Le syndicat de copropriétaires d’une résidence située sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette d’un projet de construction ayant fait l’objet d’un permis de construire justifie d’un intérêt pour agir dans le cadre d’un recours en annulation du permis de construire, eu égard notamment à l’importance du projet contesté (CE 24 février 2021, Syndicat des copropriétaires de la résidence La Dauphine, n°432096).

Dans cette affaire, le maire d’une commune avait délivré par arrêté municipal à une société un permis de construire concernant trois immeubles de 74 logements.

A la suite du rejet implicite de son recours gracieux, le syndicat de copropriétaires d’une résidence située sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet en litige a saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire.

Par un jugement du 29 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande en faisant droit aux fins de non-recevoir opposées tant par la commune que par la société pétitionnaire et tirées, d’une part, de la tardiveté des conclusions présentées et, d’autre part, de l’absence de justification par le syndicat de copropriétaires d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Le syndicat se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’État.

Intérêt à agir d’un syndicat de copropriétaire contre un permis de construire

Intérêt à agir d’un syndicat de copropriétaire contre un permis de construire

Intérêt à agir contre un permis de construire

Tout d’abord, le Conseil d’État effectue un rappel des dispositions de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel :

« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».

L’objet de ce texte, issu du rapport Labetoulle et modifié par la loi ELAN, était de limiter l’accès au juge de l’excès de pouvoir en matière de contestation des autorisations d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou de démolir) afin de faire primer la satisfaction de l’intérêt général sur celle d’éventuels intérêts privés et de faire obstacle à des recours supposés « abusifs ».

Comme le relève le Conseil d’État en l’espèce, ces dispositions imposent au requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire « de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ».

Le Conseil d’État précise qu’il n’est pas exigé de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque.

De son côté, le défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, devra « apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ».

La charge de la preuve est donc renversée, et c’est à l’administration (ou au titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée, voire aux deux comme c’est le cas en l’espèce) qu’il revient d’apporter la preuve que le projet litigieux ne porte pas atteintes aux conditions d’utilisation du bien par le requérant.

Intérêt à agir d’un syndicat de copropriétaires voisin de l’opération

Rappelant sa célèbre jurisprudence Bartolomei (CE 13 avril 2016, n°389798), le Conseil d’État souligne que

« Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ».

Procédant à une extension de cette jurisprudence, la Haute juridiction affirme pour la première fois qu’« Il en va de même lorsque le requérant est un syndicat de copropriétaires », accréditant une solution d’ores et déjà établie par les juges du fond (Voir en ce sens : CAA Lyon, 4 février 2014, n°13LY01727).

Dans l’affaire en cause, le tribunal administratif avait relevé que la résidence du syndicat des copropriétaires requérant était située sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet en litige et que ledit syndicat faisait notamment état, pour justifier de son intérêt à demander l’annulation du permis de construire contesté, de l’importance du projet, conduisant à la construction de 74 logements en vis-à-vis de la résidence et entraînant un triplement de la surface bâtie existante sur la parcelle du terrain d’assiette du projet ainsi qu’à la création de 124 places de stationnement.

En jugeant que ces éléments ne suffisaient pas à justifier de l’intérêt pour agir du syndicat requérant, le tribunal a donc commis une erreur de droit.

Partant, le syndicat de copropriétaires requérant est regardé comme fondé à demander l’annulation du jugement qu’il attaque, en tant qu’il a rejeté ses conclusions.