Les opérations de fusion, scission et apport partiel d’actifs sont des opérations qui portent sur le patrimoine de la société. Elles sont différentes mais reposent toutes sur la même technique : la transmission universelle de patrimoine.

Le recours à la technique du transfert universel de patrimoine est opéré dans les fusions, qui est décliné dans les opérations de scissions et dans certains apports partiels d’actifs.

Qu’est-ce qu’une opération de fusion ?

L’opération de fusion peut s’opérer de différentes manières :

  • La fusion-absorption : une société ou plusieurs sociétés, les sociétés absorbées, transmettent l’ensemble de leur patrimoine à une autre société, la société absorbante.
  • La fusion par création d’une nouvelle société : deux ou plusieurs sociétés fusionnent et deviennent ensemble une nouvelle société.

Ces deux réalités sont prévues à l’article L.236-1 du Code de commerce.

Quels sont les intérêts d’une opération de fusion ?

L’opération de fusion peut avoir plusieurs finalités :

  • Une expansion de la société : qui consiste en un changement de taille critique.
  • Une concentration de la société : qui a pour objectif de concentrer l’offre entre concurrent par la réunion de plusieurs clientèles.

Elles sont sur point susceptibles de porter atteinte au libre jeu de la concurrence.

  • Une compression de la société : qui permet de simplifier un groupe de société.

Comment les fusions se réalisent-elles ?

En amont de l’opération de fusion, il existe une phase préparatoire de dialogue :

  • L’étape de due-diligence

Cette étape consiste à préparer un audit sur l’autre société : audit comptable, juridique et financier. Il convient d’évaluer en particulier les rémunérations que peuvent espérer les associés de la société absorbée au sein de l’absorbante.

  • Le protocole

Les parties s’accordent ensuite sur un protocole de fusion : il s’agit d’un accord de base sur les points principaux tels que la parité d’échange, le sort des équipes de chacune des entités ainsi que leurs dirigeants, la date de l’opération…

C’est un accord de principe qui ne vaut pas fusion mais dont le non-respect est susceptible d’engager la responsabilité pour rupture abusive des pourparlers.

  • Le projet

Le projet de fusion doit être pris avec le vote des actionnaires ou des associés de chacune des sociétés.

Le contenu du projet de fusion est détaillé à l’article R.236-1 du Code de commerce :
La forme, la dénomination et le siège social de toutes les sociétés participantes ;
Les motifs, buts et conditions de la fusion ou de la scission ;
La désignation et l’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission aux sociétés absorbantes ou nouvelles est prévue ;
Les modalités de remise des parts ou actions et la date à partir de laquelle ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices, ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit, et la date à partir de laquelle les opérations de la société absorbée ou scindée seront, du point de vue comptable, considérées comme accomplies par la ou les sociétés bénéficiaires des apports ;
Les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des sociétés intéressées utilisés pour établir les conditions de l’opération ;
Le rapport d’échange des droits sociaux et, le cas échéant, le montant de la soulte ;
Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;
Les droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.

Concernant le rapport d’échange des droits sociaux et l’éventuelle soulte :
L’opération peut être à l’origine de déséquilibre entre les associés de la société absorbée et de la société absorbante. Pour autant, la parité d’échange est fondamentale puisqu’elle permet à l’opération d’être équitable. Le rapport permet de comparer la valorisation des sociétés au regard du nombre des titres sociaux émis. Il conviendra de prendre en compte une parité théorique et une parité pratique, qui sera retenue.

Concernant l’éventuelle prime de fusion :

Du point de vue des sociétés, il faut tenir compte de l’écart entre la valeur nominale et la valeur réelle des actions ou parts sociales. La parité d’échange entre les associés peut aboutir au paiement d’un surcoût éventuel. Le surprix payé correspondant à la différence sera reversé sur un compte. Cette prime s’inscrira au passif de la société absorbante dans un compte intitulé « prime de fusion ».

Du fait de la complexité de tous ces paramètres financiers, il faut désigner un commissaire à la fusion. Il sera notamment en charge de veiller au respect de la parité d’échange. Seul un accord unanime des associés de chacune des sociétés parties à l’opération permet d’éviter de nommer un commissaire à la fusion.

Enfin, une fois le projet élaboré, il faut assurer une information tant en interne qu’en externe.

Une fois ces étapes réalisées, arrive la décision de fusion :

La décision est prise dans les conditions requises pour la modification des statuts, selon l’article L.236-2 du Code de commerce. La décision est prise par chacune des sociétés qui participent à l’opération de fusion. Il existe une exception, lorsque la société absorbante détient plus de 90% de la société absorbée, alors seule la société absorbée vote.

Enfin, la décision doit faire l’objet d’une publicité, à défaut la fusion sera inopposable aux tiers. Il faut donc procéder aux inscriptions modificatives au RCS. Il faut déclarer la dissolution de l’entité, l’augmentation de capital ou la création de la nouvelle entité, selon les cas. Cette exigence est prévue à l’article L.236-6 du Code de commerce. Sans cette déclaration, la fusion peut faire l’objet d’une annulation.

Quels sont les effets de la fusion ?

Tout d’abord, la fusion prend effet à la date de la dernière résolution ayant approuvé la fusion. Néanmoins, il est tout à fait possible de retarder les effets à plus tard. Il est également possible de prévoir des clauses de rétroactivité faisant rétroagir la fusion.

Pour les tiers, la fusion produit effet à compter des formalités de publicité.

La portée des effets diffère selon le type de personne.

  • Pour les associés 

Les effets sont détaillés à l’article L.236-3 du Code de commerce. Les associés de la ou des sociétés qui disparaissent deviennent associé de la nouvelle société ou de la société absorbante par l’effet de la fusion. Il s’agit d’un échange de titres.

  • Pour les dirigeants 

La dissolution de la société absorbée entraine la dissolution de ces organes. La modification de la composition des organes de direction de la société absorbante aura été négociée en amont, pour accueillir les membres de la direction de la société absorbée. Durant la période de tuilage, c’est-à-dire de 3 ans, il est autorisé dans les SA de dépasser le nombre maximum d’administrateurs. Il est ainsi possible d’en avoir 24 au lieu de 18 en temps normal.

  • Pour les tiers

Les créanciers peuvent s’opposer à l’opération de fusion. Par cette opposition, ils peuvent obtenir le paiement immédiat de leur créance ou solliciter la constitution de nouvelles garanties. Cette faculté leur est ouverte par l’article L.236-14 du Code de commerce. Néanmoins, l’opposition n’a pour effet que de rendre l’opération inopposable à leur égard. En aucun cas, l’opposition des créanciers ne peut annuler une opération de fusion.

Les obligataires disposent également d’un sort particulier. Les obligataires de la société absorbée peuvent être remboursés de leur titre après une simple demande. Ils peuvent également être consultés. S’ils émettent un avis négatif à la fusion, la société peut alors se tourner vers le tribunal de commerce. Ce dernier décidera alors si l’opposition peut être rejetée ou si la constitution de nouvelles garanties doit être faite au profit des obligataires.

Concernant les contrats intuitu personae, ils s’éteignent en cas de fusion. Ils deviennent caducs, et sont donc une exception au principe de la transmission universelle de patrimoine. En revanche, tous les contrats de travail sont transmis, en vertu de l’article L.1224-1 du Code de travail.

  • Pour les sociétés concernées

La fusion emporte comme effet principal la transmission universelle du patrimoine, c’est-à-dire que l’ensemble des biens, des droits, des créances et des dettes de la société absorbée va être transféré à la société absorbante. Factuellement, la société absorbante remplace la société absorbée dans tous les contrats.

Ainsi, les éléments suivants seront transmis à la fusion :

  • Les biens
  • Les autorisations administratives
  • Les droits
  • Le bail
  • Le droit à la marque. Attention : il faut faire une inscription au registre national des marques (article L.714-7 du code de la propriété intellectuelle).

Il existait une exception concernant les instances pénales : elles s’éteignent à l’occasion de la fusion du fait du caractère personnel de la responsabilité pénale. Depuis un récent revirement de jurisprudence (Cass. Crim., 25 novembre 2020, n°18-86.955), la société absorbante peut-être poursuivie et condamnée pour des faits commis antérieurement à l’opération de fusion par la société absorbée.

Ce revirement s’explique car c’était déjà le cas pour les sanctions administratives qui se transmettent. L’opération entraîne transmission du passif quasi-pénal et pénal.

La société absorbée sera alors dissoute sans opérer de phase de liquidation.

La société absorbante bénéficiera quant à elle d’un régime fiscal de faveur. En réalité, il consiste en un report d’imposition.

La scission de société

Qu’est-ce qu’une opération de scission ?

Une scission est une opération par laquelle une société se scinde en donnant son patrimoine à 2 autres sociétés, dites sociétés bénéficiaires, déjà existantes ou créées à l’occasion de cette opération.

L’opération de scission a les mêmes effets caractéristiques que les opérations de fusions. Ces deux opérations relèvent de l’article L.236-3 I. du Code de commerce qui dispose :

« I. – La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission. »

Comme l’opération de fusion, l’opération de scission consiste en une transmission universelle de patrimoine. Le patrimoine de la société qui fait l’objet de la scission sera transférée à deux sociétés distinctes.

Comment s’opère l’opération de scission ?

Par l’effet d’une fiction juridique, l’opération de la scission va s’opérer comme une opération de fusion et emporter les mêmes effets : une dissolution sans liquidation avec transmission universelle du patrimoine de la société faisant l’objet de la scission.

Au départ, seule une société est concernée. Les actionnaires ou associés de la société qui fait l’objet de l’opération de scission sont réunis en assemblée générale extraordinaire pour voter de sa disparition. Ils votent sur la base du rapport spécial d’un commissaire à la scission.

Lorsque la scission a pour objet de transmettre une partie de son patrimoine à une société déjà existante. Cette dernière devra alors accepter le principe de l’augmentation du capital attribuable aux actionnaires correspondant dans la société scindée.

En réalité, chaque société bénéficiaire se trouve dans la situation d’une société absorbante pour la partie du patrimoine qui lui revient, en vertu du principe de transmission universelle du patrimoine.

Comment procède-t-on à la division ?

L’opération peut être relativement facile, lorsque la société a deux branches d’activité et que chacune des branches va être transféré à une société différente. Néanmoins, il peut arriver que l’opération soit plus complexe.

La ventilation se fait par nature dès lors que c’est possible, c’est-à-dire que chaque bien, dette ou créance rattachable à une activité sera transférée. Lorsque ce n’est pas possible, la division se fera de manière plus artificielle en décidant quel bien et quelle dette va être transféré.

Faute de répartition objective, il y aura une répartition en valeur, c’est-à-dire que chaque société bénéficiaire de la scission recevra une partie des actifs et des passifs qui ne sont pas affectables à une branche d’activité. Le transfert sera alors opéré par le contrat.

Dans ce type d’opération, les créanciers disposent également d’un droit d’opposition, conformément à l’article L.236-14 du Code de commerce. Il n’a pas pour objet d’empêcher l’opération de scission, néanmoins, les créanciers peuvent demander le paiement immédiat de leur créance, ou solliciter une constitution de garantie. Ils disposent d’un délai d’un mois pour agir.

Pour protéger les créanciers, la loi a prévu une solidarité entre les sociétés bénéficiaires de la scission. Ce principe est posé à l’article L.236-20 du Code de commerce. Néanmoins, la solidarité peut être écartée par une simple stipulation dans le contrat, conformément à l’article L.236-21 du Code de commerce.

Fusion, scission et apport partiel d’actifs - Patrimoine Entreprise

L’apport partiel d’actifs en droit des sociétés

Qu’est-ce qu’une opération d’apport partiel d’actifs ?

L’apport partiel d’actifs est une opération de déconcentration dans laquelle une société, la société apporteuse, apporte à une autre société, la société bénéficiaire, une branche d’activité ou autonome d’activité.

En quoi consiste un apport partiel d’actifs ?

Les opérations d’apport partiel d’actifs ont pour objet l’acquisition d’une branche d’activité réalisé au moyen d’un apport.

L’apport partiel d’actifs consiste en un apport en nature réalisé par une société apporteuse à une société bénéficiaire qui porte sur une branche d’activité autonome.

Ce n’est pas une simple cession d’actifs puisqu’elle porte sur une branche d’activité et surtout, elle n’emporte pas le paiement d’un prix pour l’apporteuse.

Cette opération, au contraire de la fusion et de la scission, n’emporte pas dissolution de la société apporteuse. La société apporteuse devient simplement associée dans la société bénéficiaire, à hauteur de l’apport réalisé.

Un apport partiel d’actif peut permettre à 2 concurrents de se rapprocher.

Comment s’opère un apport partiel d’actifs ?

Dans ce type d’opération, les parties disposent d’une option. En effet, les articles L.236-6-1 et L.236-22 du Code de commerce permettent à la société apporteuse et la société bénéficiaires de décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions propres aux scissions. De ce fait, l’opération sera soumise au régime de la transmission universelle de patrimoine.

En conséquence, si l’opération est un simple apport, cela ne relèvera que la seule volonté des dirigeants. En revanche, si les sociétés optent pour soumettre l’opération au régime des scissions, les actionnaires seront consultés.

En acceptant de soumettre l’opération au régime des scissions, l’opération suivra ainsi la chronologie propre aux opérations de fusions.

Quels sont les effets d’un apport partiel d’actifs réalisé suivant le régime des fusions ?

L’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions emporte un effet singulier à l’opération. En effet, la jurisprudence a pu déterminer dans un arrêt (Cass. Com., 23 juin 2004) : « sauf dérogation expresse prévue par les parties, communauté ou confusion d’intérêts ou fraude, l’apport partiel d’actif emporte, lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle, de la société apporteuse à la société bénéficiaire, de tous les droits, biens et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport. »

La difficulté pratique est de savoir ce qui relève de la branche d’activité transmise. A cet égard, il faut souligner que la réalité prime sur le contrat initialement prévu. En effet, si les parties ont omis d’intégrer un élément de la branche, ce dernier peut quand même être attribué à la société bénéficiaire du fait de la transmission universelle du patrimoine. Le principe reste tout de même celui de l’identification de l’actif et du passif de l’activité cédée.

Il existe une importante protection pour les créanciers dans ce type d’opération. Ils peuvent réclamer le paiement des créances transmises à la société bénéficiaires mais également celles de la société apporteuse. Il existe une solidarité entre la société apporteuse et la société bénéficiaire du fait de l’application des règles relatives à la scission. Cette solidarité peut être écartée comme dans le régime de la scission.

Quels sont les risques d’une telle opération ?

L’opération de l’apport partiel d’actifs est une opération risquée.

Le risque principal est que la société apporteuse apporte une activité qui comporte un très grand nombre de passif. Il se peut également que la société apporteuse constitue son apport de passifs qui ne relèvent pas de l’activité transférée. De même, il se peut que l’opération bien que valable, consiste en réalité en un important passif habillé.

La pratique a en effet créé des structures de defesance. Elles permettent de remettre la société à flot en se déchargeant d’un grand nombre de passif. Pour rendre l’opération valable, il faut suffisamment doter la société bénéficiaire de fonds. Il faut prévoir des garanties afin que l’apport puisse permettre à la société bénéficiaire de faire face au passif de l’activité cédée. A défaut de garanties suffisantes, la société pourra être attaquée en responsabilité pour insuffisance d’actifs.

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