Interview de Benjamin Robine, expert immobilier

Le cabinet NovLaw Avocats, spécialisé en droit immobilier, questionne Benjamin Robine, expert immobilier, sur la valorisation et la cession de fonds de commerce. Anciennement fiscaliste international chez Lafarge S.A., il est, depuis 2012, à la tête de son propre cabinet d’expertise, découvrez sa rétrospective de l’année 2020. 

« Baptiste Robelin : Après 9 mois d’épisode pandémique, quelle analyse portez-vous sur les cessions de fonds de commerce ?

Benjamin Robine : Le marché des cessions de fonds de commerce, entendu au sens de la cession d’une activité ou d’un emplacement commercial (cession de fonds, de parts sociales, de droit au bail) a connu, sans surprise, une année 2020 difficile à décrypter.

Les cessions recensées au BODDAC indiquent un volume en 2020 inferieur à celui de 2019, mais dans une proportion demeurant encourageante. Le volume de ventes s’inscrit en baisse limitée à -13% sur la période.

Il est prématuré d’en tirer des enseignements sur les prix des fonds de commerce, les chiffres d’affaires 2020 étant tout juste arrêtés.

De ce fait, il est difficile d’en tirer de véritables enseignements autres qu’un attentisme des différents acteurs et un resserrement des conditions de crédit, qui nuisent à la liquidité du marché et donc à sa lisibilité.

Baptiste Robelin : Comment appréhendez-vous les valeurs de fonds de commerce dans le contexte actuel ?

Benjamin Robine : Les valeurs de fonds sont usuellement appréhendées par les experts évaluateurs à partir des agrégats usuels tels que le chiffre d’affaires et l’Excèdent Brut d’Exploitation retraité et ce, à partir de références de cessions comparables.

La valorisation d’un fonds est basée sur la connaissance de performances passées, mais également sur la capacité de l’exploitant à les poursuivre dans le futur et, idéalement, à les améliorer.

Dans ce contexte, une pondération des exercices de référence en fonction de leur pertinence et des perspectives de reprise sur les années à venir peut-être pratiquée. La pondération du chiffre d’affaires ou de l’EBE retraité produit un effet d’assiette ayant une incidence sur la valorisation finale du fonds.

Sur les multiples, la valorisation peut être effectuée à partir de multiples modifiés – le plus souvent décotés – tenant compte de la faible liquidité du marché, du resserrement des conditions de marché et de perspectives économiques moins favorables. Cette approche a principalement vocation à s’appliquer pour les valorisations sur la base du chiffre d’affaires.

Il est également possible de projeter une valorisation du fonds sur un horizon de reprise, le délai de « portage » des fonds au cours duquel ceux-ci présenteront une rentabilité moindre, voire déficitaire, venant en déduction de la valeur du fonds appréciée in fine.

Les deux approches sont actuellement observées notamment dans le secteur de l’hôtellerie- restauration, la préférence pour l’une ou pour l’autre témoignant de la financiarisation des acteurs.

Baptiste Robelin : Comment les indemnités d’éviction vont-elles être fixées par les Tribunaux ?

Benjamin Robine : L’expert commis judiciairement fournit un rapport d’évaluation soumis à l’appréciation souveraine du Tribunal qui statue sur l’indemnité d’éviction. Celle-ci correspond alternativement à la valeur du fonds de commerce ou au droit au bail.

Si la consistance du fonds est appréciée à la date d’effet du congé refus de renouvellement, la valeur du fonds est appréhendée à la date la plus proche de celle où le preneur rend les clés, correspondant le plus souvent à la date du jugement de première instance.

Les indemnités d’éviction pour des congés signifiés avant 2020 et en cours de fixation judiciaire devront donc tenir compte du contexte actuel de marché et notamment, d’un marché locatif pour l’heure peu animé et orienté à la baisse.

La vigilance s’impose pour les preneurs ayant reçu des congés antérieurs à la survenance de la pandémie qui se sont maintenus dans les lieux, dont l’indemnité d’éviction sera fixée à une date actuelle, là où l’indemnité d’occupation sera déterminée dans les conditions de marché contemporaines de la date d’effet du congé. L’effet de compensation entre l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation doit, dans la mesure du possible, être anticipé.

Les prochains jugements rendus en fixation d’indemnité d’éviction mériteront notre attention. »

Interview de Benjamin Robine, expert immobilier

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