L'exécution provisoire en droit français

L’exécution provisoire en droit français : une justice plus rapide, mais à quel prix ?

L’exécution provisoire constitue une arme procédurale à double tranchant. Certes, elle accélère l’application effective des décisions judiciaires et freine les stratégies dilatoires, mais elle peut également générer des déséquilibres entre les droits du créancier et ceux du débiteur. Auparavant exceptionnelle, l’exécution provisoire, est devenue la norme pour la majorité des jugements de première instance depuis le 1er janvier 2020, en application de la réforme introduite par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.

Quel changement dans la pratique judiciaire ? 

Le mécanisme de l’exécution provisoire de droit vise à résoudre un défaut chronique du système judiciaire français : la longueur des délais entre les décisions de première instance et leur exécution réelle. Trop souvent, les voies de recours ne servent pas à remettre en cause la décision elle-même, mais à différer son application. En supprimant l’effet suspensif automatique de l’appel, le législateur a cherché à empêcher autant que possible ces manœuvres dilatoires.

Autrefois laissée à l’appréciation du juge, l’exécution provisoire est donc aujourd’hui automatique, sauf texte contraire ou décision motivée du juge, selon l’article 514 du code de procédure civile. Le caractère suspensif de l’appel, historiquement considéré comme une garantie fondamentale, devient désormais l’exception.

Néanmoins, cette exécution immédiate ne permet pas au créancier d’agir sans précautions, puisqu’il demeure tenu de faire signifier le jugement avant son exécution et s’expose à des sanctions s’il abuse de ce droit en infligeant un préjudice injustifié au débiteur. De plus, en cas d’infirmation de la décision initiale en appel, le créancier devra restituer les sommes perçues et pourra être tenu responsable en dommages et intérêts.

Peut-on arrêter ou aménager l’exécution provisoire de droit ? 

Le rétablissement ou l’octroi de l’exécution provisoire

Lorsque l’exécution provisoire automatique a été totalement ou partiellement écartée par le juge de première instance, son rétablissement peut être sollicité en appel devant le premier président statuant en référé ou devant le conseiller de la mise en état, sous trois conditions cumulatives : l’urgence, la compatibilité avec la nature de l’affaire et l’absence de conséquences manifestement excessives pour l’autre partie.

Cette demande doit être formée par assignation en référé devant le premier président ou par conclusions spéciales devant le conseiller de la mise en état. Si l’exécution provisoire est rétablie, le juge peut également ordonner, spontanément ou à la demande d’une partie, la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir d’éventuelles restitutions ou réparations.

Par ailleurs, lorsque l’exécution provisoire est facultative selon la loi et qu’elle a été refusée en première instance ou simplement omise, son octroi peut également être sollicité en appel devant les mêmes magistrats. En cas de refus initial, l’urgence doit être démontrée ; en revanche, en l’absence de demande initiale ou en cas d’omission du juge de première instance, il n’est pas nécessaire d’établir l’urgence. La motivation doit être précise et distincte des autres conclusions, en démontrant clairement la nécessité et la compatibilité avec la nature du litige.

La juridiction ayant rendu le jugement peut aménager l’exécution provisoire de droit en la subordonnant à la constitution d’une garantie suffisante, réelle ou personnelle, permettant d’assurer toutes restitutions ou réparations éventuelles. Elle peut également ordonner la consignation des sommes à la charge d’une partie (articles 515 à 523 du code de procédure civile, applicables aux demandes introduites depuis le 1er janvier 2020). La nature, l’étendue et les modalités pratiques de cette consignation sont fixées par le juge lui-même. En principe, les sommes consignées sont versées à la Caisse des dépôts et consignations, sauf désignation expresse d’un tiers accepté par le juge.

Par ailleurs, la partie condamnée peut échapper à l’exécution provisoire en consignant, sur autorisation du juge, une somme suffisante couvrant le principal, les intérêts et les frais associés à la condamnation, à l’exception des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions. Une garantie équivalente peut se substituer à la garantie initiale sur autorisation judiciaire.

En pratique, toutefois, ces demandes d’aménagement sont rarement présentées avant le prononcé du jugement, ce qui complique leur prise en compte postérieure en raison du dessaisissement de la juridiction. Dans ce cas, seul le premier président de la cour d’appel ou le conseiller de la mise en état dispose, dès sa saisine, de la compétence nécessaire pour aménager ou arrêter l’exécution provisoire dans des conditions strictement encadrées par la loi.

La suspension de l’exécution provisoire

En appel, seul le premier président de la cour d’appel est compétent pour suspendre l’exécution provisoire automatique des jugements de première instance. Pour ce faire, deux conditions cumulatives doivent être réunies : l’existence de moyens sérieux susceptibles d’annuler ou de réformer la décision, et le risque manifeste de conséquences excessives en cas d’exécution immédiate. La partie ayant comparu en première instance sans contester l’exécution provisoire ne peut demander ultérieurement son arrêt en appel qu’à la condition d’invoquer des conséquences manifestement excessives apparues postérieurement à la décision initiale, situation interprétée de manière restrictive par les juridictions.

Cette procédure, initiée devant le premier président, est recevable même après la clôture des débats, jusqu’au prononcé de l’arrêt. Les décisions rendues sur ce point par le premier président sont définitives, sans possibilité de recours. Toutefois, le juge peut conditionner le rejet d’une demande d’arrêt à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle, pour assurer la réparation des préjudices éventuels.

Enfin, la suspension de l’exécution provisoire est également recevable lorsque des mesures telles qu’une saisie-attribution sont engagées, à condition que le paiement effectif au créancier ait été différé, et elle l’est encore davantage en présence d’un simple commandement de payer.

Quelles sont les conséquences d’un défaut d’exécution du jugement en appel ?

Lorsque le jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ou est ordonnée par le juge, le conseiller de la mise en état ou le premier président de la cour d’appel peut, à la demande de l’intimé, prononcer la radiation de l’affaire du rôle en cas de défaut d’exécution par l’appelant. Cette mesure constitue un moyen efficace contre les appels manifestement dilatoires ou abusifs, en contraignant l’appelant à exécuter préalablement la décision attaquée.

Toutefois, cette radiation n’est pas automatique. A nouveau, elle ne sera pas prononcée si son exécution entraîne des conséquences manifestement excessives pour l’appelant ou en cas d’impossibilité objective d’exécuter la décision (par exemple, impécuniosité avérée ou ouverture d’une procédure collective). Dans l’usage de leur appréciation souveraine, les juges du fond sont sensibles à un début d’exécution témoignant de la volonté sincère du débiteur d’exécuter la décision.

La radiation doit être sollicitée formellement par écrit, en respectant le contradictoire. Une fois prononcée, elle suspend la procédure d’appel sans toutefois interrompre les délais impartis à l’appelant pour conclure. L’appelant peut néanmoins obtenir la réinscription de l’affaire au rôle en justifiant avoir procédé à l’exécution, totale ou partielle, du jugement initial.

Enfin, il faut rappeler qu’un titre exécutoire à titre provisoire expose le créancier à des risques importants. En effet, si le jugement exécuté est infirmé ultérieurement en appel, le créancier devra non seulement restituer au débiteur ce qu’il a reçu, mais également indemniser les éventuels dommages subis par le débiteur du fait de l’exécution précipitée. L’exécution provisoire se réalise donc toujours aux risques et périls du créancier.

Bien que cette réforme contribue indéniablement à la rapidité et à l’efficacité du système judiciaire, elle suscite néanmoins des interrogations quant à la sécurité juridique et à la protection effective des débiteurs confrontés à des exécutions abusives.

Pour cette raison, une prudence particulière s’impose tant aux créanciers envisageant une exécution provisoire qu’aux débiteurs désireux de la contester.

Baptiste

En collaboration avec Pauline Lesbros et Maître Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Bail Commercial et Droit Immobilier du cabinet Novlaw Avocats.

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