Paris Airbnb

Illégalité partielle du règlement anti-Airbnb de la Ville de Paris

Dans un arrêt du 6 février 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé partiellement la délibération du Conseil municipal de Paris qui instaure un régime d’autorisation pour encadrer la transformation des locaux commerciaux en meublés de tourisme.

CAA Paris, 6 février 2025, n° 24PA00475

Si le principe de ce régime, destiné à encadrer (pour ne pas dire limiter) le développement de l’offre de meublés touristiques à l’échelle de la Ville de Paris, est validé par la Cour, elle met toutefois en cause l’absence de critères clairs et mesurables sur la base desquels justifier un octroi ou un refus d’autorisation ainsi que l’atteinte portée à la sécurité juridique en raison de l’applicabilité immédiate de ce régime.

Les possibilités de régulation de l’offre de locations « Airbnb »

Désireux de renforcer son arsenal juridique pour lutter contre le développement de l’offre de meublés touristiques, le Conseil de la Ville de Paris avait adopté le 15 décembre 2021 un règlement soumettant à autorisation la transformation d’un local commercial en meublé touristique.

Cette délibération se fondait sur le IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

Introduit par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, cet article permet aux communes, par l’adoption d’une délibération, de soumettre à autorisation la location d’un local qui n’est pas à usage d’habitation.

Sont en particulier visés les locaux commerciaux, dont la définition a ensuite été précisée par l’article R. 324-1-4 du code du tourisme.

La mise en œuvre de ce dispositif suppose que la commune ait au préalable soumis à autorisation les changements d’usage des locaux destinés à l’habitation et à enregistrement toute location de meublés touristiques.

Ce dispositif est venu compléter celui de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation.

En vertu de cet article, le conseil municipal d’une commune peut définir un régime d’autorisation temporaire de changement d’usage permettant à toute personne physique ou morale de louer un local à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme.

Le conseil municipal se trouve ainsi en droit de réguler les possibilités de transformer une habitation en meublé de tourisme selon des critères pouvant porter sur la durée des contrats de location, les caractéristiques physiques du local, sur la localisation du local ou la nécessité de ne pas aggraver une pénurie de logements. Un nombre maximal d’autorisations délivrables peut même être instauré.

Combinés, ces régimes permettent de soumettre à autorisation la transformation en meublé touristique des locaux à usage de commerce ET des locaux à usage d’habitation.

La situation parisienne

En l’occurrence, au-delà de la tension sur le parc de logements disponibles à la location, la Ville de Paris a fait le constat d’un nombre significatif de transformations de locaux commerciaux en meublés touristiques.

Cela a pour effet d’accentuer la raréfaction de l’offre de commerces de proximité et de l’artisanat et de perturber l’équilibre des fonctions urbaines.

C’est pourquoi elle a entendu faire application du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme et soumettre à autorisation la transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme, par une délibération adoptée par le Conseil de Paris le 15 décembre 2021.

Si le Tribunal administratif de Paris avait rejeté, dans un jugement du 30 novembre 2023, la demande d’annulation de la délibération présentée par l’Association des Commerçants Accueillants, la Cour administrative d’appel de Paris a partiellement fait droit à cette demande.

Validation du régime « anti-Airbnb »

Dans l’arrêt commenté, la Cour commence par refuser de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire relative à la constitutionnalité du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

Selon elle, le législateur, qui poursuivait les objectifs d’intérêt général de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, a « entendu permettre aux communes marquées par d’importantes tensions sur le marché immobilier de lutter contre la pénurie de locaux commerciaux ainsi que de prévenir les atteintes à l’environnement urbain qui pourraient résulter d’une concentration excessive de locations touristiques dans certains quartiers, notamment au regard de la diversité et de la physionomie des commerces et de la qualité de vie des habitants ».

La mise en œuvre de ce régime étant par ailleurs facultative, réservée aux communes mettant en œuvre la procédure d’enregistrement des meublés de tourisme et impliquant un examen par le maire de chaque demande au regard des objectifs visés, la Cour estime qu’il n’est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre.

Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.

Ensuite, la Cour administrative d’appel de Paris valide le constat dressé par la Ville de Paris des nombreuses incidences négatives liées à la transformation d’un nombre élevé de commerces en meublés de tourisme sur l’environnement urbain et sur l’offre de commerces pour la population permanente.

Elle confirme également l’interdiction de la location en meublés de tourisme des locaux à usage commercial situés sur certains linéaires commerciaux et artisanaux identifiés au règlement de l’ancien plan local d’urbanisme dès lors que cette interdiction « n’a pas par elle-même pour effet d’interdire toute possibilité d’installer des meublés de tourisme dans de larges secteurs et répond à l’objectif d’intérêt général de protection de la commercialité de certains quartiers et artères où celle-ci est menacée ».

À cet égard, la Cour souligne qu’une telle interdiction se fonde sur la situation particulière de certains quartiers ou zones et n’est pas disproportionnée.

Ainsi, la Cour valide largement le principe de ce régime d’autorisation, mais vient censurer une partie de ses conditions de mise en œuvre.

L’importance de critères précis et du respect de la sécurité juridique

L’article R. 324-1-5 du code du tourisme impose, lors de l’adoption d’un règlement en application du IV bis de l’article L. 324-1-1 du même code, de définir les principes de mise en œuvre des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services.

Sur cette base, les juges administratifs d’appel rappellent que s’applique la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et que, ce faisant, le pouvoir d’appréciation des autorités compétentes doit être encadré par des critères clairs, non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance, transparents et accessibles destinés à en éviter toute application arbitraire.

Or, la Cour note que les critères retenus par la Ville de Paris pour la mise en œuvre des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emplois, habitats, commerces et services ne répondent pas à l’exigence de précision nécessaire pour écarter le risque d’une application arbitraire.

En effet, elle reproche à la délibération que les critères visant à apprécier la densité de meublés touristiques, de l’offre commerciale et de l’offre hôtelière ne sont assortis d’aucune quantification absolue ou relative pour guider l’instruction de la délivrance des autorisations.

Autrement dit, la délibération aurait notamment dû prévoir des seuils chiffrés de densité des différents usages dont le dépassement aurait pu justifier un refus.

En revanche, elle valide les critères qu’énumère la délibération et destinés à apprécier l’existence de nuisances pour l’environnement urbain.

Enfin, la Cour administrative d’appel censure l’absence de date différée d’entrée en vigueur de la délibération.

En effet, le dépôt, l’instruction et l’obtention d’une autorisation supposent l’observation d’un délai ne pouvant être inférieur à trois mois.

Or, la location sans autorisation d’un local commercial en meublé de tourisme est passible d’une amende civile en application de cette délibération.

Une entrée en vigueur immédiate rend ainsi toute poursuite d’une telle location (débutée auparavant) illégale et, de ce fait, porte une « atteinte excessive aux intérêts des acteurs économiques en cause », compte tenu du délai indispensable de trois mois pour obtenir une autorisation.

Ainsi, la Cour annule les dispositions de la délibération relative aux critères destinés à protéger l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services et à sa date d’entrée en vigueur.

Toute commune souhaitant renforcer son contrôle sur le développement des meublés de tourisme doit donc être particulièrement vigilante sur le degré de précision des critères d’encadrement qu’elle retient.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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