
Implanter un data center en France
Enjeu de souveraineté numérique et outil clé dans le développement de l’intelligence artificielle, les data centers ou « centres de données informatiques » sont appelés à se multiplier dans les prochaines années.
Très concrètement, ils permettent d’héberger et de traiter un grand nombre de données.
Implanter un data center peut néanmoins relever du parcours du combattant tant les procédures administratives nécessaires à sa réalisation sont nombreuses et complexes.
Et sans doute à raison, compte tenu des défis environnementaux, énergétiques ou encore sociaux que doit relever le porteur d’un projet de construction d’un data center.
Voici les principales étapes indispensables à la conduite d’un projet d’implantation d’un data center.
Volet foncier : choisir son terrain
Identifier le foncier disponible pour la réalisation d’un data center peut s’avérer complexe, au vu de l’emprise au sol considérable que peut requérir un projet.
Même s’ils se sont à l’heure actuelle peu saisis de la question, les documents de planification urbaine sont susceptibles de flécher des zones privilégiées en vue de l’implantation de tels projets.
Une vigilance particulière doit donc être portée aux documents d’urbanisme avant d’acquérir du foncier (ou de le louer), afin de s’assurer qu’ils ne font pas obstacle à l’implantation d’un data center.
À cela s’ajoute que les data centers sont particulièrement gourmands en eau et en électricité, ce qui nécessite un raccordement à des réseaux aux capacités suffisantes.
Le choix d’un terrain déjà raccordé ou proche de réseaux aux capacités importantes diminuera le coût du projet, les travaux de raccordement pouvant constituer un poste budgétaire significatif.
Des autorisations spécifiques pourront être requises en vue de réaliser ces raccordements (permission de voirie, convention de servitude, etc.), qu’il conviendra d’obtenir auprès du gestionnaire du domaine et/ou des propriétaires concernés.
Par ailleurs, la Mission régionale de l’autorité environnementale d’Île-de-France[1] recommande d’implanter les data centers sur d’anciennes friches industrielles, et plus généralement sur des zones urbanisées, afin de ne pas contribuer à l’artificialisation des sols, dans le cadre de l’objectif de « zéro artificialisation nette » à horizon 2050 (Éclairages de la MRAE Île-de-France sur les data centers, publié en 2023), bien que remis en cause régulièrement.
Plus généralement, une implantation en zone urbaine présente de nombreux intérêts :
- Des enjeux environnementaux potentiellement moindres qu’en zone naturelle ou agricole. Le nombre d’autorisations au titre du code de l’environnement qui pourront être exigées du porteur de projet sera vraisemblablement moins important ;
- La présence immédiate d’un tissu d’entreprises et/ou d’administrations, facilitant leur raccordement au projet ;
- La possibilité de recycler la chaleur fatale générée par le fonctionnement des ordinateurs du data center, favorable à la logique « éviter, réduire, compenser » (ERC) pour les projets soumis à évaluation environnementale, par exemple en réemployant cette chaleur pour le chauffage de bâtiments publics, de parcs de logements, etc.
Ainsi, le choix du foncier est susceptible d’influer de façon notable sur la propension du porteur de projet à obtenir les autorisations administratives nécessaires à sa réalisation.
En tout état de cause, il est recommandé aux porteurs de projet d’entrer en dialogue avec les élus locaux d’un territoire sur lequel ils envisagent d’implanter un data center afin de se renseigner sur le foncier disponible et optimiser le choix du lieu d’implantation, au regard des contraintes inhérentes à la réalisation d’un tel projet.
De surcroit, une telle démarche peut aussi permettre de mesure le degré d’acceptabilité du projet auprès des décideurs locaux et de la population
[1]Éclairages de la MRAE Ile-de-France sur les data centers, publié en 2023
Volet environnemental : définir les autorisations requises
Les divers équipements que requiert un data center (groupe électrogène, groupe de froid, cuve de fioul) le font relever de la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) au sens de l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
Au sein de la législation ICPE, il n’existe pas de rubrique spécifiquement dédiée au data center.
Le régime auquel il sera soumis dépendra de la taille et de la puissance, et donc du risque, que présente chacun de ses éléments techniques. Les démarches seront à accomplir auprès des services de l’État dans le département dans ce cadre.
En fonction des caractéristiques du projet et au regard des seuils définis par la nomenclature ICPE, le data center pourra relever de l’un des régimes suivants :
- Déclaration (D) : elle concerne les installations qui ne présentent pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts que vise l’article L. 511-1 du code de l’environnement (article L. 512-8 du code de l’environnement). Une simple déclaration de l’installation suffira et le préfet, sans pouvoir s’opposer au projet, sera seulement en droit d’imposer des prescriptions au porteur de projet.
- Enregistrement (E) : il s’agit d’une autorisation simplifiée pour les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement mais bien connus et qui peuvent être prévenus par le respect de prescriptions (article L. 512-7 du code de l’environnement).
- Autorisation (A) : procédure la plus lourde, elle vise les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement (article L. 512-1 du code de l’environnement).
Pour ces deux derniers régimes, le projet est susceptible d’être soumis à évaluation environnementale sur décision de l’autorité environnementale (article R. 122-2 du code de l’environnement et rubrique 1 du tableau annexé à cet article).
Le contenu, particulièrement exigeant, de cette évaluation environnementale est déterminé par les articles R. 122-4 et R. 122-5 du code de l’environnement.
Cette soumission à étude d’impact implique la réalisation d’une enquête publique (article R. 123-1 du code de l’environnement).
En outre, pour les ICPE soumises à autorisation, la réalisation d’une étude de danger s’impose également (article L. 181-1 2° et article D. 181-15-2 10° du code de l’environnement).
Par-delà l’application du régime ICPE, le projet est susceptible d’être soumis à l’obtention d’autres autorisations au titre du code de l’environnement, en fonction de sa situation, de ses caractéristiques ou de son incidence sur l’environnement.
Peut ainsi être rendue nécessaire l’obtention d’une autorisation de défrichement (article L. 341-3 du code de l’environnement), d’une absence d’opposition au titre de la législation Natura 2000 (article L. 414-1 du code de l’environnement) ou encore d’une dérogation aux interdictions édictées pour la conservation des espèces protégées (article L. 411-2 du code de l’environnement).
Toutefois, depuis l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, a été instituée, en ce qui concerne les ICPE soumises à autorisation, une autorisation environnementale unique (article L. 181-1 du code de l’environnement).
Cette autorisation regroupe en une seule instruction et décision l’ensemble des autorisations susceptibles d’être requises au titre du code de l’environnement. Ainsi, l’obtention de l’autorisation ICPE pourra également valoir autorisation de défrichement, si le projet implique un défrichement.
Il n’en demeure pas moins que l’obtention d’une autorisation ICPE suppose de longs délais d’instruction, d’au moins un an.
Volet urbanisme : appréhender la législation et les documents d’urbanisme
Malgré l’institution d’une autorisation environnementale unique, tout projet d’implantation d’un data center nécessite l’obtention d’un permis de construire.
Les procédures environnementales et d’urbanisme sont distinctes et les demandes d’autorisation font l’objet d’une instruction propre à chacune.
En effet, sauf exception, l’autorité amenée à statuer sur la demande d’autorisation d’urbanisme (le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunal) n’est pas la même que celle statuant sur la ou les demandes d’autorisation au titre du code de l’environnement (le préfet).
Le porteur de projet peut se retrouver dans la situation paradoxale d’obtenir une autorisation et pas l’autre. Il n’en demeure pas moins que l’absence d’une des autorisations requises fait obstacle à la réalisation du projet.
En matière de data center, l’arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme est venu préciser à quelle sous-destination appartiennent les data centers.
Ainsi, l’article 1 de cet arrêté intègre les « centres de données informatiques » à la sous-destination « entrepôt » (elle-même comprise dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire »).
Cette précision apporte de la sécurité juridique aux porteurs de projet en clarifiant les zones dans lesquelles le règlement du plan local d’urbanisme permet l’implantation des datas centers et quelles règles du plan local d’urbanisme lui sont opposables.
Enfin, il doit être précisé qu’en région Île-de-France, l’implantation d’un data center d’une surface de plancher supérieure à 5000 m2 requiert l’obtention de l’agrément du préfet en application des articles R. 510-1 et R. 510-6 du code de l’urbanisme et ce, préalablement aux demandes d’autorisation environnementale et de permis de construire. L’agrément doit être produit lors de la demande de permis de construire (article R. 431-16 g) du code de l’urbanisme).
Volet financier : quelques avantages fiscaux à ne pas négliger
D’un point de vue fiscal, deux dispositifs méritent d’être soulignés tant ils sont favorables aux projets d’implantation de data center.
D’une part, les data centers peuvent bénéficier de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques à taux réduit lorsqu’ils répondent à diverses conditions, énumérées à l’article L. 312-70 du code de l’imposition sur les biens et services, parmi lesquelles le respect de bonnes pratiques de gestion énergétique (écoconception du centre de données, optimisation de l’efficacité énergétique, technologies de refroidissement répondant à des objectifs de performance, chaleur fatale valorisée, etc.).
D’autre part, il a été jugé par le Conseil d’État que les data centers ne constituaient pas des lieux destinés à l’entreposage de produits, de marchandises ou de biens au sens du code général des impôts, de sorte qu’ils n’étaient pas soumis à la redevance pour création de locaux de stockage issue de l’article L. 520-1 du code de l’urbanisme (CE, 11 octobre 2022, n° 463134) alors même qu’ils relèvent de la sous-destination « entrepôt ».
Volet contentieux
Le refus de l’autorisation d’urbanisme (permis de construire) ou d’une autorisation au titre du code de l’environnement peut être contestée par le porteur de projet devant le Tribunal administratif territorialement compétent.
Les tiers au projet peuvent également contester l’autorisation d’urbanisme et/ou la ou les autorisations au titre du code de l’environnement obtenues par le porteur de projet.
Si le tiers entend contester à la fois l’autorisation d’urbanisme et l’autorisation environnementale, il lui faudra introduire deux recours distincts.
Le recours contre un refus d’autorisation est enfermé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
S’agissant du recours des tiers contre une autorisation d’urbanisme, il est enfermé dans un délai de deux mois à compter du premier jour d’affichage sur le terrain du panneau réglementaire (R. 600-2 du code de l’urbanisme). Il leur faudra justifier de leur intérêt à agir et notifier leur recours.
Le contentieux de l’environnement a, quant à lui, connu de récentes évolutions avec la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 et les décrets n° 2023-1103 du 27 novembre 2023 et n° 2024-423 du 10 mai 2024 avec notamment :
- L’introduction d’une obligation de notifier les recours contre une autorisation environnementale ( 181-17 et R. 181-51 du code de l’environnement), selon la même logique que le droit de l’urbanisme ;
- L’abaissement du délai de recours de quatre à deux mois contre les décisions relatives aux ICPE (article R. 181-50 du code de l’environnement).
Ces évolutions enferment la recevabilité des recours contre des décisions relatives aux ICPE dans des conditions plus strictes, sécurisant davantage les porteurs de projet.
Évolutions législatives possibles
Adopté par le Sénat le 22 octobre 2024 et en attente d’examen par l’Assemblée nationale, le projet de loi de simplification de la vie des entreprises contient, dans sa version actuelle, des dispositions spécifiques aux data centers et destinées à accélérer leur déploiement sur le territoire national.
Il est notamment prévu de qualifier les data centers de « programme d’intérêt national majeur ».
Notion introduite par la loi n° 2023-97 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, elle confère notamment au préfet la compétence pour délivrer les permis de construire des projets reconnus comme tels et permet à ces projets d’être regardés comme répondant à une raison d’intérêt public majeur, en vue de faciliter l’obtention d’une dérogation aux interdictions édictées pour la conservation des espèces protégées.
Cette qualification leur permettrait également de bénéficier d’un raccordement accéléré au réseau électrique.
Conclusion
L’implantation d’un data center est un projet de long cours qui doit être conçu avec attention, tant les caractéristiques du projet peuvent exercer une influence sur le nombre d’autorisations administratives susceptibles d’être requises.
L’accompagnement d’un avocat peut s’avérer indispensable, tant en phase conseil que contentieuse, au vu des multiples législations auxquelles un tel projet est assujetti et des évolutions susceptibles.

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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