché public
Les différentes ordonnances rendues par le juge du référé précontractuel auprès du Tribunal administratif de Nice illustrent le cas dans lequel l’acheteur peut exclure un candidat en raison de son exécution défaillante.
Exclusion à la discrétion de l’acheteur
Rappelons que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui, au cours des 3 années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou encore qui ont fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur (Article L. 2141-7 du Code de la commande publique).
Dans ce cadre, l’acheteur doit mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable à l’exclusion du candidat afin qu’il puisse présenter dans un délai raisonnable ses observations, en particulier pour établir qu’il a pris les mesures nécessaires pour corriger ses manquements (Article L. 2141-11 du Code de la commande publique).
Le juge des référés en déduit que « ces dispositions permettent aux acheteurs d’exclure de la procédure de passation d’un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant été gravement défaillant dans l’exécution de ses obligations contractuelles, dans le cadre d’un précédent contrat et qui n’a pas établi, en réponse à la demande que l’acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats ».
L’office du juge des référés dans ce cas
Classiquement, il incombe au juge du référé précontractuel de vérifier le bien-fondé des motifs de l’exclusion d’un candidat à une procédure d’appel d’offres.
Dans ce cadre précis, il relève uniquement de l’office du juge des référés, lorsque l’exclusion est fondée sur l’article L.2141-7 du code de la commande publique, de vérifier :
- D’une part, la matérialité des résiliations ou des sanctions ainsi que des manquements qui les ont motivées et l’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant à la gravité desdits manquements aux obligations contractuelles et ;
- D’autre part, la mise en œuvre de la procédure contradictoire de l’article L.2141-11 précité.
En revanche, il n’appartient pas au juge des référés, en dehors de ces éléments qui relèvent de l’évidence, de statuer sur la régularité des résiliations ou sanctions prononcées précédemment par le pouvoir adjudicateur, une telle question relevant de la compétence du juge du contrat.
Exécution défaillante de plusieurs marchés
Dans cette affaire, le juge des référés relève que la société requérante avait été titulaire de plusieurs marchés dans le cadre desquels elle avait été dans l’incapacité de terminer dans les délais contractuels la réalisation des prestations qui lui avaient été confiées, conduisant à l’application de pénalités contractuelles et à la résiliation pour faute des marchés.
Le juge relève en outre que la réalité de ces résiliations et des manquements qui les ont motivées n’est pas contestée par la société requérante, décisions de résiliation qui ne sont d’ailleurs pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation.
Le juge en conclut que la défaillance de la société requérante dans la réalisation de l’objet même des marchés constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles.
Mise en œuvre de la procédure contradictoire
Enfin, le juge des référés relève que l’acheteur avait conformément aux dispositions susvisées invité la société en cause à lui présenter, dans la perspective de son exclusion de la procédure de passation du fait de ses précédentes défaillances, ses observations ainsi que les éventuelles mesures mises en œuvre permettant de pallier le risque de nouvelles défaillances et de s’assurer de la bonne exécution des prestations.
Mais, la société s’est bornée « en termes très généraux » à faire part de sa motivation pour l’exécution de nouvelles prestations et de son engagement à livrer celles-ci de façon anticipée.
Cependant, pour le juge des référés, « aucun de ces éléments de réponse ne peut être regardé comme un exposé circonstancié des mesures prises pour corriger les manquements précédents et démontrer que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause ».
> TA Nice, 4 novembre 2022, n°2204878, 2204879, 2204880, 2204881, 2204883